Archives pour la catégorie 2024/2025

Quelques lectures pour l’été

Bonjour, j’espère que, vous qui me lisez, vous vous apprêtez à déconnecter, à décrocher, à vous barrer, quelque part, loin, proche, avec vos proches, ou seul, pour vous ressourcer, vous retrouver, vous reposer. L’été est vraiment arrivé et je vous le souhaite reposant et intéressant, je vous souhaite de vraies bonnes vacances, aussi incongru, voire scandaleux, ce souhait pourrait-il apparaître aux yeux et oreilles de ceux qui, à Gaza, à Kuyv et ailleurs, dans tant d’endroits dans ce monde en souffrance, ne connaissent pas ce luxe que nous trouvons, ici, tout naturel.

En guise de viatique, et pour clore une année universitaire qui fut, comme toujours, assez intense, je publie dans ce dernier post avant les grandes départs quelques articles rédigés par des étudiants et étudiantes du master de géopolitique de l’art et de la culture de la Sorbonne-Nouvelle. Il s’agit d’articles dits de « vulgarisation », qui présentent en quelques pages l’essentiel d’une recherche effectuée pendant deux ou trois années.

Certain.e.s. ont déjà soutenu leur mémoire de recherche, d’autres le feront en septembre, tous et toutes achèvent leur parcours universitaire et seront bientôt lâché.e.s dans la jungle, pardon, la nature, à la recherche d’un emploi. Pendant deux années, ils ont eu la possibilité de lire et d’écrire sur un sujet de leur choix, un luxe, encore, mais de l’esprit, que l’Université permet – pour combien de temps encore? Car ce luxe est menacé, de toutes parts : par les restrictions budgétaires, le grand appauvrissement de l’enseignement supérieur et de la recherche en SHS ; par les facilités nouvelles offertes par les intelligences artificielles génératives, qui permettent déjà, si on le veut, de faire rédiger par ces entités électroniques tout ou partie de ce travail intellectuel. Gain de temps, certainement, au prix d’une perte tout aussi certaine de ce qui fait l’intérêt de ce type de travail, l’acquisition et la maîtrise de connaissances et de compétences, la structuration d’une pensée, le développement d’un esprit critique et politique, la créativité. Est-on prêt à abandonner tout cela, pour gagner quelques semaines? J’espère que non mais peut-être suis-je un vieux crabe qui s’accroche désespérément à quelques idées obsolètes en attendant d’être emporté par la prochaine marée…

En attendant, je vous conseille de lire ces articles, qui témoignent, eux, de la créativité, de l’enthousiasme, de la curiosité des étudiants du master que j’ai l’honneur de codiriger avec mon compère et ami Bruno Nassim Aboudrar. Ils vous feront voyager, réfléchir, découvrir, ils vous donneront peut-être envie d’en savoir plus sur les réalités qu’ils décrivent – et, dans ce cas, n’hésitez pas à me le faire savoir, je pourrai vous mettre en contact avec leurs auteur ou autrice. Il ne s’agit que d’une partie des textes reçus, tous et toutes ne m’ont pas accordé l’autorisation de les publier ici, c’était d’ailleurs leur droit le plus strict. Mais ces quelques textes, très illustrés, donnent au moins un aperçu de la variété et de la richesse des thématiques traitées. Les voici, dans un désordre assumé.

Bonne lecture, donc, et à bientôt!

LM

Risa Terada « Tradition et innovation. Métiers d’art en France et artisanat traditionnel au Japon »

Marta Pascual Ferrer « Les voix du silence » (sur la censure de la musique)

Aurore Seibert « Le cinéma à l’ère anthropocène : les films de fiction français et américains face à la crise écologique (1970-2024)

Morgane Douchin « Le pouvoir de l’art comme outil de réappropriation culturelle en Australie »

Louise Millerand « Quand la culture est politique : les lieux culturels alternatifs à Paris et à Buenos Aires »

Garance Ampe « Art Afro et Porteno »

Ange Cipriani « La renaissance de la culture kazakh au 21e siècle »

Justine Marquis « Erasmus, de 1987 à nos jours »

Retour de Belgrade

Bonjour,

dans une actualité toujours aussi désespérante, quelques heures joyeuses sont toujours bonnes à prendre, et ce fut le cas la semaine passée, à l’occasion d’un séjour de trois jours à Belgrade, l’ex-capitale de l’ex-Yougoslavie qui n’est plus que la capitale de la Serbie depuis le dernier épisode de cette longue et tragique série des guerres balkaniques. J’étais invité par l’Institut français, dirigé pour encore une poignée de semaines par Stanislas Pierret (personnage étonnant et attachant), à présenter une conférence sur la diplomatie culturelle française. C’est surtout ma collègue Aleksandra Kolakovic, de l’Institut d’études politiques, rencontrée voici trois ans à l’occasion du colloque sur l’histoire de la diplomatie française, qui a tenu à ce que je vienne ici rencontrer celles et ceux qui s’intéressent à la France, à sa diplomatie et à sa culture. Et ils sont encore relativement nombreux, même si le français, ici comme (presque) partout en Europe et dans le monde, recule devant l’anglais – d’ailleurs, j’ai prononcé ma conférence en anglais, pour me faire comprendre d’un auditoire qui ne se pâme plus par réflexe en entendant la langue de Molière et de Malraux…

L’après-midi, je participais (toujours en anglais) à un atelier sur la recherche et l’enseignement dans le domaine de la diplomatie culturelle à l’Institut culturel, en compagnie de chercheurs et chercheuses rassemblés par Alexandra, Vesna Adamovic (cheville ouvrière depuis des années de la coopération universitaire franco-serbe) et Caroline Sotta (à gauche sur la photo), attachée culturelle à l’Institut. Celle-ci était surtout soucieuse de savoir comment donner un coup de jeune à la vieille amitié franco-serbe, forgée dans le feu de la Première Guerre mondiale, amitié à laquelle (exemple unique au monde, je crois) est consacré un monument imposant, installé depuis 1930 dans le parc de Kalemegdan.

La photo est incomplète car l’autre face du monument n’est pas moins intéressante que celle que je montre ici : aux frères d’armes français et serbes s’ajoute la France nourricière, l’institutrice auprès de laquelle la jeune nation serbe aspirait à s’éduquer… Quatre-vingts ans plus tard, les bombes de l’OTAN tombaient sur la tête des Serbes, avec l’accord et la participation de la France, dans le contexte de la guerre fratricide entre les peuples yougoslaves. Cette « trahison » n’est pas oubliée (d’autant que toutes les traces des bombardements n’ont pas été effacées) mais on me dit, et je le crois, que les Serbes, dans leur majorité, gardent affection et respect envers la France.

L’ancien ministère de la Défense serbe, dans son état actuel.

Le rêve yougoslave, nul ne l’a mieux incarné que Josip Broz Tito, l’inamovible chef d’Etat de la république de Yougoslavie de 1953 à 1980, date de sa mort. En compagnie d’Alexandra, j’allai visiter son mausolée, sur la colline aux fleurs qui domine la ville, et en profitai pour visiter l’intéressant musée de l’histoire de la Yougoslavie attenant, auquel le grand homme qui repose à côté fait un peu d’ombre (les responsables du musée s’évertuent à persuader les donateurs et visiteurs qu’il n’est pas seulement un musée à la gloire de Tito, sans parvenir à convaincre). L’histoire du panslavisme balkanique est compliquée, traversée de mille querelles qui échappent au profane ; nous connaissons mieux (du moins pour ceux qui étaient de ce monde dans les années 1990) à quoi il a abouti, cette guerre qui a déchiré la nation yougoslave, avec son cortège de massacres, de crimes de guerre et contre l’humanité, ses épurations ethniques (le terme a été inventé à cette occasion). Le musée nous explique peu de choses sur les racines de cette guerre, encore moins sur son déroulé ; il préfère s’attarder sur ce qui l’a précédée, les pages glorieuses de la Yougoslavie d’après la Seconde Guerre mondiale, l’épopée des non-alignés, dont la Yougoslavie du camarade Tito fut le porte-drapeau. Les photos des rencontres internationales de la jeunesse, des projets grandioses, de l’amitié entre les peuples donnent une idée positive de ce que fut cette utopie internationaliste, à distance des camps atlantiste et soviétique. L’envers du décor est moins présent, même s’il affleure à travers les témoignages du culte de la personnalité qui a entouré Tito jusqu’à sa mort et au-delà.

Un autel électrique à la mémoire de Tito, fabriqué par un ouvrier.

J’ignore quelle place conserve Tito dans la tête et le coeur de la jeune génération. En tout cas, celle-ci ne voue pas le même culte à son lointain successeur, Aleksandar Vucic, c’est le moins que l’on puisse dire. Du moins la jeunesse étudiante qui, depuis des mois, défie le pouvoir et défile dans la rue, réclamant la fin de la corruption et des réformes en profondeur. Les universités sont bloquées, les manifestations presque quotidiennes. Les contre-manifestations aussi, organisées par le pouvoir qui n’hésite pas à payer des gens pour qu’ils viennent « spontanément » manifester en sa faveur. Mais Vucic, comme tous les populistes de la région, bénéficient d’une popularité réelle, surtout parmi la population rurale et peu éduquée, qui se sent délaissée, à l’écart de la croissance économique qui bénéficie avant tout aux élites et à la population des grandes villes. L’élection du populiste Karol Nawrocki en Pologne ce week-end est venue rappeler qu’il s’agit d’un mouvement de fond qui ne retombera pas de lui-même. Il y a d’ailleurs aussi des accents populistes et dégagistes dans les manifs étudiantes de Serbie et tous les manifestants ne brûlent pas d’amour pour Bruxelles, Paris ou Berlin, loin s’en faut. Mais la plupart rejettent les pratiques autoritaires et la corruption qui règnent en Serbie. Ce qu’ils veulent? Retrouver une forme de souveraineté. Plus facile à dire qu’à faire quand on est un pays de sept millions d’habitants qui frappe à la porte de l’Union européenne tout en regardant avec envie ou dégoût du côté des Etats-Unis ou de la Russie…

L’université, bloquée et couverte de messages hostiles au gouvernement.

De cela aussi, il a été question dans les discussions avec les collègues rencontrés à Belgrade, et la France est également admirée pour son esprit frondeur, turbulent, pour sa capacité à descendre dans la rue pour défendre ses droits et en réclamer d’autres. L’esprit de révolte, ou de révolution, produit d’exportation culturelle? Ou comment le mythe – et la réalité – du Français râleur peut devenir, de façon inattendue, un élément du softpower à la française…

LM

L’ambassade de France

Quelques annonces de printemps

Bonjour,

le printemps est arrivé, depuis quelques jours (pas forcément évident, à regarder par la fenêtre, mais le calendrier est irréfutable) et, déjà, cent fleurs s’épanouissent, comme disait le camarade Mao.

Affiche de propagande issue de la collection de Stefan Landsberger

Je vous propose un bouquet d’annonces, un peu disparate mais néanmoins séduisant, en espérant que vous y trouverez votre bonheur. Il n’a pas l’ambition de l’exhaustivité, seulement celle de la diversité.

Je commence par la plus urgente. Dans trois jours, les 28 et 29 mars prochains, les doctorant.e.s. de l’Ecole doctorale MAGIIE de la Sorbonne-Nouvelle proposent un séminaire de deux jours sur « le parcours du doctorant » à la Maison de la Recherche de la Sorbonne-Nouvelle, 4 rue des Irlandais dans le 5e arrondissement de Paris. Ce parcours du doctorant prenant parfois l’allure d’un parcours du combattant, il est sans doute bon (et réconfortant) que les premiers et premières concerné.e.s. fassent part aux aspirant.e.s. doctorant.e.s. de leur expérience, de leurs doutes et difficultés mais aussi de leur bonheur à réfléchir, lire et écrire sur un sujet qui leur tient à coeur. Voici le programme de ces journées :

Deux autres initiatives étudiantes sont à signaler. D’abord, la création, en février, au sein du master de Géopolitique de l’art et de la culture que je codirige à la Sorbonne-Nouvelle, d’une association nommée Sphère Culture. Selon ses responsables, son but est de favoriser les relations entre étudiantes et étudiants du master, entre les promos de première et deuxième année et de favoriser la création d’un réseau professionnel, à travers les évènements organisés et le réseau alumni.
Sphère Culture organisera principalement des cycles de rencontres et des ateliers thématiques, ainsi que des évènements culturels (sorties muséales, pièces de théâtre, etc), associés à une forte présence sur les réseaux sociaux, dans le but de relayer les recommandations culturelles de chacun.e et de faire lien.

Parmi les premières opérations de Sphère Culture, les reco’culturelles : des posts Instagram dans lesquels les étudiant.e.s. peuvent parler de leurs coups de coeur culturels (expo, festival, pièce, film, lecture, podcast) et les partager avec les autres.

Vous pouvez suivre les activités de l’association sur Instagram (@sphere.culture) et Linkedin (Sphère Culture). Bravo et longue vie à cette association qui rendra le master de Géopolitique de l’art et de la culture de la Sorbonne-Nouvelle encore plus attractif!

Ensuite, une journée d’étude organisée le 4 avril prochain par d’autres étudiant.e.s. du département de Médiation culturelle de l’USN, mais cette fois du master Musées et nouveaux médias. Sur le thème « Virtuels ou vertueux? Les musées face au numérique », les mastérant.e.s célébreront à l’Orangerie du musée Carnavalet, dans le 3e arrondissement de Paris, le dixième anniversaire de la création du master en échangeant avec des experts du domaine sur les enjeux de l’inclusion, de la profession muséale, et de l’IA, à l’ère du numérique.

L’inscription gratuite se fait via ce lien :
https://my.weezevent.com/virtuels-ou-vertueux-les-musees-face-au-numerique

La veille, le jeudi 3 avril donc, le mouvement Stand Up For Science organise une deuxième journée de mobilisation nationale, construite localement, et ouverte à toutes celles et ceux qui défendent les sciences, la liberté académique, le rôle de l’université et de la recherche dans la société. 
Stand Up For Science s’est construit en France en solidarité avec les scientifiques (au sens le plus large du terme) aux États-Unis, en Argentine et partout où la liberté académique est menacée. Depuis, le mouvement s’est élargi. Une tribune, qui sert de manifeste, est parue dans le journal Libération :
https://www.liberation.fr/idees-et-debats/stand-up-for-science-et-apres-20250320_PAEXRBEBOFHK5FRZLAGXCUFUIM/

Elle s’appuie sur un constat simple : face aux crises démocratique, économique, sanitaire, climatique et environnementale, produire, transmettre et préserver les savoirs est une nécessité. Cela n’est possible que si les savoirs sont pensés et défendus comme un bien commun. Vous pouvez signer mais aussi diffuser largement autour de vous cette tribune— elle est ouverte à toutes les citoyennes et tous les citoyens :
https://standupforscience.fr/tribune/

Le mouvement Stand Up For Science propose une journée d’action plurielle, selon des modalités à inventer de manière adaptée aux contextes locaux, aux moyens disponibles et aux formes d’engagement possibles. Il invite toutes celles et ceux qui participent à faire vivre les savoirs à s’emparer de la journée du 3 avril : lieux d’enseignement et de recherche, associations, collectifs étudiants, établissements scolaires, bibliothèques, centres culturels et sociaux, syndicats, médias, citoyennes et citoyens. Il invite les établissements de recherche et d’enseignement supérieur, qui ont annoncé leur soutien à Stand Up For Science ou souhaiteraient le faire, à la banalisation de la journée du 3 avril, la participation active de tous les personnels, et la mobilisation des étudiantes et des étudiants (conférences, médiation scientifique, manifestations, performances, etc.). Pour rappel, la banalisation peut être demandée auprès des présidences des universités, de leurs conseils d’administration, des directions des facultés, instituts, ufr ou laboratoires de recherche.  


Cette journée doit refléter la diversité des engagements de Stand Up For Science, à travers des initiatives comme :

StandUpForScience, pour rendre visibles les attaques contre les sciences et la liberté académique,

PrintempsDesCampus, pour mobiliser les personnels, étudiantes et étudiants sur les campus,

PrintempsDesSciences, pour investir l’espace public à travers des événements de méditation scientifique et de dialogue avec la société civile,

GetsUpStandUp, pour donner de la visibilité aux engagements multiples du mouvement, à travers des manifestations ou performances pour la démocratie, l’accès aux savoirs, leur diffusion et leur indépendance,

NousSommesLesSciences, pour affirmer notre engagement commun pour des sciences au service de toutes et de tous.

Pour participer à l’organisation locale d’évènements, rejoindre une initiative ou simplement suivre les actualités de la mobilisation, il suffit de rejoindre le mouvement sur http://www.standupforscience.fr.
Pour que ce mouvement décentralisé et pluriel prenne de l’ampleur, il est crucial de réunir rapidement les coordinations locales existantes et d’en faire émerger là où elles manquent: dans chaque ville, chaque établissement voire nationalement autour d’engagements communs. Pour celles et ceux qui souhaitent utiliser des visuels Stand Up For Science, ils sont disponibles ici: https://standupforscience.fr/logos-affiches-flyers/. 


Screenshot

Encore deux autres annonces et j’en aurai (provisoirement) fini.

De nouveaux épisodes du podcast Histoires culturelles sont disponibles sur votre plateforme favorite. Histoires culturelles est un podcast qui explore les mondes de la culture, de la fabrique des œuvres aux musées, des objets du quotidien aux imaginaires médiatiques, des avant-gardes aux icônes pop. Une production du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines et du Comité d’histoire du ministère de la Culture, sous la responsabilité d’Anaïs Fléchet.

Pour sa deuxième saison, le podcast Histoires Culturelles s’intéresse aux lieux de la culture. Ateliers d’artistes, maisons d’écrivains, studios d’enregistrement, centres culturels et de formation, scènes officielles ou alternatives, les lieux créent du sens, des pratiques et des sociabilités artistiques. Chercheurs, témoins, conservateurs nous en racontent l’histoire.

Derniers épisodes mis en ligne: 

Episode 3 : Les Centres Culturels de Rencontre. L’Institut mémoire de l’édition contemporaine
Episode 4 : Les Centres Culturels de Rencontre. Le domaine de Chaumont-sur-Loire et l’Abbaye royale de Fontevraud
Episode 5 : L’atelier d’artistes. Pratiques et imaginaires de la création, du romantisme à nos jours.
Episode 6 : Un atelier à soi : les femmes-artistes et leurs ateliers

Des épisodes réalisés par Anaïs Fléchet, Laurent Martin et Ivanne Rialland avec l’association Siméa. 
Avec la participation de Laurence Brogniez, Chantal Colleu-Dumond, Catherine Gonnard, Goulven Le Brech, Nathalie Léger et Sébastien Tardy et toujours de nombreux documents d’archives.

Voici les liens pour y accéder

AMAZON MUSIC : https://music.amazon.com/podcasts/f1193894-2d34-4697-b906-3a2503566f33/histoires-culturelles
APPLE PODCAST : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/histoires-culturelles/id1697167127
SPOTIFY : https://open.spotify.com/show/0JPFj0LL9bIUyDMtkd7obC
DEEZER : https://www.deezer.com/fr/show/1000092995

Un autre lieu où se conserve et se fabrique la culture, qui aurait pu faire l’objet d’un épisode de ce podcast Histoires culturelles : la Bibliothèque nationale de France. Celle-ci publie chaque année un appel à chercheurs et chercheuses afin de s’associer le concours de jeunes chercheurs et chercheuses pour l’étude et la valorisation de ses collections, en priorité celles inédites, méconnues ou insuffisamment décrites. Le statut de chercheur associé ou de chercheuse associée, attribué pour une durée d’un an à compter du 1er octobre, offre un accueil et un accompagnement dans un département de la BnF, avec un accès facilité aux collections.

L’appel est en ligne depuis début février, et jusqu’au 2 mai : https://bnfaac2025.sciencescall.org/

La BnF accorde également des bourses de recherche sur ses collections, dotées d’une somme allant de 10.000 à 15.000 euros, grâce à la générosité de mécènes et donateurs. Pour l’année 2025-2026, quatre bourses seront attribuées :
une bourse Paul LeClerc-Comité d’histoire de la BnFsur l’histoire de la Bibliothèque et de la constitution de ses collections;
une bourse Mark Pigott pour les humanités numériques ;
une bourse de la Fondation Louis Roederersur l’histoire de la photographie ;
une bourse Alexandre Tzonis et Liane Lefaivresur l’architecture et son environnement.

Je me permets d’attirer votre attention sur la bourse Paul LeClerc-comité d’histoire de la BnF( https://bnfaac2025.sciencescall.org/resource/page/id/4). Depuis 2018, le Comité d’Histoire de la BnF propose une bourse de 15 000 euros visant à soutenir un travail portant sur l’histoire de la BnF et de ses collections. Cette bourse est soutenue depuis 2022 par Monsieur Paul LeClerc. Les candidates et candidats sont libres de proposer leurs propres sujets ou de choisir parmi ceux proposés par la BnF dans le domaine « Histoire de la BnF & de ses collections ». Les sujets peuvent relever de l’histoire administrative, de l’histoire des publics et des usages, de l’architecture, du personnel, des traitements bibliothéconomiques (classification, conservation, numérisation), de l’histoire des représentations sociales, etc. Une attention particulière sera portée aux projets portant sur l’histoire des collections et leurs provenances.

Voilà, j’espère que dans ce bouquet d’annonces printanières, l’une au moins vous intéressera assez pour vous donner le désir d’y aller voir de plus près. N’hésitez pas à me faire part d’autres événements que je pourrai relayer ici.

A bientôt,

LM

Lettre ouverte aux Hystériques*

Aujourd’hui, à 16 heures, j’étais comme prévu à l’amphi BR06 de l’université de la Sorbonne-Nouvelle, où devait se tenir la rencontre avec Jack Lang. Celui-ci avait déjà décommandé sa venue de peur d’être violemment pris à partie, mais j’étais quand même sur place pour discuter avec les étudiant.e.s. qui l’auraient voulu. L’amphi était vide. Vide comme un cerveau de censeur.

Entretemps, l’asso des Hystériques, comme elles/ils se nomment elles/eux-mêmes (tout en s’offusquant qu’on les nomme ainsi, c’est compliqué) avait fait parvenir une « lettre ouverte » aux instances de l’université pour réclamer de nouveau la déprogrammation de cette rencontre. Comme j’y suis nommé, et interpellé, je me sens tenu d’y répondre dans ce nouveau billet. Certes, mon modeste blog n’a pas la puissance de feu des réseaux sociaux, mais enfin, j’essaie de compenser la quantité par la qualité. Et puis, l’attention que m’ont porté ces personnes a gonflé les chiffres de fréquentation de ce blog – c’est l’effet paradoxal bien connu de la censure.

Je les remercie donc, et les félicite. Eh oui, je vous félicite, chères/chers Hystériques* : vous avez gagné! Lang n’est pas venu. La rencontre a été annulée. Vous avez fait la preuve de votre capacité à mobiliser des étudiant.e.s., à utiliser les réseaux, vous avez bloqué des portes, occupé le terrain. Vous avez montré votre pouvoir. Bravo. Vous pourrez sabrer le mousseux ce soir. Mais cette victoire est en trompe l’œil. En réalité, vous avez perdu, et à plusieurs titres.

D’abord, symboliquement, vous avez montré de quel côté était l’intolérance, la censure, le refus de débattre. Symboliquement, votre défaite est écrasante. Ensuite, vous avez perdu une occasion de poser à cet homme des questions dérangeantes auxquelles il aurait pu répondre, vous avez perdu une occasion d’apprendre et de réfléchir – et lui aussi, par votre faute, a perdu une occasion, celle de vous entendre, de vous comprendre. Vos questions et vos critiques n’étaient pas toutes illégitimes, loin s’en faut. Il ne les entendra pas. Chacun s’enfermera derrière les murailles de ses convictions, dans le confort douillet de sa bulle informationnelle et idéologique.

Plus fondamentalement, cette défaite est collective. Nous avons tous perdu, l’Université a perdu, et je ne parle pas seulement de la Sorbonne-Nouvelle. L’Université, dont le nom dérive de l’universalisme, qui devrait être un lieu ouvert, un lieu de débat et de savoir, s’est transformée par la grâce d’une pétition en forteresse et en prison où règne la police de la pensée.

Dans cette lettre ouverte qui m’est en partie adressée, une question de fond est posée : « l’université existe-t-elle pour représenter ses étudiant·es ? Reflète-t-elle les valeurs de celleux qui refusent que la faculté devienne une tribune pour une personnalité que plus d’un millier de signataires estiment illégitime dans ce cadre ? D’après nous, c’est de toute évidence son rôle. »

Nous sommes là en profond désaccord. Une université n’a pas à représenter ses étudiants (ni ses enseignants, d’ailleurs). Elle n’a pas à se dire de droite, de gauche ou du centre. Elle est un lieu de confrontation intellectuelle et toutes les idées et toutes les personnes, à partir du moment où elles ne tombent pas sous le coup de la loi, y ont droit de cité, droit de parole. Et je défendrai aussi bien le droit d’une Marine Le Pen à venir s’y exprimer que celui d’un Jean-Luc Mélenchon. La liberté d’expression n’est pas à géométrie variable. Et la censure ne cesse pas d’être une censure parce qu’elle se pare des atours de la gauche ou d’une noble cause.

On attribue, probablement à tort, à Voltaire, une belle pensée sur la liberté d’expression : « Je ne partage pas vos idées mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer »(quelque chose comme ça, je cite de mémoire). On peut aussi penser à cet arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui date de 1976 et que j’aime à rappeler dans mes cours sur la censure. Appelée à juger d’une affaire de presse en Grande-Bretagne, la Cour avait estimé que « La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve des restrictions mentionnées, notamment dans l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, elle vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur, ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’y a pas de société démocratique. »

C’est cet arrêt qui avait servi, notamment à débouter les plaignants qui poursuivaient en justice Charlie Hebdo pour avoir publié les caricatures de Mahomet. Il me semble parfaitement adapté au cas présent.

Cette liberté d’expression et sa traduction dans l’espace académique sont attaquées de toutes parts. De la droite ou de l’extrême-droite, cela était attendu. De la gauche ou de l’extrême-gauche, ce l’était moins. Mais, foin de théorie politique, quand tout un tas de personnes semblent mues avant tout par une indignation morale qui leur tient lieu de pensée. Contre cette intolérance et la censure qui en découle, je continuerai de me battre avec mes faibles moyens.

J’ai conscience, au terme de ce court billet d’humeur, de n’avoir pas répondu à d’autres points intéressants soulevés par cette affaire ou par la lettre ouverte (qui porte décidément mal son nom) à moi partiellement adressée. Ce sera pour un autre billet ou pour un cours, par exemple sur la politique culturelle de Jack Lang. Car voici un autre effet positif de la censure : c’est qu’elle me fouette les sangs et me pousse à descendre dans l’arène. Pour cela aussi, soyez remercié.e.s, chères/chers Hystériques*.

LM

Nous vivons une époque hystérique

Bonjour,

trois mois sans écrire un billet, même selon mes standards, c’est beaucoup. La faute à pas le temps, pas l’envie, pas l’occasion… Je la trouve, cette occasion (à défaut de temps, l’envie est là) dans la venue à l’université de la Sorbonne-Nouvelle, jeudi prochain, 13 mars, de l’ancien ministre de la Culture et toujours président de l’Institut du monde arabe, Jack Lang.

Cette photo, récupérée sur le site de RFI, est, dans les circonstances présentes, d’une ironie cruelle. En effet, alors que nous souhaitions le faire revenir à la Sorbonne-Nouvelle dix ans après son dernier passage dans le cadre de la Semaine des Arts et Médias, et de nouveau pour lui donner l’opportunité de parler de sa vie entre culture et politique (lui qui, depuis maintenant plus de soixante ans se bat, certes avec des réussites diverses, pour mettre la culture à la portée du plus grand nombre dans un esprit de pluralisme), voilà qu’une pétition circule dans cette « université de toutes les cultures » pour appeler à la déprogrammation de son intervention.

Lancée à l’initiative d’une association étudiante nommée « les Hystériques » et qui se définit comme « féministe / queer », cette pétition (qui a quand même recueilli quelque 500 signatures, paraît-il) lui fait grief d’avoir, d’une part, signé, en 1977, une autre pétition, celle-ci publiée dans Le Monde, demandant la libération d’adultes accusés d’avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs, d’autre part, d’avoir pris position en faveur d’artistes accusés d’agressions sexuelles ou de pédocriminalité tels que Roman Polanski ou Woody Allen.

Il est inacceptable, estiment les pétitionnaires 2025, « qu’une institution comme la Sorbonne Nouvelle, se félicitant de promouvoir la diversité, l’inclusion et la justice sociale, offre une tribune à une personnalité dont les actions ont ignoré ces mêmes valeurs. En tant qu’étudiant.es, ainsi qu’en tant qu’activistes féministes et queer, nous nous élevons contre cette décision et réclamons l’annulation de la venue de Jack Lang à cet événement. »

« Un mot, un geste, un silence », en effet!

La signature de cette pétition en 1977 était certainement une erreur, Jack Lang l’a reconnu et s’en est excusé. Il convient cependant, même si la jeunesse d’aujourd’hui est fâchée avec l’histoire, de la replacer dans un contexte historique dans lequel il était de bon ton, dans une certaine gauche, de ruer dans les brancards de la « morale bourgeoise », de promouvoir une liberté sexuelle presque sans limites, de rompre avec les normes tant morales que pénales qui paraissaient d’un autre temps. Ce qui faisait le plus débat dans les années 1970, notamment du côté des mouvements homosexuels mais pas seulement, c’était la discrimination concernant l’âge de la majorité sexuelle. On considérait l’enfant ou l’adolescent comme capable de consentir au plaisir, sans s’interroger sur l’emprise que pouvait exercer sur lui l’adulte, sans questionner la relation de pouvoir qui pouvait exister entre eux, et cela alors que la lutte contre le Pouvoir était justement au coeur de la rébellion soixante-huitarde. Ce n’est qu’à partir des années 1990, à la suite d’une série de faits divers sordides, que l’indulgence touchant à la pédophilie a peu à peu disparu, laissant la place à une forme de sacralisation de la pureté enfantine. Le terme de pédocriminel a remplacé celui de pédophile, sans souci excessif de la nuance.

Rappeler ces faits n’est pas excuser ou dédouaner Jack Lang – pas plus que les personnalités qui ont également signé cette pétition ou d’autres de la même encre à cette époque, les Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Louis Aragon, Françoise Dolto… C’est expliquer qu’on a changé d’époque et que ce qui était perçu comme admissible dans le sillage de mai 68 ne l’est plus aujourd’hui, et tant mieux. Cela justifie-t-il aujourd’hui l’ « annulation » de Jack Lang? Il est permis d’en douter.

Comme il est permis de douter que son soutien à des artistes accusés et parfois condamnés dans des affaires d’agressions sexuelles le rende complice de leurs actes. Sa position, que l’on peut contester, est qu’il convient de séparer l’homme de l’artiste, et les oeuvres du jugement moral (ou pénal) porté sur leur auteur. Il ne s’agit pas d’oblitérer les fautes ou les crimes de ces artistes, mais de ne pas réduire leurs oeuvres à ces comportements que la morale ou le droit réprouve. Ou alors, cachons les tableaux de Picasso qui s’est mal conduit avec ses femmes, ne lisons plus Rimbaud parce qu’il trafiquait des armes, ni Villon qui a trempé dans de sombres histoires de meurtre… Je rejoindrais assez, même si elle a été très critiquée, la philosophe Carole Talon-Hugon qui dénonçait le moralisme radical de certain.e.s activistes qui conduit à une relecture intégriste de l’histoire de l’art ; elle estime en revanche que l’évaluation morale peut faire partie de l’évaluation globale d’une oeuvre, pourvu que l’on ne réduise pas cette dernière à cela (voir notamment, de cette autrice, L’Art sous contrôle, 2019). On peut, par ailleurs, vouloir continuer à apprécier la valeur esthétique d’une oeuvre et ne pas pour autant approuver que soit officiellement honoré, par des prix ou des récompenses, son auteur s’il s’est mal comporté « dans la vie ».

A vrai dire, ces problématiques sont riches et complexes et mériteraient un vrai débat, une libre discussion, et l’université devrait être le lieu par excellence pour ce type de débat. Sauf que les « hystériques », comme ils/elles se nomment eux/elles-mêmes ne veulent pas discuter, ne désirent pas débattre. Ce qu’ils/elles veulent, c’est annuler, déprogrammer, interdire, censurer. Et s’arroger pour l’avenir un droit de regard sur le choix des intervenants (« Nous demandons la mise en place d’un comité de consultation incluant des associations féministes, queer et antiracistes dans le processus de sélection des intervenants futurs »). A quand un vote (à main levée, bien sûr) pour choisir ses enseignant.e.s en fonction de leurs opinions politiques, de leur religion ou de leur couleur de peau? « Quand on voit des groupes dits progressistes tenir un discours d’extrême droite par rapport aux oeuvres, il y a de quoi être effondré », écrivaient les responsables de l’Observatoire de la création, lié à la Ligue des droits de l’homme, dans un article l’an passé. On en est là, en effet, dans cette charmante époque que nous vivons.

Bien sûr, jeudi, je serai là, aux côtés de Jack Lang, pour affronter la meute « hystérique ».

LM

                                                                                   

Meilleurs voeux!

Bonjour, et bonne année 2025 à toutes et tous. J’espère que vous allez bien, que vous êtes épargné par la vague de grippe qui frappe la France, que vous n’êtes pas actuellement en Californie du côté de Los Angeles, que vous n’étiez pas au Tibet début janvier, etc. Le monde va mal, je ne vous apprends rien. D’autant qu’aux catastrophes naturelles s’ajoute la folie des hommes qui, elle, ne connaît pas de trêve. À quelques jours du retour à la Maison-Blanche d’un fou furieux, cette nouvelle année semble prendre un mauvais départ.

La nef des fous (ou allégorie de la gourmandise) par Hieronymus Bosch, vers 1500-1510, musée du Louvre

Dans cet océan de misères et de bêtises, il est précieux de pouvoir se raccrocher à quelques figures lumineuses, quelques hommes et femmes d’exception dont la conduite inspire. C’est le cas d’un collègue malheureusement et prématurément disparu, Serge Saada, auquel nous rendrons hommage mercredi prochain, 15 janvier, dans l’université de la Sorbonne-Nouvelle où il exerça son métier d’enseignant pendant une vingtaine d’années.

Homme de théâtre et de musique, écrivain à ses heures, Serge était une belle personnalité, très appréciée de ses collègues comme de ses étudiant.es., un homme doux, bienveillant, curieux de tout, un enseignant hors pair, un enseignant en or. Je l’ai côtoyé quelques années comme collègue au sein du département de Médiation culturelle, je ne peux pas dire qu’il était devenu un ami car nous nous connaissions peu, mais j’étais attiré, comme beaucoup, par la chaleur humaine que dégageait cet homme sympathique. Son livre Et si on partageait la culture? publié en 2011 aux éditions de l’Attribut, comme ses activités au sein de l’association Cultures du coeur, témoignent de sa volonté de rompre avec une Culture au singulier et en majesté, une culture intimidante voire méprisante, au profit d’un dialogue, d’une appropriation personnelle, d’un apprentissage basé sur le respect de toutes les différences.

À l’heure où tant de murs s’érigent, au sein d’un même pays ou entre les pays, pour défendre intérêt et identités supposément menacés par l’Autre, l’exemple de cet homme qui n’avait de cesse de construire des ponts entre les individus et les communautés doit nous inspirer. L’humanisme est une vieille lune aux yeux de certains ; et peut-être s’agit-il d’un autre type de folie que de vouloir persévérer dans ce combat d’arrière-garde. Mais Erasme, qui fit l’éloge de la folie à peu près au moment où Bosch peignait sa nef des fous, fut aussi l’un de nos premiers humanistes européens. Folie douce contre folie furieuse, l’alternative est toujours d’actualité.

Le programme de la journée d’hommage à Serge Saada :

They made Trump president again…

Il m’a fallu quelques jours pour digérer la nouvelle, réaliser pleinement ce qu’elle signifiait : Donald Trump élu de nouveau président des Etats-Unis!! Pour quatre nouvelles et longues années (voire davantage, s’il lui prend la fantaisie de tripoter la Constitution américaine qui interdit pour le moment plus de deux mandats pour un président), nous allons devoir subir l’un des types les plus odieux que l’histoire récente, qui n’en est pas avare, nous ait infligés. Un type dont le racisme, le sexisme, la malhonnêteté foncière, les pulsions violentes et les projets autoritaires ont été maintes fois prouvés tant par les paroles que par les actes. C’est ce type, le moins qualifié de tous, qui a été élu par une majorité d’Etatsuniens pour diriger les destinées du pays le plus puissant du monde.

Brandan (Afrique du Sud) Business Days / Cartooning for Peace

Oui, une majorité car, pour la première fois depuis vingt ans, le candidat républicain a non seulement remporté une large majorité des grands électeurs (312 contre 226 pour Kamala Harris) mais aussi le vote populaire, avec 74 millions de voix contre un peu moins de 71 millions pour la candidate démocrate. Il faut y insister : une majorité nette d’Etatsuniens a réélu, en toute connaissance de cause, après l’avoir vu à l’oeuvre pendant un premier mandat, le forcené de Mar-a-Lago. Et non seulement lui, mais, à l’heure où j’écris ces lignes, une majorité de sénateurs républicains pro-Trump, en attendant une probable majorité à la Chambre des Représentants. Avec la Cour Suprême qui lui est tout acquise, ce type est en passe de contrôler l’ensemble des pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire.

Reste le quatrième, les médias, à demeurer hors de son emprise? Ce rempart n’en est plus un, depuis que le Washington Post, institution de la presse américaine depuis l’affaire du Watergate, que ses journalistes avaient révélée, a décidé de s’abstenir de se prononcer pour l’un ou l’autre candidat, contrairement à ce qu’il avait fait au cours de toutes les élections récentes. Trump est-il moins dangereux en 2024 qu’en 2016 ou en 2020, ce qui expliquerait ce souci nouveau de neutralité? Non, mais le fait que le WP soit devenu la propriété d’un certain Jeff Bezos, propriétaire d’Amazon, n’est peut-être pas étranger à ce changement d’attitude. Il n’a pas, contrairement à certains de ses congénères, affiché son soutien à Trump mais c’est un homme prudent qui ne veut pas injurier l’avenir, et encore moins indisposer un homme quelque peu caractériel qui peut faire beaucoup pour lui, en bien comme en mal…

Mais le Washington Post, comme toute la presse écrite, comme tous les médias d’information mainstream, ne sont de toute façon plus vraiment des puissances qu’un président devrait redouter. Trump n’en a plus besoin. Il les a d’ailleurs largement ignorés durant la campagne (sauf pour les insulter ou menacer leurs journalistes), préférant réserver ses blagues grossières au public fanatisé de ses meetings de campagne, aux influenceurs amis, aux animateurs d’émissions d’infotainment biaisés et, bien sûr, aux réseaux sociaux, le sien et celui de son grand ami et futur épurateur de l’administration américaine, Elon Musk, qui a mis au service de Trump son réseau X, déversoir de toutes les sornettes MAGA. Il en a d’ailleurs été d’ores et déjà récompensé (en attendant d’autres motifs de réjouissance) avec un bond de la cotation en bourse de ses sociétés, qui s’est traduit par quelque 26 milliards de dollars supplémentaires pour la seule journée ayant suivi la proclamation des résultats. Pas mal. Ce que le règne de Trump II annonce, c’est le triomphe d’une oligarchie décomplexée.

Mais aussi (si les promesses de Trump sont tenues), la déportation de millions d’immigrants clandestins, la relance de l’industrie pétrolière et la sortie de l’accord international sur le climat, des restrictions toujours plus grandes des droits des femmes et des minorités, une grâce présidentielle pour les émeutiers du 6 janvier 2021 (et l’abandon de toutes les poursuites judiciaires le concernant lui, le premier président de l’histoire des Etats-Unis condamné au pénal), et j’en oublie certainement. Oh, oui, bien sûr, il y a aussi les baisses d’impôts et les taxes sur les produits importés, mais ça, seuls les pauvres verront la différence (à leur détriment), alors…

Chapatte (Suisse), The New York Times / Cartooning for Peace

D’autres peuples que les habitants des Etats-Unis ont également des soucis à se faire. Les Palestiniens et les Libanais, que la droite et l’armée israélienne continueront de massacrer en toute impunité, maintenant que le grand ami de Netanyahou revient au pouvoir ; les Ukrainiens, que cet admirateur de l’autocrate Poutine s’apprête à laisser tomber ; les Européens en général, qu’il méprise et considère comme des concurrents plus que comme des alliés… Pour ce qui est de Taïwan, la chose paraît moins claire : certes, il a laissé entendre que, lui président, les Etats-Unis ne risqueraient jamais un soldat pour défendre la liberté de l’île rebelle (comme Emmanuel Macron, du reste) ; mais s’il se désintéresse du sort des Taïwanais eux-mêmes, il voudra aussi se montrer ferme voire martial à l’égard de la Chine populaire. A tout le moins, son retour au pouvoir aggrave l’incertitude qui caractérise la situation géopolitique actuelle, fragilise l’OTAN et toutes les alliances dans lesquelles se trouvent engagés les Etats-Unis. Joseph Nye disait en 2017 que la présence de Donald Trump à la Maison-Blanche faisait plus pour dégrader le soft power des Etats-Unis que toutes les actions de déstabilisation de la Chine ou de la Russie.

Il est vrai que l’administration Biden porte elle aussi une lourde responsabilité dans la dégradation de l’image des Etats-Unis, en particulier du fait de son soutien objectif (par la livraison d’armes jamais interrompue en dépit des incessants et peut-être hypocrites appels à la « retenue » dans leur emploi) aux crimes de guerre et contre l’humanité perpétrés par l’armée israélienne à Gaza, et maintenant au Liban. Il est probable que ce soutien a pesé lourd dans la balance lors de ces élections, dissuadant une partie de l’électorat démocrate à se déplacer pour aller voter. Peut-être une politique plus ferme à l’égard de Netanyahou aurait-elle fait perdre à la candidate démocrate une partie du vote juif ; mais – outre qu’elle aurait dû s’imposer par devoir à l’égard de toutes ces victimes civiles – elle aurait aussi donné moins de voix à Jill Stein, la candidate écologiste et indépendante qui a capitalisé sur cette incapacité du gouvernement étatsunien à arrêter la guerre – si l’on peut parler d’une guerre dans le cas d’un rapport de forces aussi déséquilibré.

Et, puisque j’en suis à l’examen des responsabilités de Biden et Harris dans la lourde défaite de cette dernière, il est clair que l’acharnement du premier à maintenir sa candidature contre toute raison, cédant finalement devant le constat accablant de ses insuffisances cognitives à trois mois du scrutin, relève d’un orgueil coupable. Il est facile, ensuite, de reprocher ses insuffisances à celle qui a dû improviser une campagne présidentielle en quatre mois. Que lui reproche-t-on, exactement? D’avoir été une femme? Pas assez blanche? Trop éduquée? La maestria avec laquelle elle avait su s’imposer dans le seul débat télévisé qui l’opposa à Donald Trump résume le différentiel de capacité entre les deux candidats. Le goupil orangé, sorti quelque peu meurtri de l’épreuve, jura qu’on ne l’y prendrait plus et s’abstint désormais de se présenter si à son désavantage. Mieux vaut parler sans contradicteur lorsque qu’on raconte des inepties.

A ce point de mon raisonnement, on m’objectera peut-être que tout, dans le discours de Trump, ne peut se résumer à ce terme injurieux d’inepties ; que lui au moins s’adressait aux Américains pour leur parler de leurs problèmes, tandis que Kamala Harris se contentait de leur parler de Donald Trump et du danger qu’il représentait pour les institutions de ce pays. On ajoutera, selon la mode médiatique du jour, qu’elle aura trop joué sur la corde identitaire, qu’elle aura trop insisté sur des sujets clivants tels que la défense du droit à l’avortement, là où elle aurait dû tenir un discours plus rassembleur, proposer des solutions aux problèmes économiques et sociaux, au premier rang desquels l’inflation et l’immigration, etc.

Comme si Trump n’avait pas tiré à fond sur la corde identitaire, lui qui est le chef de file d’un ethno-nationalisme qui monte partout en Occident (et ailleurs) .

Comme s’il n’avait pas choisi le ton et les sujets les plus clivants, alternant les mensonges éhontés avec les menaces à l’égard de ses adversaires, qualifiés d’ « ennemis de l’intérieur ».

Comme s’il avait proposé des solutions crédibles aux problèmes soulevés (mettre en place des taxes aux frontières va-t-il faire baisser l’inflation ou l’alimenter? Déporter des millions d’immigrants, si tant est que la chose soit possible, va-t-il relancer l’économie ou la freiner? Les électeurs avaient à répondre eux-mêmes à ces questions assez simples).

Comme si ce milliardaire qui a toujours triché dans sa vie se préoccupait tant soit peu du sort des plus pauvres de ses compatriotes.

En vérité, ces accusations à l’égard de Harris masquent des réalités déplaisantes qu’on ne veut pas voir en face, y compris en France. Comme par exemple le fait qu’élire une femme, de couleur qui plus est, ne passe toujours pas auprès d’une majorité d’hommes étatsuniens, toutes « ethnies » confondues. Ou qu’il vaut mieux ne pas avoir fait trop d’études ni faire de phrases trop longues si l’on veut réussir en politique. Ou encore, qu’une part importante des Etatsuniens croient toujours, malgré l’absence de toute preuve en ce sens, que l’élection de 2020 a été truquée ou volée au détriment de Trump, et que les mêmes pensent que le sauvetage de leurs intérêts particuliers comme du mode de vie à l’américaine, qui détruit cette planète, justifie les atteintes aux libertés publiques et individuelles, voire à la morale la plus élémentaire.

Ou encore, la réalité selon laquelle, beaucoup d’Etatsuniens aujourd’hui, s’ils devaient faire le choix entre le système très délicat de contre-pouvoirs qui constituent la démocratie et la rude simplicité d’un fascisme qui ne dit pas son nom, choisiraient le second.

N’en déplaise aux esprits progressistes et humanistes, dont je me flatte de faire partie, ce n’est pas Trump qui, dans l’histoire récente des Etats-Unis, a représenté l’exception, la parenthèse voire l’accident de l’histoire. C’est Obama.

Kroll (Belgique) Ce Soir / Cartooning for Peace

LM

Geneviève Gentil

Tapez ce nom sur votre navigateur – vous ne trouverez ni biographie ni même photographie de cette femme, de cette grande dame. Des homonymes, oui, mais qui ne sont pas elle.

Tapez maintenant, à côté de son nom « politique culturelle » ou « ministère de la Culture » ou encore « Comité d’histoire du ministère de la Culture ». Là, vous trouverez des choses, beaucoup de choses – essentiellement des livres qui parlent de ces sujets. Non qu’elle les ait écrits elle-même. Elle a permis, favorisé, aidé leur publication, ce qui est autre chose, presque aussi importante.

Geneviève Gentil vient de mourir. Et je ne sais ni quand elle était née, ni quel âge exact elle avait atteint. Nous n’étions pas des amis si proches, après tout. Et elle était d’une telle modestie, d’une telle discrétion… L’an passé, pour la faire témoigner de ce qu’elle avait fait au service des politiques culturelles et de leur histoire, il avait fallu des ruses de sioux à Anaïs Fléchet et moi-même. Elle avait consenti à se livrer – un peu – dans les podcasts que pilote Anaïs sur l’histoire culturelle. Toujours à sa manière, caractéristique, qui consistait toujours à parler du travail des autres, jamais du sien, encore moins d’elle-même. Du moins avons-nous sa voix, un peu usée déjà, mais encore toute vibrante de passion. C’est une consolation de pouvoir la réécouter (ces podcasts sont sur toutes les plateformes, par exemple : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/histoires-culturelles/id1697167127)

A celles et ceux qui ne l’ont pas connue, cet enregistrement fera découvrir une personnalité très admirable, passionnément attachée au rôle de la puissance publique en matière culturelle, elle qui était entrée au ministère de la Culture à la fin des années 1960 et y était restée, sous un statut de bénévole – elle avait plus de 90 ans – pour aider, autant qu’elle le pouvait, le Comité d’histoire du ministère de la Culture. Son action est bien sûr presque inséparable de celle d’Augustin Girard, fondateur du Service des études et recherches du ministère en 1963 – service devenu l’actuel Département des études, de la prospective et des statistiques – avant de fonder, trente ans plus tard, au moment de prendre sa retraite, le Comité d’histoire du ministère de la Culture.

Mon collègue et ami Philippe Poirrier a évoqué l’histoire du SER et du Comité dans plusieurs livres et articles, j’y ai moi-même consacré mon mémoire inédit d’habilitation à diriger les recherches, publié en 2013 sous le titre l’Enjeu culturel. La réflexion internationale sur les politiques culturelles, 1963-1993 (La Documentation française / Comité d’histoire du ministère de la Culture). J’ai tenté de sortir de l’ombre où elle se tenait elle-même celle qui, par son dévouement, sa rigueur, sa gentillesse (elle portait si bien son nom!) fut bien plus qu’une assistante ou une collaboratrice. Secrétaire générale du Comité pendant de nombreuses années, elle lui insuffla son inépuisable énergie. Que de livres ont vu le jour grâce à elle! Personnellement, je lui dois en partie trois des miens : outre l’Enjeu culturel (qui lui est dédié, « avec affection et admiration »), elle m’a aidé pour la biographie que j’ai consacrée à Jack Lang ainsi que, plus récemment, pour le livre collectif que nous avons consacré aux années ministérielles de ce dernier.

Je lui suis évidemment reconnaissant pour son soutien mais les sentiments que j’avais formés à son égard au fil des années allaient bien au-delà. Elle était comme une parente, un membre de ma famille que je voyais trop rarement mais chaque fois avec un immense plaisir. Comme une grand-tante dont je prisais la conversation jamais ennuyeuse. Je lui rendais parfois visite, à son domicile de Sceaux – la dernière fois au printemps dernier – et prenais de ses nouvelles par téléphone – en septembre, encore. Je me promettais d’aller la voir cet automne, j’attendais un peu de répit dans mon emploi du temps. La mort m’a devancé.

Au moins ai-je la consolation d’avoir eu le temps et l’occasion de lui dire tout ce que je lui devais, tout ce qu’elle représentait pour moi et pour celles et ceux que continuent d’intéresser les « affaires culturelles », comme on disait au temps de Malraux – qu’elle avait connu. Ce trésor vivant, selon la formule japonaise, n’est plus parmi nous, peut-être parti dans ses chères montagnes. Mais son souvenir demeurera dans les pensées de toutes celles et de tous ceux, nombreux, qui l’aimaient.

Adieu et merci, très chère Geneviève.

Laurent.

A vos agendas!

Bonsoir,

ce nouveau billet a pour but de communiquer des informations sur un nombre d’événements et de parutions dans le domaine de la culture et de l’histoire culturelle au sens large. Je vais procéder par ordre chronologique.

Samedi prochain, 28 septembre, aura lieu le congrès annuel de l’Association pour le développement de l’histoire culturelle (ADHC). La journée aura lieu au musée de la chasse et de la nature, à Paris, dans le Marais (62 rue des Archives). Nous aurons le plaisir d’entendre le grand spécialiste de la bande dessinée Thierry Groensteen pour la conférence du matin ; la table-ronde de l’après-midi aura pour thème l’histoire de l’environnement et ses rapports avec l’histoire culturelle.

Voici le programme complet :

J’en profite pour rappeler que l’ADHC publie une revue en ligne, entièrement gratuite, la Revue d’histoire culturelle XVIIIe-XXIe siècles. L’une de ses rubriques, l’Atelier de la recherche, est particulièrement ouvert à la jeune recherche et les mastérants autant que les doctorants peuvent y soumettre leurs articles. Je relaie ici l’appel de ses animatrices, Catherine Bertho-Lavenir et Elise Lehoux :

La Revue d’histoire culturelle (XVIIIe-XXIe siècles), publiée en libre accès sur la plateforme Open Edition, possède une rubrique intitulée « L’Atelier de la Recherche » destinée à mettre en valeur les travaux des jeunes docteur⸱es, doctorant⸱es et étudiant⸱es ayant soutenu un bon mémoire de master. Cette rubrique, sans thème imposé, leur offre la possibilité de publier un article académique, en histoire culturelle, dans une revue à comité de lecture et de voir leur article paraître dans des délais raisonnablement rapprochés (environ un an).
Une équipe d’universitaires expérimentés est à la disposition des auteurs – dont c’est, en principe le premier article académique ou l’un des premiers – pour les accompagner dans la mise au point de leur texte et leur permettre de publier un article qui rende justice à la qualité de leurs travaux. La rubrique met en place un accompagnement spécifique pour ces jeunes auteurs, en amont comme en aval du processus d’évaluation en double aveugle.
Les auteur⸱es sont invités à soumettre d’abord une proposition de contribution (2 pages maximum). L’article final, une fois la proposition acceptée, devra comporter 30 000 signes.
Les propositions sont à envoyer aux responsables de la rubrique en indiquant explicitement le nom de la rubrique dans l’objet du mail : cjc.lavenir[at]hotmail.com ; elise-lehoux[at]orange.fr avec copie à l’adresse électronique de la revue (revuedeladhc[at]gmail.com).
Pour en savoir plus sur la revue et la rubrique : https://journals.openedition.org/rhc/ et pour connaitre les instructions aux auteur⸱es : https://journals.openedition.org/rhc/3059
Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter.
Bien cordialement,
Catherine Bertho-Lavenir et Élise Lehoux pour le comité de rédaction de la Revue d’histoire culturelle XVIIIe-XXIe siècles

Le 3 octobre, un débat est organisé qui s’annonce fort intéressant :

LA PATRIMONDIALISATION DU MONDE
Jeudi 3 octobre – 18h30
Hall d’About – Plateforme de la création architecturale
Gratuit sur inscription
 
Avec
Romeo Carabelli, architecte et géographe, université de Tours
Elsa Coslado, géographe, cheffe du département stratégie territoriale, Bruxelles Environnement
Maria Gravari-Barbas, architecte et géographe, professeure à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chaire UNESCO « Culture, Tourisme, développement » 
Sébastien Jacquot, maître de conférences en géographie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Christine Mengin, maîtresse de conférences émérite à Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Élodie Salin, enseignante-chercheure en géographie, université du Mans, chercheure associée EIREST – Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Modération : Françoise Ged, responsable de l’Observatoire de la Chine, Cité de l’architecture et du patrimoine 
 
Rendez-vous organisé en partenariat avec l’EHESS et l’UMR Chine, Corée, Japon
 
Suivre le débat en direct sur la page Facebook de la Plateforme de la création architecturale : https://fr-fr.facebook.com/plateformarchi/
Le débat sera filmé et diffusé sur la chaîne YouTube de la Cité de l’architecture et du patrimoine

Le 7 octobre, c’est à la Maison de la recherche de la Sorbonne-Nouvelle qu’il faudra être, pour assister à la table-ronde organisée à l’occasion de la parution du livre de Mélanie Toulhoat, Rire de la dictature, rire sous la dictature au Brésil (1964-1982). J’avais eu la chance de participer au jury de la thèse de Mélanie, d’où est issu ce livre et c’est un grand plaisir de voir l’aboutissement de nombreuses années de travail.

Pour une présentation du livre, aller à cette adresse : https://psn.sorbonne-nouvelle.fr/publications/rire-de-la-dictature

Avis aux amateurs de revues! Les 12 et 13 octobre prochains se tiendra aux Blancs Manteaux, dans le Marais, le Salon de la revue. Je m’efforce d’y aller chaque année car c’est toujours l’occasion de découvertes et de rencontres. Au-delà des revues d’art, de sciences sociales ou littéraires bien connues, c’est tout un monde foisonnant d’aventures humaines et intellectuelles qui se révèle. Allez-y si vous le pouvez! Voici le programme :

Enfin (provisoirement), je signale une journée d’étude organisée par la revue Marges le 19 octobre à l’INHA (rue Vivienne, à Paris) sur le thème des relations entre les artistes et les institutions. En ces temps de coupes budgétaires annoncées, y compris pour la Culture, et de pressions politiques accrues sur les projets artistiques, voilà une manifestation qui tombe à pic!

Voilà, c’est à peu près tout pour le moment. Je ferai sans doute d’autres annonces dans les prochaines semaines.

LM

C’est la rentrée!

Eh oui, les meilleures choses ont une fin (comme les pires, du reste). Les écoliers sont déjà rentrés, les étudiants ne vont pas tarder à les suivre… J’espère que vous avez passé de bonnes vacances et que vous reprenez l’année scolaire ou universitaire en pleine forme!

C’est à peu près mon cas, en dépit du climat politique pesant, tant en France que dans beaucoup d’endroits du monde. Mon dernier billet commentait la dissolution surprise de l’Assemblée nationale, celui-ci prend acte de la nomination d’un certain Michel Barnier à la tête d’un nouveau gouvernement dont la constitution s’annonce ardue et la tâche plus encore. Ce n’est pas un mauvais sujet, ce Barnier, en dépit de déclarations et de prises de position qu’il regrette sans doute (?), mais ce n’est pas lui faire injure que de constater qu’il n’est plus de toute première fraîcheur et qu’il est un tantinet plus à droite qu’espéré ici… La réalité de la fragmentation du corps électoral et de sa traduction parlementaire, sans parler des calculs des adeptes du billard à trois bandes, rendait sans doute impossible des solutions plus audacieuses ; il est regrettable quand même de ne pas avoir au moins fait semblant de les essayer. Aujourd’hui, un grand nombre de Français, à gauche (comme à l’extrême-droite) estiment que les élections leur ont été « volées ». Qu’ils aient tort ou raison, peu importe, ce tour de passe-passe laissera des traces et renforcera dans leur conviction celles et ceux qui pensent que voter ne sert à rien.

Changeons de sujet.

Je profite de ce billet de rentrée pour publier deux appels, l’un à communication, l’autre à article.

Le premier concerne l’organisation Reporters sans frontières et, plus largement, les rapports entre médias, pouvoirs et liberté d’expression et d’information dans le monde. L’organisation, qui vient de perdre son ancien directeur général, Christophe Deloire (j’en parlais dans mon précédent billet) et d’en retrouver un en la personne de Thibault Bruttin, fêtera ses quarante années d’existence l’an prochain. A cette occasion, ses archives seront transférées à la Contemporaine, la bibliothèque et centre d’archives de l’université de Nanterre et seront rapidement ouvertes à la recherche. Une première journée d’étude, en deux temps, à la Sorbonne-Nouvelle et à la Contemporaine, posera à l’automne 2025 les premiers jalons d’une recherche qui, par ses implications, sera nécessairement collective et internationale. Voici l’appel à communications, n’hésitez pas à y répondre et à le relayer autour de vous :

Autre appel, cette fois à articles, celui que lance l’excellente Revue d’histoire culturelle pour son numéro 10, qui portera sur… l’histoire culturelle! Les animateurs/trices de la revue souhaitent en effet saisir l’occasion de ce numéro pour réfléchir aux évolutions de cette spécialité qui s’est installée dans le paysage intellectuel, éditorial et institutionnel français mais aussi dans d’autres pays. Salutaire exercice de réflexivité qui rappelle à l’auteur de ces lignes qu’il prit l’initiative, voici exactement vingt ans, d’un colloque sur le même sujet au Centre culturel international de Cerisy, d’où sortit le volume collectif L’histoire culturelle du contemporain aux éditions Nouveau Monde.

Voici l’appel :

J’avais écrit un petit texte en guise de contribution à la réflexion qui conduisit à ce projet de numéro. Je le publie ici :

Quelques réflexions sur l’histoire culturelle…

… telle qu’elle existe dans le cadre de l’enseignement supérieur et la recherche français : une spécialité désormais bien implantée dans les universités (et au CNRS?), reconnue à part entière, institutionnalisée (société savante, revues, postes universitaires). Elle n’est plus le front pionnier en quête de légitimation qu’elle était encore dans mes années de formation. C’est un progrès – nous n’avons plus à nous battre, ou moins – et c’est un regret – la lutte était belle et nous étions jeunes. Nous sommes-nous quelque peu assoupis, assagis? Peut-être. Nous avons vieilli, en tout cas – je parle au nom de la deuxième génération, celle qui a fait ses premières armes dans les années 1990, sous la conduite d’en-seigneurs qui ont depuis pris leur retraite. La troisième est déjà bien en place et fait parler d’elle, lançant des chantiers nouveaux et exaltants. Tout cela fait sens si l’on admet que l’histoire culturelle à la française est née quelque part dans les années 1980, sur les brisées de l’histoire des mentalités, avec un nouveau credo, celui d’une « histoire sociale des représentations », que j’aurais tendance aujourd’hui à reformuler ainsi : l’articulation entre représentations (mentales) et pratiques (sociales). Comment l’image, conscient et inconsciente, que nous nous faisons du monde, de nous-même et des autres guide-t-elle nos conduites, motive-t-elle nos comportements? L’interrogation princeps est là, me semble-t-il. La culture au sens large se présente comme une clef d’explication des sociétés passées comme présentes ; ce n’est pas la seule, sans doute, mais elle permet déjà d’ouvrir pas mal de portes, de comprendre pas mal de choses.

Bien sûr, il y a cette fameuse fracture, diagnostiquée en son temps par le regretté Dominique Kalifa et avant lui par Roger Chartier : entre l’histoire sociale (mais aussi bien politique, économique, technologique) de la culture et l’histoire culturelle du social (idem). Elle avait été mise au jour lors du colloque de Cerisy de 2004, qui, quasi simultanément à la sortie des livres-bilans de Pascal Ory et de Philippe Poirrier (mes deux maîtres, avec Jean-François Sirinelli), s’était voulu le bilan d’une étape et le marqueur du tournant culturel qu’avait emprunté non seulement l’ « histoire du contemporain » mais l’histoire tout court, voire les sciences humaines et sociales dans leur ensemble. Cette fracture travaille toujours sourdement… nos représentations du champ, sa structuration ; même si beaucoup d’entre nous travaillons des deux côtés de la frontière, celle-ci n’en existe pas moins, orientant des projets individuels et collectifs. Pour ma part, par choix comme par hasard (et par contrainte, aussi, tant il est difficile de sortir de son champ de compétence), je me situe plutôt du côté « histoire sociale (en l’occurrence, plutôt politique) de la culture » mais je n’ai pas renoncé à braconner de l’autre côté, notamment dans mes travaux sur la censure – mais aussi, par exemple, lorsque je travaille « en amateur » sur des objets aussi différents que la beauté, l’espace, le voyage ou le fantastique. Il est clair à mes yeux qu’un objet social tel que les « philies », sur lequel Pascale, Julie et Fabien, rejoints par d’autres ami.e.s et collègues, ont lancé une recherche collective et prometteuse, constitue l’exemple même d’un thème transfrontalier, susceptible de rapprocher les deux « sensibilités » – sans jeu de mots. Il n’empêche que le clivage continue d’exister et d’opposer, trop souvent, les habitants de ces deux contrées, dont les frontières recoupent en partie la division XIXe / XXe siècles, sans parler – mais il faudrait en parler –, de la difficulté que nous avons à travailler avec nos collègues non contemporanéistes.

Et maintenant? Et plus tard? Une première remarque : l’idée semi-rassurante par laquelle je commençais ce billet – le temps des luttes est passé – est peut-être trompeuse. Certes, l’histoire culturelle me semble désormais pleinement reconnue, quoique concentrée dans quelques lieux du paysage universitaire ; mais, outre que la rivalité avec les autres spécialités perdure (moins en termes intellectuels qu’institutionnels), la discipline historique, les SHS dans leur ensemble sont aujourd’hui menacées par la fuite des étudiants, d’une part, par les évolutions politiques et académiques, d’autre part. Les humanités – nous en faisons, quoi qu’on en dise, partie, et nous partagerons leur sort – ne font plus recette, littéralement, c’est-à-dire qu’elles sont de moins en moins financées et de moins en moins attractives. L’avenir de l’histoire culturelle ne peut être pensé indépendamment de ce mouvement d’ensemble, qui ne touche pas que la France (voir, par exemple, ce qui se passe outre-Atlantique, aussi bien au Sud qu’au Nord) et qui me semble extrêmement préoccupant.

Deuxième remarque : il est difficile de raisonner abstraitement et globalement sur un courant de recherche dont on est soi-même partie prenante, qui plus est dans le cadre étroit d’une note. N’est pas Philippe Poirrier qui veut… Le cadre concret dans lequel chacun pratique à sa façon l’histoire culturelle influe forcément sur la vision générale qu’il peut en avoir. Pour moi, qui travaille non dans un département d’histoire mais de médiation culturelle, dans une UFR d’ « arts et médias », la question se pose différemment de quelqu’un qui côtoie quotidiennement d’autres historiens, prépare à l’agrégation, etc. Par exemple, la quasi-totalité des doctorants dont j’encadre le travail n’ont pas de formation d’historien ; et la plupart sont d’origine étrangère et ne travaillent pas sur la France. Par choix, hasard et contrainte, là encore, je développe une vision de l’histoire culturelle à la fois très interdisciplinaire (travaillant avec des historiens d’art, des sociologues, des anthropologues, des littéraires, des spécialistes de cultural studies) et très inter- ou transnationale (notamment dans le cadre du master de géopolitique de l’art et de la culture que j’ai co-fondé et que je co-dirige à la Sorbonne-Nouvelle). Un double handicap aux yeux soupçonneux (et bigleux) des gardiens des frontières, disciplinaires ou géographiques… C’est aussi une histoire du temps proche, voire du temps présent, qui, elle aussi, fait encore lever les sourcils de certains. Mais peu importe.

Au fond, ce qui m’a toujours plu avec l’histoire culturelle, ce qui ne m’a jamais fait regretter d’y être rentré, non pas comme on entre en religion, mais plutôt comme on entre chez soi, c’est l’esprit d’ouverture, pour parler comme une station de radio intello, qui la caractérise, la curiosité tous azimuts que j’y ai trouvée et que j’ai, à mon tour, cultivée et essayé de faire partager à ceux qui travaillent avec moi. Spécialité carrefour, disait, je crois, Jean-Yves Mollier, à la croisée en effet de mille intérêts et d’autant de mondes qu’il s’agit d’explorer, de rencontrer. Sachons préserver cela.

LM