Archives pour la catégorie 2021/2022

Deux expositions qui valent le coup d’oeil (et même un peu plus)

Bonjour,

il me vient souvent, ces temps-ci, le regret de ne pas habiter loin de Paris, de ses pollutions, de ses appartements exigus et hors de prix, de son climat maussade plus souvent qu’à son tour, de ses habitants stressés… dont je suis. Mais quelques moments de pur bonheur viennent me rappeler pourquoi j’avais fait le choix d’habiter cette ville, voici plus de trente ans, et pourquoi mes pas n’ont cessé de m’y ramener, presque malgré moi.

En l’occurrence, deux expositions parisiennes que j’ai eu la chance de voir à deux semaines d’intervalle justifieraient – presque – les embarras de Paris, si c’est là le prix à payer pour en jouir. (Bien évidemment, vous me ferez observer avec raison qu’il n’est pas nécessaire d’habiter la capitale pour visiter les expositions qui s’y trouvent et, même, que le plaisir que l’on prend à les visiter est d’autant plus grand qu’il ne se paie pas des inconvénients susnommés. Certes. Mais combien d’habitants des Provinces feront le déplacement pour venir admirer ces merveilles? Et combien, les ayant vues, les reverront au cours d’une nouvelle excursion? Alors que, de mon côté, j’ai bien l’intention de revoir au moins l’une d’entre elles et peut-être les deux, avant qu’elles ne s’achèvent.)

Je commence par celle que j’ai vue en premier, voici quinze jours, à la faveur d’une invitation à venir à son vernissage (on a les privilèges que l’on peut), je veux parler de l’exposition « Hey! le dessin », visible depuis le 22 janvier dernier à la Halle Saint-Pierre, à un jet de bible du Sacré-Coeur de Montmartre. Ceux qui ont lu et se souviennent des posts antérieurement publiés sur ce blogue se diront : « Tiens, il va nous reparler de Hey!« . Ils auront raison. On retrouve en effet à la manoeuvre les piliers de cette petite entreprise d’éveil de l’oeil à coups de pétards qu’est Hey!, à commencer par Anne, qui assure le commissariat d’exposition, et Zoé, sa fidèle assistante (on peut parier que Julien, alias Mr Djub, n’était pas loin). Revoilà à leur suite les artistes inclassables du lowbrow art, de l’art brut, du surréalisme pop, les taulards, les tatoués, les fous, soixante en tout, venus d’une trentaine de pays. Ce nombre était déjà celui des quatre expositions précédentes qu’avait montées la fine équipe à la Halle Saint-Pierre (2011, 2013, 2017 et 2019) toujours dirigée par l’impeccable Martine Lusardy. La particularité de celle-ci : elle ne présente que des dessins, sur toutes sortes de supports, avec toutes sortes de mines et de crayons, en noir et blanc ou en couleurs, en petit ou en grand format mais seulement, uniquement, exclusivement du dessin, 450 oeuvres en tout, qui occupent les deux étages de la Halle.

Dans une telle profusion, il y a forcément à boire et à manger, à prendre et à laisser. Je n’ai pas forcément été très touché par les productions des condamnés à mort japonais, les caddies de pépé Vignes ou les embrassades de Sergei Isupov. Mais je l’ai été, et même secoué, par les corps avachis dessinés par Kraken, le bestiaire fantastique de Murielle Belin, les enfants baillonnés de Victor Soren, ou encore les entrelacs de l’infiniment petit dessiné avec un luxe de détails confondant par Samuel Gomez, entre autres belles découvertes.

Samuel Gomez « Deadpan Comedy »

Mention spéciale à deux ensemble très différents. Le premier est celui que propose l’Américaine Laurie Lipton, dont la revue Hey! avait la première fait connaître les oeuvres en France et qui est ici exposée pour la première fois sur les cimaises de notre beau pays. Là même où, lors de la dernière expo Hey! de la Halle Saint Pierre, la virtuose, méticuleuse et ultra-féministe Mad Meg avait exposé ses dessins d’hommes-insectes, Laurie Lipton expose à son tour de grands formats à la profusion vertigineuse. Squelettes scotchés à leur optiphone hypnotique – comme dirait Baudoin de Bodinat – dans un décor industriel, hommes-machines réduits à leur bouche dans un fouillis de câbles, voilà dépeint, ou plutôt crayonné, notre devenir voire notre présent de consommateurs-automates par une artiste surdouée.

Laurie Lipton

L’autre série qui m’a beaucoup impressionné : celle intitulée « Mémoire végétale de la Grande Guerre ». Une dizaine de dessins sur feuilles – non de papier, mais d’arbres, ramassées par des hommes ayant eu la malchance d’être nés une vingtaine d’années avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale et qui cherchaient par l’art une échappatoire aux horreurs de la guerre. Par quel miracle ces dessins sur le support le plus fragile qui soit ont non seulement été préservés mais sont parvenus intacts jusqu’à nous, voilà qui est assez sidérant et, jusqu’à ce jour, à peu près inconnu même des spécialistes de ce que l’on appelle « l’art des tranchées ».

anonyme

Ce sont là quelques pépites d’une exposition qui en compte beaucoup. Heureusement, vous avez le temps de les découvrir : « Hey! Le dessin » s’est installé à la Halle Saint-Pierre jusqu’à la fin de l’année!

Autre exposition à ne pas manquer, dans un tout autre genre, celle que propose depuis le 15 janvier Orange (oui, l’opérateur de téléphone) et la société Amaclio Productions à la Grande Arche de la Défense : « Eternelle Notre-Dame ». Il ne s’agit pas seulement d’une nième visite virtuelle du vénérable bâtiment mais d’une « expérience immersive », selon le jargon en vigueur, grâce à un casque de réalité virtuelle (oxymore délicieux). Muni d’un ordinateur accroché dans votre dos et dudit casque dûment sanglé, vous déambulez dans un espace clos à la suite d’un guide-conférencier tout aussi virtuel que l’est votre avatar. Vous découvrez le chantier de Notre-Dame au treizième siècle, vous rencontrez les ouvriers, les compagnons, et d’autres personnages, humbles ou illustres, vous montez sur les échafaudages, assistez à la mise en place des vitraux… C’est très impressionnant, pédagogique et ludique à la fois, peut-être plus ludique que pédagogique à la vérité. Tout excité par l’illusion de monter sur les tours de Notre-Dame ou de tourner autour de Viollet-le-Duc qui nous présente sa flèche, on perd en qualité d’écoute ce qu’on gagne en divertissement. Mais c’est là sans doute un effet de la nouveauté. Quand nous serons habitués à ces technologies, elles nous deviendront transparentes et nous pourrons nous concentrer sur le contenu – s’il en reste. Pour l’instant, nous sommes tout au plaisir de découvrir cette attraction – comme devaient l’être les premiers spectateurs du cinématographe des frères Lumière.

Là aussi, vous avez encore du temps pour aller découvrir « Eternelle Notre-Dame » : l’exposition est installé à la Défense jusqu’au printemps, elle sera ensuite transportée à la Conciergerie puis sous le parvis de Notre-Dame à l’automne. Il est prévu qu’elle circule ensuite en Europe et dans le monde entier – encore un privilège qui échappera aux Parisiens! A noter qu’un tiers de la somme acquittée pour le ticket est reversée pour aider à la restauration de l’édifice. Où comment joindre l’utile à l’agréable…

LM

Voeux pour une année vraiment meilleure!

C’est l’un des avantages de tenir (enfin, tenir…) un blogue sur la durée, on peut facilement se reporter à ce que l’on écrivait un an auparavant, deux ans, naguère, jadis… Voici un an, je formulais le souhait d’une « meilleure année 2021 » après la calamiteuse année 2020 qui avait vu l’apparition du virus que l’on sait. Un an et quelques variants plus tard, me voici contraint de souhaiter de nouveau que l’année soit meilleure que la précédente, et de vous présenter de « vraiment meilleurs voeux ». Serai-je davantage écouté (et par qui?), il n’est pas interdit d’espérer…

De  même qu’il n’est pas interdit de rire, et je remercie Nadia de m’avoir transmis cette planche de Franquin, qu’elle-même avait reçue d’une amie ou d’une collègue (on peut être les deux, cela arrive), qui me semble de circonstance…

A l’heure où, plus que jamais, la lutte contre le virus tient à la fois de la guerre de mouvement et de la guerre de tranchées (l’analogie me frappe avec les premiers mois de la guerre de 1914-1918, que l’on espérait courte, fraîche et joyeuse mais qui s’enlisa durant quatre longues années), il importe d’accrocher quelques lampions pour éclairer la grisaille ambiante.

Cela peut être un spectacle : ainsi Najet Khaldi, ancienne étudiante du master de la Sorbonne-Nouvelle, nous conseille-t-elle d’aller voir et entendre le spectacle musical Là-bas, chansons d’aller-retour de Nathalie Joly, mis en scène par Simon Abkarian qui se jouera du 7 janvier (c’est demain) au 7 février 2022 au théâtre du Local à Belleville.  Il s’agit d’un spectacle musical autour du déracinement, de l’exil, de la mémoire et de la transmission. Lauréate d’une Bourse de l’Ambassade de France en Algérie, Nathalie Joly a écrit ce spectacle à l’Institut français d’Annaba, à partir de son histoire familiale et des échanges avec les femmes Bounas qu’elle y a rencontrées. J’ai eu la chance de voir le spectacle en avant-première en décembre, c’est vraiment bien.

là-bas dossier pédagogique_compressed

On peut aussi écouter une conférence, participer à un séminaire : par exemple celui de Nicolas Peyre sur « culture et influence », dont la troisième séance aura lieu demain, en ligne, de 14 à 16h.  Le séminaire accueillera Juliette Donadieu, ancienne attachée culturelle à San Francisco et fondatrice de la Villa San Francisco.

Voici la présentation que fait Nicolas de la séance :

« Après la Villa Médicis à Rome, la Casa Velázquez à Madrid et la Villa Kujoyama à Kyoto, la France annonce l’ouverture de la Villa Albertine, un nouveau programme de résidences aux États-Unis. La Villa San Francisco, inaugurée en août dernier, a servi de prototype grandeur nature, de ce nouveau dispositif qui renouvelle la manière de faire diplomatie aux Etats-Unis. Pluridisciplinaire, engagée, proche du terrain, cette nouvelle institution souhaite animer un dialogue à grande échelle entre les artistes et la société. « 

https://idetcom.ut-capitole.fr/de-la-villa-san-francisco-a-la-villa-albertine-renouveler-la-diplomatie-culturelle-francaise-aux-etats-unis-seminaire-organise-par-l-idetcom-960365.kjsp?RH=RECH_IDETCOM-FR

Et voici le lien pour y participer :

 
ID de réunion : 937 2004 5432
Code secret : 858838
 

Troisième lampion possible, soutenir sa thèse. Ce n’est pas donné à tout le monde mais c’est la bonne fortune (qui ne doit évidemment rien au hasard ni à la chance) qui échoit à mon doctorant Philippe Metz, lequel soutiendra le 21 janvier à la Sorbonne-Nouvelle sa thèse sur le sociologue Joffre Dumazedier (1915-2002).  Thèse d’histoire intellectuelle, ce travail éclaire une pensée originale et séminale, qui fut décisive, par exemple, dans la formation d’Augustin Girard, le fondateur du Service des Etudes et Recherches du ministère des Affaires culturelles au temps d’André Malraux. On parlera sans doute d’Uriage, où Dumazedier a enseigné, de Peuple et Culture, cette association d’éducation populaire qu’il co-fonda en 1944, de la sociologie de la culture et des loisirs, de l’autodidaxie et de l’autoformation et de bien d’autres sujets encore car la thèse est foisonnante.

 

On peut aussi préparer un beau colloque, comme celui qui se tiendra en mai prochain sur l’histoire de la diplomatie culturelle française. A l’heure où j’écris ces lignes, si je connais les dates de cette rencontre internationale qui rassemblera une cinquantaine de chercheurs français et étrangers (du 4 au 6 mai), je suis hélas toujours dans l’incertitude quant au lieu où celui-ci se tiendra, les travaux du nouveau campus de la Sorbonne-Nouvelle, du côté de Nation,  dans l’est parisien, ayant pris du retard. J’ai peut-être trouvé une solution mais j’attends confirmation avant de crier victoire…

 
 

Voilà quelques solutions, il en est évidemment bien d’autres et chacun peut faire part ici des solutions qu’il ou elle a trouvées pour accrocher lesdits lampions, ou s’accrocher, tout simplement. Dans tous les cas, je vous souhaite l’année aussi douce et fructueuse que possible, prenez soin de vous et des vôtres, ce qui n’exclut pas de se préoccuper du monde, bien au contraire!

 
A bientôt,
LM
 
 
 

Séminaires d’hiver

Bonjour

la saison des thèses n’est pas achevée que commence déjà celle des séminaires de recherche, ce qui m’oblige à augmenter le rythme de ces posts…

A vrai dire, le premier séminaire que je veux signaler a commencé voici quelques mois déjà. Il s’agit du séminaire de préparation du colloque international sur l’histoire de la diplomatie culturelle française qui doit se tenir du 4 au 6 mai prochain à l’université de la Sorbonne-Nouvelle. Nous organisons chaque mois un rendez-vous en visio conférence qui nous permet d’entendre les pré-communications d’un certain nombre de participants à ce colloque.

La séance d’aujourd’hui (mardi 30 novembre, 17h-19h) sera centrée sur la diplomatie éducative et linguistique, avec trois intervenant.e.s :

Céline Barzun (Doctorante en sociologie (Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) (UMR 8019) / ED 73 – SESAM Université de Lille) : « Contribution des écoles françaises au Maroc à la politique publique d’influence culturelle »

Drajos Jipa (enseignant à l’université de Bucarest, chercheur à l’Ecole doctorale francophone en sciences sociales CEREFREA Villa Noël, université de Bucarest): « La mission universitaire française en Roumanie de 1919 à 1948 »

Cem Savas (assistant professeur à Yeditepe University, Istanbul, Turquie) : « La diplomatie de la langue et l’autre francophonie : une étude rétrospective sur les enjeux et défis de l’influence française en Turquie »

Voici le lien pour cette réunion qui se tiendra sur la plateforme Meet :

meet.google.com/tpe-vqpw-dhe

La prochaine séance du webinaire aura lieu le 15 décembre. Je redonnerai d’ici là les infos utiles.

Autre séminaire que je voulais signaler, celui qu’animera Nicolas Peyre à partir du 10 décembre, là aussi à distance. Nicolas est enseignant-chercheur à Toulouse, membre du Conseil scientifique du colloque Histoire de la diplomatie culturelle française et enseignant au sein de la licence Géopolitique/Tourisme de la Sorbonne-Nouvelle. Ce séminaire portera sur le thème « Culture et influence ». En voici le programme:

Séminaire de recherche organisé par Nicolas Peyre*, enseignant-chercheur à l’Université Toulouse Capitole (IDETCOM) et titulaire de la Chaire Mobilité francophone de l’Université d’Ottawa (Canada). Co-animation des conférences avec les étudiants du master 2 « Administration et Communication des Activités Culturelles » (ACAC) de l’Université Toulouse Capitole.

*Certaines séances sont également animées avec Laurence Leveneur, maître de conférences à l’IUT de Rodez et à l’Université de Toulouse Capitole (IDETCOM), chercheuse associée à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), Emeline Jouve, professeure au Laboratoire Cultures Anglo-Saxonnes (CAS) de l’Université Toulouse Jean-Jaurès et Jonathan Paquette, professeur titulaire à l’Université d’Ottawa (Canada), titulaire de la Chaire de recherche en francophonie internationale sur les politiques du patrimoine culturel et professeur associé à l’IDETCOM.

La deuxième édition de ce séminaire de recherche (en ligne) a pour objectif de réunir des chercheurs internationaux en sciences humaines et sociales (SHS), des praticiens de la diplomatie d’influence (attachée culturelle), des Hauts fonctionnaires (ministère de la Culture et organisation internationale), le directeur général d’une chaîne de télévision francophone et des étudiants (master et doctorat) dans le but d’apporter des éléments de compréhension au rôle joué par la communication et la culture dans les relations internationales.

Comment l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) porte t-elle l’influence de la francophonie dans le monde ? Pourquoi TV5MONDE la chaîne internationale de télévision francophone a t-elle créé « TV5Monde Plus », une plateforme VOD francophone mondiale et quels en sont les premiers résultats ? Nous questionnerons également l’influence pop-culturelle du Japon en France ainsi que les guerres de l’information à l’ère numérique. Enfin, la France vient d’annoncer l’ouverture de La Villa Albertine, un nouveau programme de résidences aux États-Unis. Quels en sont les ressorts et pourquoi cette création ?

Vendredi 10 décembre 2021 (14h00 > 16h00) : Francophonie et influence. Nivine Khaled, Directrice de la langue française et de la diversité des cultures francophones à l’Organisation internationale de la Francophonie,

 

Séance organisée en collaboration avec la Chaire de recherche en francophonie internationale sur les politiques du patrimoine culturel de l’Université d’Ottawa. et co-animée avec Jonathan Paquette, professeur titulaire à l’Université d’Ottawa (Canada) et titulaire de la Chaire de recherche en francophonie internationale sur les politiques du patrimoine culturel et professeur associé à l’IDETCOM.

Vendredi 17 décembre 2021 (14h00 > 16h00) : L’influence pop-culturelle du Japon en France : manga, animation, jeu vidéo. Pierre-William Fregonese est Project Associate Professor en études culturelles à l’Université de Kobe, où il s’occupe des séminaires comparés sur les enjeux socioculturels européens et japonais dans le cadre du programme KUPES.

Vendredi 7 janvier 2022 (14h00 > 16h00) : De la Villa San Francisco à la Villa Albertine. Renouveler la diplomatie culturelle française aux Etats-Unis. Juliette Donadieu est ancienne attachée culturelle à San Francisco et fondatrice de la Villa San Francisco.

Séance co-organisée avec Emeline Jouve, professeure au Laboratoire Cultures Anglo-Saxonnes (CAS) de l’Université Toulouse Jean-Jaurès.

Vendredi 14 janvier 2022 (14h00 > 16h00) : Les guerres de l’information à l’ère numérique. Maud Quessard est maître de conférences, directrice du domaine « Espace Euratlantique » / Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM).

Vendredi 21 janvier 2022 (14h00 > 16h00) : La valorisation internationale de l’expertise culturelle française : un puissant outil d’influence ? Agnès Saal est Haute fonctionnaire à l’égalité, la diversité et la prévention des discriminations, cheffe de la mission expertise culturelle internationale au ministère de la Culture.

Vendredi 28 janvier 2022 (14h00 > 16h00) : TV5Monde Plus, la plateforme VOD francophone mondiale. Yves Bigot est directeur général de TV5Monde.

Séance organisée en collaboration avec la Chaire de recherche en francophonie internationale sur les politiques du patrimoine culturel de l’Université d’Ottawa. et co-animée avec Laurence Leveneur, maître de conférences à l’IUT de Rodez et à l’université de Toulouse Capitole (IDETCOM), chercheuse associée à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) et Jonathan Paquette, professeur titulaire à l’Université d’Ottawa (Canada), titulaire de la Chaire de recherche en francophonie internationale sur les politiques du patrimoine culturel et professeur associé à l’IDETCOM.

Ces conférences se tiendront en français et de manière dématérialisée (lien Zoom).

Le lien pourra être demandé 72 heures avant chaque conférence à l’adresse suivante : nicolas.peyre@ut-capitole.fr

Je complèterai ces informations par d’autres ultérieurement.

A bientôt,

Laurent Martin

Thèses d’automne

Bonjour,

je profite d’un moment – bref – entre deux préparations de cours pour communiquer quelques informations sur des événements passés… et surtout à venir qui peuvent intéresser tel ou telle de mes fidèles lecteurs et lectrices.

Je commencerai par évoquer la cérémonie qui s’est déroulée hier, vendredi 18 novembre, sous les dorures du Salon des Maréchaux, au ministère de la Culture, rue de Valois, sous le souriant (derrière le masque) patronage de Roselyne Bachelot herself (oui, la photo est mauvaise, il faut dire que le contre-jour n’aide pas).

La ministre, flanquée de la présidente du Comité d’histoire du ministère de la Culture, remettait le prix de thèse de la rue de Valois à deux des trois lauréats 2021 (la troisième avait été empêchée par l’imminence d’un autre heureux événement), Marina Rotolo et Pierre Nocérino. La première a travaillé sur une ville italienne du Mezzogiorno, Matera, dont la récente notoriété planétaire est due au fait qu’elle sert de décor aux premières scènes du dernier James Bond. L’autrice, architecte de formation, montre la façon dont l’obtention d’un label – le titre de capitale européenne de la culture, obtenu par Matera en 2019 – produit des effets sur l’aménagement urbain tout en s’inscrivant dans une stratégie de construction d’une image positive. La thèse est fascinante en ce qu’elle reconstitue l’évolution des représentations attachées à la ville depuis la Seconde Guerre mondiale. A trois époques différentes en effet, la ville de Matera a été placée au premier plan et médiatisée à l’échelle internationale. En 1950, le déclassement des Sassi, les habitations troglodytiques qui remontent pour certaines à une lointaine antiquité, lui confère un statut de contre-modèle dans le contexte progressiste de l’après-guerre. Elle devient alors le berceau de la recherche urbaine et architecturale sur le logement social. D’abord rejetés et laissés à l’abandon, les Sassi sont progressivement revalorisés pour leur intérêt archéologique et patrimonial. En 1993, leur reconnaissance mondiale à travers la labellisation UNESCO constitue un tournant pour la visibilité de Matera. Enfin, la nomination de la ville en tant que Capitale européenne de la culture pour 2019 établit une nouvelle phase de valorisation à l’échelle européenne. La labellisation peut dès lors s’inscrire en continuité des politiques antérieures, couronner un processus de valorisation, mais aussi initier une nouvelle dynamique dans une vision prospective. Portée par des acteurs spécifiques, cette vision s’accompagne de transformations urbaines et de stratégies d’aménagement qu’étudie Marina Rotolo, photographies et plans à l’appui. Les mutations de la ville de Matera constituent dans sa recherche, à la fois un objet d’analyse en soi – la production urbaine en contexte labellisé – et un analyseur des enjeux économiques et politiques associés à la labellisation.

Non moins intéressante, la thèse du sociologue Pierre Nocérino vise, selon son auteur, à « résoudre l’énigme suivante : pourquoi [les] professionnels [de la bande dessinée] ont tant de difficulté à se réunir en un même groupe social, capable de défendre ses intérêts ? ». La principale explication réside dans la nature souvent informelle de leur travail, dans la singularité d’un milieu professionnel composé d’individus peinant à s’organiser collectivement pour faire aboutir leurs revendications auprès de leurs employeurs comme auprès des pouvoirs publics. Peut-on pourtant viser le corporatisme sans convaincre les principaux concernés que sont les auteurs et autrices ? Pierre Nocérino se garde de suggérer une grille de lecture définitive, mais distingue deux grands résultats à sa recherche. La prégnance de règles morales fait, tout d’abord, perdurer un « professionnalisme de l’informalité » lié à l’individualisation des expériences. L’émergence de collectifs (l’auteur décrit les différentes formes d’actions et de collectifs pouvant permettre la reconnaissance publique des problèmes des professionnels) autorise une politisation des problèmes professionnels, mais peine à trouver une traduction dans l’organisation du travail. Particularité remarquable de ce travail pas si académique que cela : Pierre Nocérino utilise lui-même la bande dessinée dans la thèse comme un moyen de raconter et d’analyser l’enquête ethnographique qu’il a réalisée. Elle intègre ainsi pleinement sa démonstration scientifique, en plus de participer à l’objectif pédagogique qui est le sien.

Plus difficile à apprécier pour le non-spécialiste, la troisième thèse distinguée par le prix Valois 2021, due à Violette Abergel, docteure en sciences de l’ingénieur, porte sur les techniques numériques de relevé de l’art pariétal (les grottes préhistoriques ornées en France). L’autrice explique comment les technologies numériques ont permis d’améliorer les relevés d’art pariétal en 2D et en 3D. Elle combine les apports des ressources numériques (pour leur capacité computationnelle) et les ressources analogiques (pour leur capacité cognitive), et les envisage comme complémentaires, grâce à une approche qui fusionne les différents aspects des relevés via une interface (ou application) web qu’elle a développée et qui permet la manipulation des données en réalité augmentée à la fois hors du terrain et sur place.

C’est du moins ce que j’ai compris…

Parcourir ces thèses passionnantes (et quelques autres, puisque vingt-sept thèses étaient en lice cette année), en discuter avec les collègues qu’avait rassemblés le Comité d’histoire du ministère de la culture, enfin récompenser de jeunes chercheurs et chercheuses qui apportent des connaissances nouvelles dans le domaines des politiques publiques de la culture représente, certes, une charge de travail conséquente, mais qui en vaut la peine. Rappelons que le prix de thèse Valois, décerné depuis trois ans, est l’un des plus richement dotés de France, avec trois prix de 8000 euros chacun qui permettent aux récipiendaires de convaincre le plus réticent des éditeurs à publier leur opus magnum. C’est tout le bien que je leur souhaite, en les félicitant de nouveau pour la qualité de leur travail.

Une autre cérémonie aura lieu bientôt, cette fois à l’université de la Sorbonne-Nouvelle puisque nous remettrons le 27 novembre prochain leur diplôme à la promotion 2021 des étudiants du master, notamment du parcours de géopolitique de l’art et de la culture que je dirige avec mon collègue et ami Bruno Nassim Aboudrar. Nous avons également convié la promotion 2020, à qui nous n’avions pas pu remettre le précieux parchemin l’an passé pour cause de crise sanitaire. Certes, nous ne sommes toujours pas tirés d’affaire en cet automne 2021 où le virus joue les prolongations, et les retrouvailles se feront sous contrainte, mais il était important de marquer le coup et de féliciter les étudiants diplômés pour l’achèvement réussi de leur parcours universitaire. La manifestation aura lieu sur le site Censier, à partir de 10h, dans l’amphithéâtre D02.

La veille, j’aurai eu le plaisir de conduire non pas à l’autel mais à la soutenance (il y a des analogies, le directeur de thèse étant un peu le père, ou la mère, de ses doctorants) Catherine Kirchner, qui soutiendra à la Sorbonne-Nouvelle une thèse en sociologie des arts et de la culture intitulée « La Fabrique des esthétiques afro-caraïbéennes », que j’ai co-dirigée avec mon collègue et ami Dominique Berthet. Travail de longue haleine (huit années de dur labeur), qui, au moyen d’une enquête quantitative et qualitative menée auprès de plasticiens et plasticiennes des Antilles françaises, réfléchit aux conditions d’émergence d’une esthétique particulière à ces artistes. Le projet est véritablement transdisciplinaire, associant les apports d’une démarche à la fois historique, sociologique, esthétique, anthropologique. Remarquable et réussi, me semble-t-il, est l’effort d’articuler l’analyse des oeuvres, présentes sous la forme de très nombreuses images, et le contexte socio-historique qui les explique en partie. Catherine, que j’ai rencontrée en master lorsque je venais d’arriver à la Sorbonne-Nouvelle, est par ailleurs chargée de cours dans le parcours de licence Géopolitique et Tourisme du département de Médiation culturelle, où elle introduit – enfin – les théories postcoloniales et décoloniales aujourd’hui si importantes pour saisir de nombreux enjeux contemporains, n’en déplaise à ceux qu’effraie à l’excès le mélange de scientificité et d’engagement qui caractérise ces savoirs.

Quelques jours plus tard – le 1er décembre, on ne chôme pas, par ici – je reprendrai le chemin de la salle Athéna, la bien nommée salle des thèses de la Maison de la recherche de la Sorbonne-Nouvelle, avec cette fois à mon bras Julie Verlaine, collègue de l’université de Paris 1, qui soutiendra son habilitation à diriger les recherches. Spécialiste de l’histoire culturelle de l’art, des collectionneurs/ses et des musées, Julie présente un impressionnant dossier de recherche et de publications placé sous le signe de l’histoire culturelle des arts, du patrimoine et des sociétés. « Pour une histoire sociale des acteurs culturels au XXe siècle », ses travaux s’inscrivent dans une histoire du goût et des pratiques culturelles contemporaines. C’est tout particulièrement le cas de son mémoire de recherche inédit, qui porte sur les sociétés des Amis des musées du XIXe siècle à nos jours. D’une érudition jamais prises en défaut tout en maniant une langue précise et élégante, ce travail d’histoire comparée et croisée à la fois montre la façon dont ces associations émergent et se structurent en Europe à la fin du XIXe siècle dans un processus à la fois d’imitation et d’émulation, et comment elles évoluent en s’adaptant aux conditions nouvelles du XXe siècle. L’histoire des musées occidentaux et de leurs Amis mais aussi l’histoire des collectionneuses, les rapports entre marchands et artistes, l’histoire de l’art revisitée au prisme du genre, l’histoire du patrimoine et de la philanthropie, les divers textes qui seront présentés et discutés ce jour-là dessinent un champ à la fois diversifié et cohérent. Julie m’a choisie pour être son « garant », ce qui est évidemment pour moi une source de fierté!

Pour conclure ce post, je signale encore deux événements susceptibles d’intéresser ceux que passionnent les relations culturelles internationales et transnationales.

Le premier est le festival « Images de migrations » qui se tient depuis hier et jusqu’au 23 novembre sur le campus Condorcet, au centre de colloques (1 place du Front populaire à Aubervilliers). Seront présentés un certain nombre de films, documentaires et de fiction, mettant en images ce/ceux (et celles) que l’on réduit trop souvent à des statistiques. Le programme est riche, vous le trouverez à cette adresse :

Festival Images des migrations

Enfin, le 25 novembre prochain sera lancée la plateforme Transatlantic Cultures à la Maison de l’Amérique latine. Aboutissement d’un grand programme de recherche international, porté notamment par Anaïs Fléchet avec le soutien du Centre d’histoire culturelle de l’université de Versailles Saint Quentin en Yvelines, cette plateforme permettra d’accéder au savoir accumulé ces dernières années sur les circulations culturelles entre les divers pays et régions riverains de l’Atlantique. Un bel exemplaire d’histoire culturelle transnationale!

Vous trouverez le programme de la manifestation ici :

Voilà, c’est tout pour ce soir… et pour ce mois!

A bientôt sur ce blog,

Laurent Martin

La diversité ethnoculturelle n’est pas un gros mot

Bonjour,

dans un billet précédent, j’avais annoncé la publication simultanée de deux ouvrages, Géopolitique de la culture, co-écrit avec mes collègues Bruno Nassim Aboudrar et François Mairesse (Armand Colin) et les actes d’un colloque sur La Diversité ethnoculturelle dans les arts, les médias et le patrimoine publiés chez L’Harmattan.

Initialement, ce dernier livre comportait quatre parties. Pour des raisons de place et de coût d’impression, j’ai dû renoncer à publier la quatrième partie dans le volume imprimé. Ce n’était pourtant pas la moins intéressante car elle rassemblait les témoignages d’un certain nombre de responsables d’institutions sur leur expérience de la diversité dans la culture.

Cette quatrième partie est en principe (je n’ai pas vérifié) disponible gratuitement sur le site de l’Harmattan. Je ne crois pas inutile de la publier ici…

… et de poster sur ce blog la présentation générale de l’ouvrage qui définit ce que j’entends par « diversité ethnoculturelle » qui n’est pas un gros mot mais un outil conceptuel à même de saisir certains des enjeux les plus cruciaux qui se posent à la société française – et à d’autres.

Ce livre est issu d’un colloque qui s’est tenu voici déjà trois ans à l’université de la Sorbonne-Nouvelle, avec d’autres universités qui étaient liées avec elle et entre elles par l’une de ces constructions administratives un peu artificielles prisées par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Cette « Comue » (pour Communauté universitaire et d’établissement) nommée Université Sorbonne Paris Cité (ou USPC), aujourd’hui disparue, avait lancé un appel à projet pour une « université d’été » qui devait durer une semaine ; nous proposâmes de réfléchir sur la notion de « diversité culturelle dans les arts et les médias » et obtînmes un financement qui nous permit de mettre sur pied en quelques mois ce projet qui vit le jour en septembre 2017. Mais tout colloque naît deux fois : la première quand il se tient et donne lieu à des communications ; la seconde, quand les actes en sont publiés sous la forme d’articles rassemblés dans un livre. Entre ces deux naissances, plusieurs mois voire années peuvent s’écouler, un intervalle dont la longueur est fonction de la rapidité des auteurs à envoyer leurs textes et de la célérité du maître d’ouvrage, souvent débordé par de multiples chantiers ouverts, à s’acquitter de sa tâche… En l’occurrence, un peu plus de trois années se sont donc écoulées entre le moment où le colloque s’est tenu et celui où le manuscrit fut prêt à être édité. De ce délai, hélas fréquent dans la littérature académique, découlent quelques inconvénients, dont le plus important est le caractère parfois quelque peu défraîchi de certaines bibliographies ; mais il peut aussi en résulter de grands avantages, parmi lesquels celui de pouvoir accueillir des textes supplémentaires qui complètent utilement sur quelques points essentiels ceux qui furent rédigés par les intervenants dans le prolongement immédiat du colloque (et remplacent en partie ceux qui ne nous furent pas envoyés…).
Quant à l’inquiétude principale que pouvaient susciter ces trois années de… réflexion, c’est-à-dire l’obsolescence des problèmes identifiés et des solutions préconisées, celle-ci doit être résolument écartée ; d’une certaine façon, c’est tout le contraire qui s’est produit, la pertinence des idées avancées dans ces textes gagnant semble-t-il en acuité au fil des années, jusqu’à rejoindre l’actualité scientifique, éditoriale et politique la plus « chaude ». Il est frappant, en effet, de constater la place de plus en plus centrale occupée dans le débat public par toutes les questions que soulèvent un vocable tel que celui de « diversité ethno-culturelle » et un certain nombre d’autres qui lui sont couramment associés. Initiatives institutionnelles, colloques et séminaires, mouvements militants, publications de toute nature se multiplient qui interrogent cette notion, pour la revendiquer ou la contester. Au prix, parfois, de confusions sémantiques plus ou moins volontaires qu’il faut tenter, d’emblée, de clarifier.
Qu’est-ce, en effet, que la diversité ethno-culturelle? Construite par dérivation d’une notion plus consensuelle, la « diversité culturelle », le choix de cette expression signifie, d’une part, la volonté de distinguer ce qui nous occupe d’une conception qui a longtemps constitué – qui constitue encore – le paradigme dominant de la politique culturelle française, la diversité comme variété des formes, des pratiques, des contenus de la culture (variété opposée à l’homogénéisation supposément induite par la culture de grande diffusion), pour porter l’attention sur la question des identités et sur les discriminations, les revendications et les droits qui peuvent leur être attachés ; le choix de cette expression dit, d’autre part, le souhait et la méthode de ne pas disperser cette attention sur un trop grand nombre de variables sociales (dont l’importance n’est pas en cause) mais de la focaliser sur l’une d’elles, déjà fort complexe, qui a trait à l’appartenance, ressentie, perçue, attribuée et parfois assignée, d’un individu à un groupe humain qui se distingue des autres par un certain nombre de caractéristiques physiques et/ou culturelles. Réfléchir à la « diversité ethno-culturelle » dans les arts, les médias, le patrimoine, c’est interroger la place qui est faite aux individus identifiés (par d’autres ou par eux-mêmes) comme appartenant à des minorités racisées ou ethnicisées, visibles ou invisibles, dans ces domaines essentiels de la vie publique que sont les fabriques de l’imaginaire contemporain.
Il n’est pas surprenant qu’une telle focalisation soulève questions et critiques. Ne met-on pas, par là-même, en cause ou en danger l’universalisme républicain défini par le principe d’indifférenciation, son refus de prendre en compte les particularités ou les loyautés des individus pour mieux assurer l’égalité de traitement entre tous? Ne renforce-t-on pas, sous couvert de la combattre, la stigmatisation des individus « différents » du groupe majoritaire, leur enfermement dans des particularismes? La reconnaissance des identités ne conduit-elle pas à des formes d’assignation identitaire et d’essentialisation des différences? L’inquiétude monte encore d’un cran – se muant parfois en alarme – lorsque le mot « race » est lâché dans la discussion et que l’on commence à parler de « diversité ethno-raciale » en lieu et place de la déjà suspecte diversité (ethno-)culturelle. Le mot, il est vrai, est de sinistre mémoire et pris encore très souvent, dans le contexte français, comme l’équivalent de groupe biologique ; considérer les problèmes sociaux, par exemple les inégalités, à travers le prisme de la « race » serait, au mieux, une façon de masquer la nature réelle de ces problèmes (« la lutte des races plutôt que la lutte des classes », pour reprendre une crainte souvent exprimée à gauche de l’échiquier politique), au pire un « racisme » qui ne dit pas son nom.
Nous partageons certaines de ces inquiétudes devant ce qui nous paraît être des dérives ou des excès d’une posture parfois exagérément militante, notamment lorsqu’elle paraît vouloir intimer silence à ses contradicteurs ; pour autant, nous sommes de ceux qui reconnaissent toute sa légitimité à cette politique des identités qui est aussi une politique de la diversité – notamment ethno-culturelle. Car enfin, l’universalisme républicain tant vanté, sacralisé même, s’est révélé un paravent commode à l’abri duquel les institutions culturelles de ce pays (comme de bien d’autres dans le monde occidental) ont pu perpétuer des rentes de situation dont ont profité pleinement et indûment les représentants du groupe ethnique majoritaire ; et ce n’est pas se rendre coupable d’un racisme à rebours, ni d’un féminisme radical, que de remarquer que les « hommes blancs » dominent très largement ces institutions même si, et c’est un problème que posent un certain nombre de textes dans ce livre, la difficulté d’établir objectivement l’existence de cette domination par des statistiques dites « ethniques » officiellement interdites en France représente un réel obstacle à des politiques correctrices.
Or, cette domination entraîne des conséquences assez lourdes sur l’univers symbolique dans lequel nous vivons. Du manque de représentativité découle en partie un manque de représentation ; nous baignons (sans trop le remarquer quand nous avons la « chance » de faire partie du groupe ethnique majoritaire) dans un univers culturel qui, lui, n’est pas du tout colorblind, pour ne citer que l’une des manifestations – la couleur de la peau – par lesquelles les individus se distinguent et sont distingués les uns des autres. Dans cet univers, sur la scène des théâtres, sur les écrans de télévision ou de cinéma, les Noirs sont bien moins nombreux qu’ils ne le sont dans la société française ; et les emplois qu’ils y occupent apparaissent bien plus souvent subalternes ou stéréotypés que ceux de la vie réelle. Un écart existe qui renforce les préjugés, alimente un racisme tout à fait réel et déclenche en retour des formes de réaction ou de crispation identitaires parmi les individus qui s’estiment injustement traités par le groupe dominant. Et ainsi en va-t-il de tous les groupes qui se trouvent ainsi « racisés », c’est-à-dire réduits par le discours ambiant à leur couleur de peau, à leur religion, à leur langue…
« Racisé », le terme aura lui aussi fait couler beaucoup d’encre et excité les imaginations. Terme employé par les sciences sociales avant que de l’être par les militants anti-racistes ou leurs adversaires (qui peuvent aussi être des anti-racistes, le réel est complexe), il désigne simplement, par exemple sous la plume de Colette Guillaumain, une assignation qui entraîne des discriminations, des préjugés et des inégalités, une construction sociale, politique, culturelle qui hiérarchise les individus en fonction de leurs traits physiques ou culturels. Le paradoxe étant que ces individus peuvent à leur tour choisir de mettre en avant telle ou telle différence et « d’inverser le stigmate » afin de retrouver une forme de fierté individuelle et sociale parfois dérangeante. La race n’est certes pas une réalité biologique, mais elle est une réalité culturelle, qui va d’ailleurs bien au-delà des apparences et des différences chromatiques (raison pour laquelle on pourra lui préférer le terme d’ethnie, aussi imparfait et critiquable soit-il lui aussi) ; c’est une construction sociale à laquelle participent autant ceux qui stigmatisent ou rejettent que ceux qui revendiquent et défendent l’appartenance à un groupe social sur la base d’un certain nombre de traits caractéristiques ; elle est un perçu et un ressenti ; mais elle ne demeure pas inerte dans l’espace clos de nos imaginaires, elle a une efficacité sociale, elle produit des effets dans l’espace social. Par voie de conséquence, le racisme ne peut être considéré seulement comme une réaction littéralement épidermique à la différence, une forme de déviance psychologique, il renvoie avant tout à un phénomène collectif qui associe représentations mentales et dispositifs institutionnels pour maintenir ces populations dans une position d’infériorité ontologique et sociale. Faut-il alors parler de racisme « systémique », « structurel », « institutionnel », voire de « racisme d’État » si la complicité des autorités dans les discriminations qui frappent certains de nos concitoyens est avérée ? Nous laissons à chacun la liberté d’en décider.
Comme nous laissons à chacun.e des auteur.e.s présent.e.s dans ce recueil le choix de ses concepts et la liberté de ses interprétations. Chacun.e participe d’un libre débat, comme il se doit dans les sciences sociales et humaines, et d’une polyphonie indispensable au progrès des idées et, peut-être, au progrès social. Les textes ont été ordonnés en quatre parties. La première rassemble des articles qui interrogent directement la question de la représentation des minorités ethniques dans les arts et, dans une moindre mesure, les médias, en France, ainsi que l’action des pouvoirs publics, via les politiques culturelles, pour favoriser – ou non – une authentique diversité culturelle, notamment dans le domaine de la langue. La deuxième partie s’intéresse à l’une des populations « racisées » par excellence – les migrants, du moins quand ils sont pauvres – et interroge leur rapport à la culture, les politiques culturelles qui les ont pris pour objets (plus que comme partenaires ou interlocuteurs) ainsi que la patrimonialisation de leurs expériences et de leur histoire, toujours dans le contexte français. La troisième partie propose des réflexions qui s’inscrivent dans un cadre européen, partant du principe, souvent vérifié, que la comparaison avec l’étranger éclaire d’un jour nouveau les évidences nationales et permet un utile « décentrement du regard ». La quatrième et dernière partie, enfin, regroupe les réponses d’un certain nombre de responsables d’institutions culturelles à un questionnaire que nous leur avions adressé sur leur conception de la diversité culturelle, la manière dont leur institution et eux-mêmes se positionnaient à l’égard de cette notion, les dispositifs mis en place pour combattre les discriminations liées aux « différences » et leurs limites.
En associant la parole des acteurs à celle des chercheurs, en faisant dialoguer des voix militantes et des voix scientifiques, mais aussi en donnant la possibilité à de jeunes chercheurs et chercheuses de présenter leur travail aux côtés de savant.e.s plus confirmé.e.s, nous nous donnons plus de chance d’approcher ce qui, toujours, échappe – doit échapper – à la prise de l’esprit : quelque chose comme une vérité du réel social.

LM

PS : demain, je me rends à Blois pour les Rendez-vous de l’Histoire. J’y participerai à une table ronde autour des « Années Lang » avec Jack Lang himself, Frédéric Martel et Michel Guerrin. Juste retour des choses pour celui qui fut à l’origine de ce rendez-vous annuel des historiens dans sa bonne ville de Blois qu’il administra durant deux mandats… Une séance de signature est prévue (et une autre pour le livre publié chez Armand Colin, Géopolitiques de la culture).

La rentrée, c’est maintenant!

Bonjour à toutes et à tous,

voilà, il fallait bien que ça arrive : la rentrée universitaire est là. Les derniers réfractaires descendent de leur montagne, rentrent de leur campagne, ont remisé pelles et seaux dans le coffre, secoué le sable de leurs lectures de plage. Quand faut y aller, faut y aller.

Quant à moi, cela fait déjà quelques semaines que je suis rentré à Paris et que, ma foi, vaille que vaille, tant bien que mal, doucement mais sûrement… Tout ça.

Ce petit rythme va prendre un coup d’accélérateur la semaine prochaine avec une douzaine de soutenances de mémoire de 2e année de master programmées (de l’art autochtone contemporain comme instrument de réconciliation au Canada à l’émergence des politiques culturelles en Côte-d’Ivoire en passant par, entre autres beaux sujets, les identités migrantes dans le mouvement associatif français) et, jeudi prochain, la réunion de rentrée du master de Géopolitique de l’art et de la culture que je co-dirige avec mon collègue et ami Bruno Nassim Aboudrar (dont je vous recommande, tout copinage mis à part, le récent et excellent Les Dessins de la colère, paru cette année chez Flammarion, sur les réactions émotionnelles face aux images).

Je suis, comme la plupart de mes collègues, très impatient de retrouver les étudiants – et pas seulement, cette fois-ci, derrière nos écrans respectifs, mais « en vrai », dans une salle ou un amphi (quoique à Paris 3 les cours d’amphi se feront encore à distance, selon les dernières consignes reçues de l’université). Il y aura encore des écrans – nos masques – mais les sourires, dessous, seront larges, je n’en doute pas. Ce que nous a vraiment appris cette année (je crois l’avoir déjà écrit sur ce blog, excusez-moi si je radote), c’est que rien ne remplace le rapport direct entre l’enseignant.e et ses étudiant.e.s, cette incarnation du savoir qu’est la présence physique du sachant et cette incarnation du désir de savoir qu’est l’apprenant… Même si, dans le cadre d’un séminaire de master, le sachant et l’apprenant échangent bien souvent leurs rôles!

C’est une année qui s’annonce passionnante et compliquée à la fois. Parce que nous ne savons pas si l’amélioration des conditions sanitaires se confirmera sur l’année et que le risque demeure de nouvelles restrictions si l’épidémie repart à l’université ou ailleurs. Parce que le contexte de la Sorbonne-Nouvelle ajoute un degré d’incertitude, avec le déménagement enfin programmé pour nos nouveaux locaux à l’inter-semestre. A tout le moins, il faut prévoir un peu (beaucoup) de désordre dans l’organisation des enseignements.

Côté enseignements, pas de grands changements de mon côté. Un premier semestre très chargé, avec mon cours de licence sur l’histoire des relations culturelles internationales, mes séminaires de master sur les politiques et les diplomaties culturelles dans le monde et sur l’actualité des censures et la géopolitique de la liberté d’expression… J’ajoute cette année un séminaire sur les politiques culturelles en France dans le parcours de master Médiation et création artistique de mon département de Médiation culturelle.

Je vais pouvoir y utiliser les articles récemment publiés dans Les Années Lang, une histoire des politiques culturelles 1981-1993 que j’ai dirigé avec mes amis et collègues Vincent Martigny et Emmanuel Wallon (La Documentation française, 2021), livre que je présenterai lors d’une table ronde organisée à l’occasion des Rendez-vous de l’histoire de Blois en octobre prochain (j’en reparlerai dans un prochain post).

2021 sera d’ailleurs une année faste sur le front des publications puisque paraîtra à la fin du mois de septembre le livre sur les Géopolitiques de la culture co-écrit avec mes compères B.N. Aboudrar et F. Mairesse (Armand Colin)…

…ainsi que, en principe en octobre ou novembre chez L’Harmattan, le recueil des actes du colloque sur la diversité ethnoculturelle dans les arts, les médias et le patrimoine.

Cela fait évidemment plaisir de voir aboutir tant de projets qui ont parfois mis beaucoup de temps à se concrétiser. Tous ces livres, souvent écrits ou réalisés en collaboration, se veulent des contributions à la réflexion collective sur les rapports entre culture et politique dans nos sociétés contemporaines, et ce à divers niveaux de réalité et d’observation, dans des jeux d’échelle entre l’individuel et le collectif, le local et le global. D’autres sont à venir dont il n’est pas temps encore de parler…

Je termine par l’annonce du prochain congrès de l’Association pour le développement de l’histoire culturelle que se tiendra le samedi 25 septembre dans les locaux de l’université de Paris 1, sur le campus Condorcet. J’animerai la table-ronde de l’après-midi sur la dématérialisation de la culture. J’en parlerai plus longuement dans un prochain post.

Bonne rentrée, au plaisir de vous lire et de vous revoir bientôt!

Laurent Martin