Quelques colloques et journées d’études à venir, ou comment voyager en restant chez soi

Bonjour,

malgré l’épidémie qui sévit et l’annulation de bon nombre de manifestations scientifiques, la communauté des chercheurs français en shs continue de proposer des rencontres qui stimulent l’esprit et font progresser les connaissances.

Sans souci d’exhaustivité, je vous recommande particulièrement trois rendez-vous dans un avenir plus ou moins proche ; dans les trois cas, les relations internationales et leur dimension culturelle sont à l’honneur.

Dans deux jours, le vendredi 29 janvier, aura lieu la nouvelle séance du séminaire Transatlantic Cultures, en partenariat avec le programme de recherche « l’Américanisation par les arts ».  Il y sera question de Jean-Pierre Melville, de la Nouvelle Vague et d’Hollywood, du dernier livre de Ludovic Tournès Américanisation. Une histoire mondiale, XVIIIe-XXIe (Fayard, 2020). Je vous redonne ici le programme général du séminaire :

prog_seminaire_2020_2021

Pour assister au séminaire en ligne, vous devez vous inscrire en écrivant à l’adresse: contact@transatlantic-cultures.org

Le lien de connexion vous sera communiqué par courriel.

Le même jour aura lieu une nouvelle séance du séminaire animé par Nicolas Peyre et organisé par l’IDETCOM sur la diplomatie culturelle ou « diplomatie d’influence ». Elle accueillera Alexandre Labruffe, écrivain et attaché culturel en Chine qui témoignera de ce que signifie être attaché culturel à Wuhan en Chine au temps du covid.

Voici le programme complet du séminaire :

culture-influence-1ere-edition-du-seminaire-de-recherche-organise-par-l-idetcom

Pour participer, demandez le lien à l’adresse suivante : nicolas.peyre@ut-capitole.fr

La semaine prochaine, jeudi 4 février, aura lieu, elle aussi à distance finalement, la journée d’étude organisée par l’Institut national du patrimoine et l’Institut des Sciences sociales du Politique sur le thème « Censure et patrimoine« . Voici le programme :

La reproduction qui illustre l’affiche de cette manifestation est celle de la statue Vénus anadyomène (Metropolitan Museum of Art)

Pourquoi choisir cette œuvre pour illustrer la journée sur censure & patrimoine ? Selon Vincent Négri, cette œuvre est une variation de l’Aphrodite de Cnide de Praxitèle réalisée vers le milieu du IVe siècle avant notre ère. C’est la première représentation du corps nu de la femme dans la statuaire grecque, qui aura une grande descendance. Auparavant, les femmes sont représentées vêtues, ou alors avec un mince vêtement qui fait déjà apparaître les formes (le drapé mouillé, qui précède de peu l’Aphrodite de Cnide).

Stylistiquement, on retrouve ainsi le chiasme dit praxitélien, c’est à dire qu’à l’inclinaison des hanches répond l’inclinaison inverse des épaules. L’affiche met en avant ce trait stylistique grâce aux bandeaux « Censure et Patrimoine » (inclinaison des épaules) et « 4 février 2021 » (inclinaison des hanches).

La nudité se justifie alors par le thème représenté, Aphrodite, déesse de l’Amour. Elle est figurée nue pour montrer sa sensualité, comme à la même époque la musculature d’Héraclès/Hercule est là pour justifier de sa force. Ces sculptures ne sont pas destinées à l’origine aux domaines privés mais bien aux sanctuaires dédiés à la déesse. On aborde ces statues du point de vue religieux.

La Vénus anadyomène est une variation du thème de Praxitèle du second classicisme grec. On la représente sortant de l’eau et pressant ses cheveux mouillés. Elle n’est pas le seul type inspiré de Praxitèle ; on trouve ainsi : la Vénus du Capitole, l’Aphrodite pudique, la Vénus de Vienne, les Trois Grâces, la Vénus de l’Esquilin…

Cela démontre l’impact qu’a joué le dévoilement du corps de la femme pour l’art gréco- romain. L’histoire de l’art aurait été certainement moins riche en thème du corps féminin nu, si celui-ci n’avait pas été révélé par Praxitèle. Le corps de la femme a été libéré de son carcan et des vêtements lourds (comme le péplos des corai) avec lesquels elle était le plus souvent représentée auparavant. La censure peut ainsi, dans le contexte de cette œuvre, être perçue comme un frein à la création, mais également un frein à la libération du corps de la femme. En le montrant tel qu’il est, on ne le cache plus, on le démystifie.

Choisir la nudité d’un corps féminin plutôt qu’un corps masculin s’explique par les controverses plus importantes qu’a toujours suscité l’une par rapport à l’autre. Les débats autour de la représentation de la femme ont toujours été plus passionnés depuis l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle…

Sources :

Pasquier A., Martinez J.-L., 100 chefs-d’œuvre de la sculpture grecque au Louvre, Somogy, 2007.

Voici le programme de cette journée :

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J’y interviendrai pour présenter une réflexion sur les rapports entre expositions internationales et diplomatie culturelle. A priori, nous sommes là assez loin des problématiques de la « censure » mais je tenterai de montrer que ces expositions (universelles, coloniales ou d’art dans le cadre des biennales) sont souvent le théâtre de processus d’euphémisation voire d’occultation d’un certain nombre de réalités désagréables aux organisateurs…

Là encore, j’attends les indications pratiques de connexion et je les ajouterai à ce post dès que je les recevrai.

Enfin, du 10 au 12 février se tiendra, là encore à distance, un colloque international sur « la montée de l’Asie« , replacée dans l’histoire et dans une perspective globale, organisé par le CHAC (Centre d’Histoire de l’Asie Contemporaine), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et le GRIC (Groupe de Recherche Identités et Cultures), Université Le Havre Normandie

Des séances dédiées au bilan de 60 ans de la Conférence du Mouvement des Non-Alignés à Belgrade dans une perspective globale, régionale et nationale de divers pays du monde, membres et non-membres du MNA, d’Afrique, d’Amérique, d’Asie, d’Europe, d’Orient et d’Occident, du Nord et du Sud.

35 séances successives et parallèles,140aine d’intervenants en provenance d’une 50aine de pays, du Japon en Orient jusqu’au Canada en Occident, de l’Afrique du Sud au Sud jusqu’à la Suède au Nord.

Le colloque est ouvert au public avec une inscription gratuite. Pour s’inscrire et obtenir le programme du colloque : http://www.bandungspirit.org/

L’un des organisateurs de cette manifestation, Darwis Khudori, est par ailleurs l’auteur d’un livre sur les rapports entre la France et le groupe des pays non-alignés qui s’était rassemblé lors de la conférence de Bandung de 1955.

Il présente ainsi son travail :

« La France a été très concernée par la Conférence de Bandung car cette réunion afro-asiatique devait discuter des problèmes et des intérêts communs en Afrique et en Asie dans les domaines économiques, sociaux et culturels, mais aussi en matière de souveraineté nationale, de colonialisme et de racisme. Et cette réunion était organisée sans impliquer les puissances coloniales, dont la France. Cependant, à la veille de la Conférence, la France a été impliquée dans deux problèmes coloniaux épineux. L’un est l’Afrique du Nord dont les entités territoriales (Algérie, Maroc, Tunisie) se sont engagées ensemble dans des mouvements de libération nationale contre l’occupation coloniale française.

L’autre est l’Indochine dont les États (Cambodge, Laos, Sud-Vietnam, Nord-Vietnam) avaient gagné leur indépendance mais, à l’exception du Nord-Vietnam, étaient toujours sous la tutelle française dans l’Union Française. Dans cette union, ils étaient États Associés et censés se concerter avec la France en matière de politique extérieure. Quant au Nord-Vietnam, il était complètement indépendant de la France grâce au mouvement de libération nationale mené par les communistes Vietminh soutenus par la Chine et l’URSS. Le Vietnam est devenu un champ de « guerre par procuration » (proxy war) entre les deux blocs de superpuissances. La crainte était grande chez le bloc Ouest que l’Asie du Sud-Est ne tombe, selon « la théorie des dominos », dans le bloc Est. C’est dans ce contexte que la France, avec la « procuration » de la Grande Bretagne et des USA, s’est impliquée indirectement dans la Conférence de Bandung. Comment donc la France, en concertation avec la Grande-Bretagne et les USA, agissait avant et pendant la Conférence ? Et quelles sont les réactions de la France suite à la Conférence ? En réponse à ces questions, ce livre est fondé essentiellement sur des archives diplomatiques françaises non encore étudiées et mises en valeur depuis plus soixante ans. »

Beaucoup de rendez-vous intéressants en perspective, donc. Ou comment voyager sans bouger de son fauteuil…

LM