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Libertés académiques (suite)

Bonjour,

aujourd’hui est organisé sur le parvis du Trocadéro un rassemblement de soutien aux deux chercheurs français actuellement retenus en Iran. Les deux chercheurs sont depuis 250 jours prisonniers en Iran des Gardiens de la Révolution, Fariba Adelkhah menant une grève de la faim depuis le 24 décembre.

Je n’ai reçu l’information qu’hier, j’espère qu’elle sera encore utile à ceux qui veulent y participer.

Liberté pour Fariba Adelkhah et Roland Marchal !

Rassemblement silencieux sur le Parvis des droits de l’Homme

Esplanade du Trocadéro

Mardi 11 février, de 12h30 à 13h30

 

Communiqué du Comité de soutien à Fariba Adelkhah et Roland Marchal, prisonniers scientifiques en Iran

Fariba Adelkhah et Roland Marchal, tous deux chercheurs au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po et du CNRS, sont prisonniers scientifiques en Iran depuis le 5 juin 2019. Comme une quinzaine d’autres universitaires étrangers, ils sont sous le coup de chefs d’accusations politiques – atteintes à la sûreté de l’Etat, propagande contre le régime, espionnage – qui ne trompent personne, et pas même la justice iranienne puisqu’un tribunal a demandé la libération sous caution de Fariba Adelkhah et de Roland Marchal, en décembre, et qu’un autre tribunal a levé l’accusation d’espionnage à l’encontre de Fariba Adelkhah, en janvier. Mais les Gardiens de la Révolution, qui sont les auteurs de ces arrestations arbitraires, ont toujours le dernier mot tant sur le fond que sur les modalités de la détention, dont les conditions sont très dures. Fariba Adelkhah, croyons-nous savoir, parle à ce propos d’un pouvoir qui ne dit pas son nom et que nul n’ose nommer, d’un « pouvoir à l’envers ».

Partie prenante des institutions collégiales de décision – le Conseil de discernement de la raison d’Etat, le Haut Conseil de sécurité nationale – ce « pouvoir à l’envers » ne dépend constitutionnellement que du Guide de la Révolution. C’est donc à celui-ci que nous nous adresserons solennellement, ce mardi 11 février, date de la commémoration de la révolution de 1979, à l’occasion d’un rassemblement, pour lui demander la libération inconditionnelle et immédiate de Fariba Adelkhah et Roland Marchal dont le seul tort est d’exercer leur métier en toute intégrité, en toute indépendance.

De sa prison Fariba Adelkhah a lancé un appel aux autorités iraniennes et, par delà, moyen-orientales : « Sauvez les chercheurs, sauvez la recherche pour sauver l’histoire ! ». Ce message s’adresse à chacun(e) de nous, dans le monde entier.

Pour porter cette demande, nous vous invitons à venir nombreux sur le parvis des droits de l’Homme, au Trocadéro, à Paris, mardi 11 février, de 12h30 à 13h30, et à rejoindre le rassemblement silencieux organisé par le Fonds d’analyse des sociétés politiques et le Comité de soutien à Fariba Adelkhah et Roland Marchal.

L’artiste sénégalais Alioune Diagne dansera pour eux sur le parvis.

Contact : F&R Support Committee fariba.roland@gmail.com

Rejoindre le comité de soutien à Fariba Adelkhah et à Roland Marchal

Bonne journée,

LM

Meilleurs voeux 2020! Pour la défense des libertés académiques

Bonjour à toutes et à tous,

je vous adresse mes meilleurs voeux pour une belle et heureuse année 2020. Qu’elle soit propice à vos projets, douce à notre planète et plus sereine pour notre pays!

J’ai choisi cette année de reprendre, en guise de visuel, la carte de voeux de mon université (ici la version animée : https://www.youtube.com/watch?v=8N1trsXeEJo), la Sorbonne-Nouvelle, pour deux raisons.

D’abord, parce que 2020 sera l’année d’un grand changement pour cette institution, qui s’installera dans ses nouveaux locaux, près de Nation, à la rentrée prochaine. Les bâtiments sont en voie d’achèvement, ils sont beaux, j’espère surtout – nous espérons tous – qu’ils seront fonctionnels. Aux dernières nouvelles, les inquiétudes que nous avons de longue date concernant une possible diminution du nombre de salles de cours disponibles par rapport à ce dont nous disposons sur le site Censier (alors que ce nombre est déjà insuffisant et occasionne à chaque rentrée des maux de tête aux personnes chargées de répartir les cours dans les salles) seraient en partie infondées. Des simulations feraient apparaître un taux de correspondance entre l’existant et ce vers quoi nous allons de 95%. Si c’est effectivement le cas, tant mieux! Mais on ne m’enlèvera pas de l’idée que ce déménagement aurait dû être l’occasion de retrouver un peu plus d’aise dans l’occupation des locaux, au lieu que nous allons, au mieux, retrouver les difficultés que nous connaissons depuis tant d’années – et, au pire, les trouver aggravées. Ces nouveaux locaux auraient pu, auraient dû être le moyen de bâtir une université du XXIe siècle, ouverte sur la cité, non réservée à une mono-activité de cours et de délivrance de diplômes, accueillante pour des publics non étudiants ou pour des activités culturelles, artistiques variées… Mais je suppose que c’était trop espérer d’une tutelle attentive au moindre sou dépensé et qui nous fait déjà la « faveur » de nous laisser occuper de précieux mètres carrés intra-muros…

L’autre raison pour laquelle j’ai choisi le logo de l’université est que je souhaite parler dans ce billet des libertés académiques, lesquelles sont en danger dans ce pays comme en bien d’autres.

J’évoquerai d’abord le projet de loi de programmation pour la recherche.

Le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche
(LPPR), en cours d’élaboration, devrait être rendu public à la
mi-février, pour une adoption avant l’été, possiblement par cavaliers
législatifs. Les rapports préliminaires [1] et les prises de position
[2] publiques confirment qu’il s’agira d’une loi qualifiée par le
président du CNRS d’« inégalitaire » et de « darwinienne », mettant en œuvre une dérégulation des statuts des universitaires et des
chercheurs.

La « concertation » préparatoire au projet de loi n’a apporté aucune
réponse aux questions pressantes qui se posent à tous les
universitaires et chercheurs actifs. Nous éprouvons aujourd’hui
l’urgence d’ouvrir un débat public sur l’organisation de la recherche
à partir de nos pratiques, de sorte à renouer avec des institutions
qui soient au service d’une recherche libre et exigeante.

Pour initier ce processus de réappropriation et de réflexion sur nos
métiers, nous présentons une candidature collective au poste de
président de l’HCERES. Le conseiller Éducation, enseignement
supérieur, recherche et innovation du président de la République, M.
Coulhon [4], s’est lui aussi porté candidat.

Nous espérons que cette candidature collective réunira femmes et
hommes, issus de toutes les disciplines, de tous les corps, précaires
ou non, et appartenant à tous les établissements français. Pour vous y associer, inscrivez-vous ici :

http://rogueesr.fr/hceres/

Un texte doit être très prochainement publié dans Le Monde à ce propos.

RogueESR est un collectif de membres de la communauté académique. Il rassemble celles et ceux qui font vivre ses institutions au quotidien, et qui souhaitent défendre un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, ouvert à toutes et tous.

Contact : contact@rogueesr.fr

Twitter : @rogueesr

RogueESR

http://rogueesr.fr

[1] Rapports des groupes de travail en vue de la rédaction du projet de loi :

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid145221/restitution-des-travaux-des-groupes-de-travail-pour-un-projet-de-loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-recherche.html

[2] Texte d’Antoine Petit paru dans Les Échos :

https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/la-recherche-une-arme-pour-les-combats-du-futur-1150759
/

Réaction de la communauté :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/06/le-darwinisme-social-applique-a-la-recherche-est-une-absurdite_6021868_3232.html

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000039668523

[4] Thierry Coulhon a été l’un des instigateurs de la loi LRU en 2008,
avant d’être en charge du programme de l’enseignement supérieur de la
campagne électorale d’Emmanuel Macron.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Thierry_Coulhon

Autre pays, autre inquiétude quant aux libertés académiques (que d’aucuns jugeront sans doute plus grave), j’ai reçu dernièrement un texte de l’association des chercheurs français sur le Brésil présidée par Juliette Dumont, l’association ARBRE.

« Le 8 janvier, nos collègues de la Fundação Casa de Rui Barbosa (FCRB, Rio de Janeiro) ont découvert que cinq d’entre eux avaient été relevés des fonctions qu’ils occupaient au sein du centre de recherche qu’abrite cette institution. Antônio Herculano Lopes, directeur, Flora Süssekind, Charles Gomes, Joëlle Rouchou et José Almino de Alencar, responsables des différentes équipes de recherche du centre, chercheuses et chercheurs reconnus en histoire, lettres, sciences politiques, communication, sociologie, ont été écartés au motif d’une “réorganisation administrative”.

La décision a été prise par la nouvelle directrice de la FCRB, Letícia Dornelles, ancienne présentatrice et scénariste pour les chaînes de télévision Globo et Record, proche des milieux évangéliques et sans la qualification exigée pour occuper ce poste. Elle-même avait été nommée par surprise en octobre dernier lors de la prise en main des grands établissements culturels du pays par le gouvernement de Jair Bolsonaro. Les employés de la FCRB – et l’ancienne présidente elle-même – avaient découvert sa nomination dans le Journal Officiel au retour d’un jour férié.

Outre la violence du procédé à l’égard des cinq chercheurs concernés et pour les équipes qu’ils animaient, cette décision menace directement ce centre de recherche, reconnu tant au niveau national qu’international pour son travail en termes de valorisation des archives, d’édition, de liens tissés avec le monde académique et de promotion d’activités destinées à un large public.

L’Association pour la Recherche sur le Brésil en Europe dénonce avec d’autant plus de véhémence le sabordage du centre de recherche qu’elle a réalisé de nombreuses activités (séminaires et journées d’études, publications, échanges) en partenariat avec la FCRB depuis l’organisation d’un premier colloque conjoint lors de l’année de la France au Brésil en 2009. La publication, en 2017, aux éditions FCRB et 7 Letras, du livre Como era fabuloso meu francês! Imagens e imaginários da França no Brasil (séculos XIX-XXI), coordonné par Silvia Capanema P. de Almeida, Olivier Compagnon et Anaïs Fléchet, de même que, plus récemment, la parution de l’ouvrage coordonné par Juliette Dumont, Anaïs Fléchet et Mônica Pimenta Velloso, Histoire culturelle du Brésil (XIXe-XXIe siècles), aux éditions de l‘IHEAL, ne sont que les fruits les plus récents de cette longue collaboration.

Cet épisode n’est malheureusement pas isolé et vient rejoindre la liste déjà longue des attaques contre le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur au Brésil. Ce processus, qui a démarré sous la présidence de Michel Temer, s’est accentué de manière dramatique depuis l’accession au pouvoir de Jair Bolsonaro. Censure directe ou indirecte, intimidations contre des individus ou des institutions, asphyxie budgétaire, calomnies et injures constituent depuis un an le répertoire d’action d’un gouvernement qui fait ouvertement l’apologie de l’ignorance et dénie aux sciences et aux scientifiques toute légitimité. Cette entreprise de démolition et de démoralisation continue et protéiforme ne vise pas seulement à livrer la recherche et l’enseignement supérieur aux intérêts privés ; elle est le reflet d’une idéologie pour laquelle la liberté (notamment celle de penser) et la culture constituent une menace. S’attaquer aujourd’hui à l’institution qui porte le nom de Rui Barbosa (1849-1923), cheville ouvrière de l’abolition de l’esclavage au Brésil, juriste internationalement reconnu, orateur hors pair, est un symbole supplémentaire de la logique mise en oeuvre par un pouvoir obscurantiste et autoritaire.

L’Association pour la Recherche sur le Brésil en Europe manifeste sa solidarité aux collègues de la Fundação Casa de Rui Barbosa comme à l’ensemble des chercheurs, universitaires et étudiants qui, par leur travail, leur dévouement et leur engagement, continuent malgré tout de défendre une recherche et une université de qualité, libres de tout dogme idéologique, au service d’une société plus démocratique et plus juste. »

Nous partageons ce communiqué des étudiants de la FCRB, transformé en pétition.

 

Je continuerai régulièrement de donner des nouvelles du monde académique, du Brésil et d’ailleurs, des contraintes et des censures qui pèsent sur lui, considérant qu’il s’agit là d’un enjeu crucial non seulement pour les professionnels qui y travaillent ainsi que pour les étudiants, mais aussi pour la société tout entière.

LM

D’un colloque, l’autre (bis) : les droits culturels

Bonjour,

il est un peu difficile de se déplacer en ce moment mais j’espère que les choses s’amélioreront d’ici le 19 décembre prochain, première journée du colloque organisé par le Comité d’histoire du ministère de la Culture comme point d’orgue des célébrations du soixantième anniversaire de la création du ministère des Affaires culturelles par André Malraux.

Ce colloque, intitulé « Du partage des chefs-d’oeuvre à la garantie des droits culturels – ruptures et continuité dans la politique culturelle française » aura lieu les 19 et 20 décembre prochains à l’auditorium du Louvre. Votre serviteur y donnera la réplique le matin du 19 à son maître, l’illustre Pascal Ory, qu’on se le dise…

Voici la présentation du colloque par la présidente du Comité d’histoire, Maryvonne de Saint-Pulgent :

L’année 2019 qui s’achève a été l’occasion de célébrer le soixantième anniversaire de la création du « ministère des Affaires culturelles » con é par le général de Gaulle à son « ami génial », André Malraux. A n de clore cette célébration, l’actuel ministre de la Culture, Franck Riester, a chargé le Comité d’histoire d’organiser, avec le précieux concours du musée du Louvre, ce colloque à dimension tout à la fois rétrospective et prospective revisitant six décennies de politiques culturelles à travers le prisme des droits culturels.

Dans le discours inaugural qu’il prononça en 2009 à l’occasion du… cinquantième anniversaire de la création du ministère, Antoine Compagnon relevait déjà, à propos du mot culture, que « le sens anglais du mot s’est peu à peu imposé à nous, culture, venu de l’ethnologie et de la sociologie, pour désigner l’ensemble des valeurs symboliques qui dé nit un groupe humain », de sorte que « toutes les cultures ont une égale légitimité, une égale dignité, voire une égale valeur ». Depuis lors, notre pays a introduit dans sa législation, à trois reprises (2015, 2016 et 2019), la référence « aux droits culturels énoncés dans la Convention [UNESCO] du 20 octobre 2005 ».

Grâce à une approche transdisciplinaire incarnée par la trentaine d’intervenants qui ont bien voulu répondre positivement à notre sollicitation, ce colloque a pour ambitions :

– d’élucider cette notion de droits culturels et sa diffusion depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) ;

– de repérer les différentes traductions qu’elle a pu connaître, en termes d’action publique, au cours des six dernières décennies ;

– d’en approfondir la nature juridique ;
– d’analyser son impact sur les politiques culturelles ou les projets culturels ;

– d’interroger l’ampleur, voire la réalité, de l’éventuel « changement de paradigme » dont elle serait la source.

Et voici le programme complet :

Livret du participant_Colloque Du partage des chefs-d’oeuvres à la garantie des droits culturels_19 et 20 décembre 2019 (glissé(e)s) 1

L’annonce de ce colloque me rappelle les souvenirs plaisants d’un colloque auquel j’ai participé à Bucarest en octobre dernier sur les rapports entre intellectuels et médias aux XXe et XXIe siècles. Organisé conjointement par le CARISM de l’université de Paris 2 et l’université de Bucarest, ce colloque était le 25e colloque franco-roumain des sciences de l’information et de la communication ; un quart de siècle déjà pour cette réalisation exemplaire de la francophonie universitaire! Merci à Nicolas Pelissier, Rémy Rieffel et Camelia Cusnir (j’en oublie certainement) d’avoir oeuvré pour cette belle rencontre qui, je l’espère, donnera lieu à la publication d’actes.

La belle bibliothèque de la faculté de droit à Bucarest, qui vaut bien, par son décor, la Lavisse de la rue Richelieu!

LM

Un jeune adulte : le département de médiation culturelle a 25 ans!

Bonjour,

le département de médiation culturelle de l’université de la Sorbonne-Nouvelle / Paris 3 fête cette année son quart de siècle d’existence. Fondé en 1994 par Claude Aziza et Jacques Boissonnade, il a dû se faire une place parmi les formations en arts et médias de cette université née de la réforme Edgar Faure de 1968. Toisé de haut, au début, par les départements plus anciens et, disons-le, plus prestigieux – le Cinéma, le Théâtre, la Communication – il a conquis leur respect grâce au professionnalisme de ses directeurs successifs, de Claude Aziza à François Mairesse en passant par Bruno Péquignot. Pour avoir moi-même dirigé ce département ces quatre dernières années, je peux témoigner de l’engagement des collègues, personnels administratifs compris, au service des étudiants.

Créé sur le modèle de l’animation socio-culturelle, il proposa d’abord une licence de médiation culturelle puis un master, avec pour commencer deux filières (une filière pro et une filière recherche). Aujourd’hui, tout en continuant de proposer – cas unique en France – une formation en médiation culturelle dès la première année de licence, ce département ne propose pas moins de huit parcours différents en première et deuxième années de master, qui tous ont à la fois une dimension recherche et une dimension pro (ou, pour le dire autrement, une dimension théorique ou fondamentale et une dimension pratique ou appliquée).

Entretemps, nous avons dû changer l’intitulé du master, la médiation culturelle ayant disparu, pour des raisons qui m’échappent encore en partie, des nomenclatures ministérielles. Six de ces parcours sont donc rangés désormais sous l’appellation « Direction de projet ou d’établissement culturel » et deux sous celle d’ « Industries culturelles ». Mais les collègues ont décidé de maintenir le nom de « médiation culturelle » pour l’ensemble du département, ce que j’ai pleinement approuvé : ce syntagme a une histoire, faite de militantisme culturel et de volonté de démocratiser la culture, nous n’allions pas le jeter par dessus bord parce qu’un ministre de passage ou un chef de service ignorant en avaient décidé ainsi.

De cette histoire tumultueuse, de ce présent bouillonnant, et de l’avenir radieux, forcément radieux, de ces formations, il sera question samedi prochain, 16 novembre, à l’université de la Sorbonne-Nouvelle (site Censier) puisque le département y organise une célébration sous forme de trois tables rondes – dont l’une que j’animerai sur les formations de master. Voici le programme des réjouissances, vous êtes les bienvenus, l’entrée est libre dans la limite des places disponibles!

programme Et si on partageait la médiation culturelle

Au plaisir de vous y rencontrer.

LM

 

 

 

Appel à communication

Bonjour,

un jeune collègue me transmet cet intéressant appel à communication pour un prochain numéro de la revue Marges. Je le relaie ici, il s’inscrit dans la continuité du précédent post qui recensait un certain nombre de colloques et de journées d’étude touchant aux relations culturelles internationales et à la géopolitique des arts et des cultures.

Appel à communications pour le numéro 32 de la revue Marges
Circulation des idées dans les mondes de l’art

Les années 1960-1970 ont vu se multiplier les références théoriques en art, en lien avec d’importantes transformations sociales et institutionnelles : élévation du niveau de formation des artistes, apparition d’une critique d’art plus universitaire et théoricienne, émergence de la nouvelle figure du curateur comme concepteur d’expositions, politisation du champ artistique, etc. Si cette période très « théoriciste » semble s’être refermée, la place des idées dans l’art contemporain est pourtant loin d’avoir décru. Au contraire, les catalogues et les revues spécialisées, les déclarations d’intention des curateurs ou des artistes foisonnent de références à des intellectuels (Agamben, Butler, Deleuze, Foucault, Haraway, Latour, Rancière, etc.) et à des concepts en vogue – de l’anthropocène à l’object-oriented ontology, en passant par les propositions d’esthétiques accélérationniste, décoloniale ou post-internet, pour citer pêle-mêle quelques exemples récents. Réciproquement, philosophes, scientifiques et essayistes sont régulièrement invités à collaborer à des expositions, des formations, des « workshops », etc.
Le champ de l’art contemporain connaît donc une intense circulation d’idées, dont les provenances comme les finalités sont nombreuses et variées. Ce phénomène peut être regardé avec une certaine condescendance par les universitaires, du fait des confusions et des effets de mode qui tendent à accompagner l’introduction, parfois superficielle ou ostentatoire, de nouvelles idées dans le monde de l’art contemporain. Celles-ci méritent pourtant d’être prises au sérieux et examinées tant pour leur intérêt théorique que dans leurs usages pratiques. Quelles sont leurs origines et comment se diffusent-elles ? Quels rôles jouent-elles dans les activités, les représentations, les stratégies de légitimation des artistes, des professionnels et des institutions du monde de l’art ?
On peut distinguer deux niveaux où observer ces processus de transferts et d’appropriations d’idées dans l’art contemporain. Tout d’abord, entre le champ artistique et d’autres champs spécialisés, notamment scientifique et universitaire : si l’histoire et la philosophie de l’art exercent logiquement une attraction prédominante, d’autres pans de la philosophie, des sciences humaines et même les sciences formelles ou les sciences de la nature peuvent fournir concepts, « labels » et arguments aux acteurs du monde de l’art.
Ensuite, à l’intérieur même du champ artistique, entre ses différents pôles, qui introduisent, diffusent et discutent ces nouvelles idées. Les artistes, les critiques, les curateurs, les enseignants, échangent notions et références théoriques diverses, comme des instruments tout à la fois de travail (de la production d’oeuvres à la conception d’expositions) et de positionnement dans le champ (logiques de concurrence ou de connivence).
Il peut être intéressant d’examiner les circonstances précises dans lesquels ces échanges intellectuels se produisent ainsi que les agents et les institutions qui les favorisent, en particulier les figures d’intermédiaires qui tirent profit d’être positionnés entre plusieurs champs (entre l’université et le musée ou entre deux espaces nationaux). Identifier les acteurs et les modalités de ces circulations permet en retour d’analyser les stratégies auxquelles elles répondent et les bénéfices (notamment en termes de légitimation) qu’elles peuvent apporter à ceux qui en sont à l’origine.
Divers processus de traduction, de vulgarisation, d’adaptation affectent ces idées lorsqu’elles passent d’un monde social à un autre. C’est d’autant plus le cas dans un champ aussi transnational que celui de l’art contemporain, au sein duquel les idées parcourent, pour ainsi dire, de grandes distances. Il peut en résulter des décalages significatifs (linguistiques, culturels, temporels, etc.), sources d’invention ou de confusion. Ces remarques indiquent bien qu’il ne s’agit pas seulement de considérer les facteurs qui stimulent et facilitent ces circulations, mais aussi ceux qui les perturbent ou les freinent.
Ces questions permettent enfin d’engager une réflexion sur la place, à la fois marginale et hautement valorisée, qu’occupe le champ artistique dans l’économie générale du champ intellectuel. L’art contemporain apparaît en effet aujourd’hui comme un lieu propice à la construction de certaines carrières intellectuelles, selon d’autres modalités que celles du champ universitaire ou médiatique. Certaines notoriétés s’y affirment, certaines idées nouvelles y émergent, et peuvent être ensuite exportées vers d’autres champs. Les mondes de l’art sont-ils donc susceptibles, à partir de ces « braconnages » théoriques, de devenir à leur tour des foyers de production et de diffusion d’idées au-delà de leurs frontières ?

Axes :
– Interfaces entre art contemporain et monde scientifique / universitaire / intellectuel.
– Les pôles de circulation des idées à l’intérieur du champ artistique : acteurs et institutions.
– Les circulations d’idées entre disciplines artistiques (arts plastiques, littérature, cinéma, etc.)
– Autres provenances des idées en art : mondes politiques, médiatiques…
– Les transferts intellectuels entre différents espaces nationaux et les effets de traduction.
– L’appropriation des références théoriques : vulgarisation, reformulations, confusions…
– Freins et oppositions à la circulation des idées ; l’anti-intellectualisme en art.
– L’intérêt (professionnel, institutionnel, financier) d’une légitimité intellectuelle dans le champ de l’art contemporain ; le rôle des idées dans la promotion et l’auto-promotion des artistes.
– Réciproquement, l’intérêt des citations et des collaborations artistiques pour les intellectuels.
– Quand l’art contemporain produit et diffuse à son tour des idées vers d’autres champs.

Les propositions devront parvenir avant le 6 décembre 2019, sous la forme d’une problématique résumée (5000 signes maximum, espaces compris), adressée par courriel à Nicolas Heimendinger (nicolas.heimendinger [at] yahoo.fr).

Les textes sélectionnés (en double aveugle) feront l’objet d’une journée d’étude le samedi 22 février 2020 à l’Institut National d’Histoire de l’Art (Paris). Les communications ne devront pas excéder 30 minutes lors de la journée d’étude. Le texte des propositions retenues devra nous parvenir avant le 27 mars 2020 (30.000 à 40.000 signes, espaces et notes compris). Certaines de ces contributions seront retenues pour la publication du numéro 32 de Marges en février 2021.

La revue d’art contemporain Marges (Presses Universitaires de Vincennes) fait prioritairement appel aux chercheurs des disciplines suivantes : esthétique, arts plastiques, histoire de l’art, sociologie, études théâtrales ou cinématographiques, musicologie…

Sites web :
https://journals.openedition.org/marges/
https://www.puv-editions.fr/revues/marges-revue-d-art-contemporain-34-1.html

Je complèterai d’ici peu ce post en vous parlant d’une autre revue qui lancera elle aussi un appel à propositions pour son premier numéro, prévu l’an prochain. Affaire à suivre, donc…

LM

Colloques et séminaires à venir sur les relations culturelles internationales

Bonjour,

l’automne est, traditionnellement, la saison des colloques et plusieurs annonces me sont parvenues concernant des rencontres à venir dans le domaine des relations culturelles internationales mais aussi de la diversité culturelle dans l’espace français.

J’en donne ici une liste, qui pourra notamment servir aux étudiants du master Géopolitique de l’art et de la culture dans le cadre des enseignements sur la diffusion de la recherche.

Par ordre chronologique, je signale d’abord une séance du Forum des migrations à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine le 17 octobre prochain, de 14h à 17h à l’ENS, 45 rue d’Ulm, Paris 5e sur le thème : Les migrants et le droit.

Ce Forum public organisé par l’ENS et l’Institut Convergence Migrations École normale supérieure.

Ce même Institut d’histoire moderne et contemporaine de l’ENS organise des séances de séminaire sur les circulations artistiques et culturelles en/depuis/vers l’Asie dans le cadre du projet Artl@s dirigé par Béatrice Joyeux-Prunel. Les séances ont lieu de 10h à 12h à l’ENS, 45 rue d’Ulm, Paris 5e, salle de l’IHMC, escalier D, 3e étage.

Les prochaines séances sont les suivantes :

7 octobre : Pauline d’Abrigeon (EPHE) : « Au-delà des japonismes, s’intéresser à l’art au Japon et aux goûts des Japonais, 1873-1926 – Milieux, réseaux, oppositions, circulations »

21 octobre : Arthur Mitteau (Inalco / Centre Chine-Corée-Japon – CCJ, EHESS) : « Les artistes chinois d’outre-mer de la seconde moitié du XIXe siècle à nos jours : un exemple d’interaction culturelle avec l’art occidental »

18 novembre :Jérémie Molho (Marie Curie Fellow ; Asia Research Institute ; National University of Singapor ; Robert Schuman Centre for Advanced Studies ; European University Institute) : « Les circulations artistiques entre la France et la Chine aux xviie et xviiie siècles »

NB : l’accès en auditeur libre aux séminaires de l’IHMC est possible, dans la limite des places disponibles. Cependant, en raison du plan Vigipirate, les personnes qui ne disposent pas de cartes d’étudiant ou professionnelles de l’ENS ou de Paris 1 devront se présenter avec une pièce d’identité à l’entrée de l’établissement.

 

Autre séminaire dont le thème peut intéresser les étudiants de géopolitique de l’art et de la culture, celui sur la Chine contemporaine à la Fondation Maison des Sciences de l’homme. Ce séminaire s’inscrit dans le cadre du projet de recherche « Modernité, transition et  réforme en Chine », co-organisé par Lun Zhang avec le laboratoire Agora de l’Université de Cergy-Pontoise, qui s’articule autour d’une série de conférences et séminaires. Plusieurs chercheurs de renommée internationale, parmi les meilleurs chercheurs chinois,français ou internationaux, interviendront lors des différentes séances.

Le thème général de cette année est celui du système politique chinois.

Voici les dates des séances, qui auront lieu en salle A3-35 de la FMSH, 54 boulevard Raspail  à Paris (6e arrondissement) :

Mardi 8 octobre | 17h – 19h : Aurore Merle: « Le mouvement de la défense des droits civiques et la question de la modernisation de l’administration étatique — une analyse à travers le cas des actions des propriétaires en matière de la défense des droits à Pékin –

Mardi 22 octobre | 17h – 19h : Lun ZHANG : « La Chine et la politique : l’avatar du maoïsme et le néo-totalitarisme à l’époque numérique et de mondialisation »

Vendredi 22 novembre | 17h – 19h: Michel Bonnin :  « L’actualité du ‘totalitarisme‘ : le cas de la Chine – une analyse à partir de deux anciens articles. »

 

Un colloque sur le cinéma coréen se tiendra le 23 octobre à la Maison de la recherche de Paris III, 4 rue des Irlandais (Paris 5e), salle Athéna.

Voici l’argumentaire et le programme :

« Alors que Bong Joon-ho vient de remporter la Palme d’or du 72e Festival de Cannes, le cinéma coréen fête son centenaire, invitant à s’interroger sur son évolution historique. En effet, que reste-t-il comme patrimoine cinématographique dans ce pays scindé en deux depuis 1948 ? Si l’année France-Corée, en 2015, avait été l’occasion de mener des réflexions sur le cinéma coréen dans ses formes, ses représentations et sa diffusion – notamment à travers le colloque international « Regards croisés sur le cinéma coréen » –, son centenaire incite à se pencher sur son histoire et son actualité. Cette journée d’études cherche à son tour à explorer le cinéma sud-coréen contemporain en le mettant en regard avec sa propre histoire et celle de son pays. Cette indispensable introspection se double également ici d’une analyse réflexive du cinéma sud-coréen en dehors de ses frontières et des moyens par lesquels il atteint un public international. »

Programme :

9h30 Accueil

10h00 Ouverture de la journée d’études

10h15 Session 1 Naissance d’un art hybride

  • Du muet au parlant : les débuts du cinéma en Corée”, Kang Chang-Il (Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis)

Démonstration du spectacle-cinéma

11h30 Session 2 Formes et obsessions du cinéma coréen contemporain

  • “« Parasiter » le cinéma américain : comment le nouveau cinéma sud-coréen s’inspire-t-il d’Hollywood pour en proposer un contre-modèle esthétique et idéologique ?”, Romaric Berland (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)
  • “Images du sous-sol dans le cinéma de Bong Joon-ho”,Koo Moduk (INALCO)

14h00 Ecrire sur le cinéma coréen, retour sur Lee Chang-Dong chez Dis Voir

  • Présentation de l’Édition Dis Voir, Danièle Rivière (Éditrice, Dis Voir)
  • Présentation de l’ouvrage Lee Chang-Dong par Jean-Philippe Cazier (poète et co-auteur)

15h15 Session 3 Diffuser le cinéma en Corée et faire rayonner le cinéma coréen

  • La cinéphilie en Corée du Sud : depuis la naissance jusqu’à la floraison”, Hong Sora (EHESS)
  • “Politiques d’internationalisations du cinéma sud-coréen”,Frédéric Monvoisin (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)

16h30 Masterclass “Montrer le cinéma coréen à la Cinémathèque française” par Jean-François Rauger (Directeur de la programmation, Cinémathèque Française)

17h30 Conclusion

18h Pot

 

Le lendemain 24 octobre une séance du séminaire sur Arts, culture. Européanisation, internationalisation, mondialisation. Les organisateurs de ce séminaire proposent aux étudiant-e-s de master, doctorant-e-s et enseignante-s-chercheur/se/s, notamment de Paris-8, de Paris-3, de Paris-Ouest Nanterre ou d’autres universités et aux chercheurs des différents centres de recherche, un espace de présentation et de dialogue consacré à la sociologie de l’art et de l’action culturelle publique, généralement dans une optique européenne et internationale comparative. Deux autres séances sont également à signaler d’ici décembre :

Jeudi 24 octobre Présentation par les enseignants-chercheurs de l’IEE en Parcours Culture de leurs recherches respectives :

  • Gloria Guirao Soro (Doctorante en sociologie, Université Paris 8) : Migrations des professionnels espagnols de l’art contemporain au sein de l’Union Européenne. Partir pour réussir.
  • Océane Sailly(Doctorante en sociologie à l’Université Paris 3) :« La diplomatie culturelle française dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe ».

Jeudi 7 novembre :

  • Guillaume Fournier (Doctorant en sociologie, Université Paris 3) : La reconnaissance chez les plasticiens français: vers une formation plus élitiste dans les arts plastiques ?
  • Vital Shchutski (Doctorant en sociologie à l’université Paris-8) : « L’espace de l’art contemporain en Europe orientale ».

Jeudi 5 décembre :

  • Myrtille Picaud (Docteure en sociologie. Postdoctorante, Ecole urbaine de Sciences Po, Centre d’études européennes et de politique comparée, associée au Centre européen de sociologie et de science politique) : Travailler l’international. Le rôle des salles de musique et de leurs intermédiaires dans le positionnement des villes comme capitales culturelles.
  • Hervé Glevarec (Directeur de recherche Centre National de la Recherche Scientifique au sein de l’équipe Laboratoire Communication et Politique, IRISSO, Université Paris Dauphine) :La différenciation. Goûts, savoirs et expériences culturelles.

Ce séminaire organisé par Clara Lévy et Alain Quemin se déroule à l’Université Paris-8 Saint-Denis, métro Saint-Denis université, 2 rue de la Liberté à Saint-Denis, bâtiment A, Institut d’Etudes Européennes, le jeudi, en salle A 243, de 9h à 11h30.

(Comment accéder à l’Institut d’Études Européennes de l’Université Paris-8, juste en face de la (seule) sortie du métro Saint-Denis université (ligne 13), l’un des deux terminus Nord de la ligne :
Quand on entre dans le bâtiment de l’université Paris-8, il faut prendre à gauche : bâtiment A. On emprunte un escalator qui monte puis on poursuit tout droit en restant alors sur la droite et en ne prenant pas l’escalator qui descend (qui apparaît sur la gauche). Après les portes battantes, il faut tourner à droite et poursuivre tout droit, jusqu’à un genre de fontaine orientale sur la gauche. Prendre alors l’escalier sur la droite, monter d’un étage. Arrivé(e) à l’étage du dessus, l’entrée de l’IEE se trouve juste à droite de l’escalier. Il suffit de prendre le couloir, d’aller au fond et de tourner à gauche. La salle est sur la droite au fond de ce petit couloir.)

 

A signaler également le débat/conférence sur la question de l’appropriation culturelle dans l’art le 30 octobre prochain à 18h30 au Dock B 1, place de la Pointe à Pantin.

Voici le texte annonçant la manifestation :

« Le Karaïb Festival et le festival Villes des Musiques du Monde organisent un débat /conférence sur la question de l’appropriation culturelle dans l’art. « Peut-on faire ce qu’on veut de la culture des autres ? La question de l’appropriation culturelle »
Peut-on et doit-on mettre des limites au « grand mix » des cultures ? Que deviennent les identités dans un monde où les motifs océaniens se choisissent sur catalogue dans la salle d’attente d’un.e tatoueur.se, où des victimes de la mode arborent des symboles religieux sans en comprendre le sens ? Venu d’Amérique du nord, le concept d’ « appropriation culturelle » pose naturellement question à un festival tel que Villes des Musiques du Monde. A quel moment le goût de l’exotisme vire-t-il au racisme ? S’il y a appropriation, c’est qu’il y a propriété ; à qui appartiennent les formes culturelles ? Qui doit contrôler ces échanges ? Qui peut mesurer l’authenticité du geste d’un.e créateur.trice ?Cette manifestation réunira des artistes musiciens, des jeunes chercheurs en littérature caribéennes, ainsi que la rédactrice en chef du magazine Nothing But The Wax. Ce débat sera suivi d’un concert du groupe Dowdelin sur la Péniche Metaxu.avec
Anissá Bensalah, musicienne.
Chayet Chiénin, fondatrice et rédactrice en chef de Nothing But the Wax
Estelle Coppolani, doctorante en Littérature Générale et Comparée à l’Université Paris 7 – Diderot.
Sébastien Aimé Nyafouna, doctorant en littératures à la Sorbonne et professeur de lettres modernes en lycée.
Camel Zekri, un guitariste, compositeur et improvisateur
Modération : François Mauger, membre du Comité éditorial de Villes des Musiques du Monde. »

Le 5 novembre, l’Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) propose une nouvelle séance de ses conférences publiques sur l’Islam dans les mondialisations.

« Comment les sociétés des mondes musulmans ont-elles contribué à représenter le monde, à maîtriser les territoires, à diffuser des langues pour communiquer au plus large ? Comment penser les changements d’échelles, l’articulation des particularismes au monde global, l’adaptation du local à l’universel ? L’expérience de l’altérité pousse les personnes et les groupes à repenser en permanence une identité qui n’est pas figée et bouscule ainsi les structures socio-politiques et religieuses. Comment les sociétés répondent-elles à ces défis ? Le cycle de cette année entend soulever la question de l’islam dans les mondialisations à travers différents angles d’approche, de la circulation des savoirs et des idées à la représentation de l’autre, des enjeux financiers à la circulation de l’information, des réflexions théologiques aux idées révolutionnaires. »

5 novembre : « Représenter, maîtriser les territoires « , avec Éric Vallet (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) : « L’Islam a-t-il (ré)inventé la carte du monde ? »et Éloi Ficquet (EHESS, CéSor) : « ‘Écrire le pays’ : Les savoirs territoriaux éthiopiens dans la production cartographique européenne, du XVIIe au XIXe siècle »

Autre séance du même cycle le

17 décembre 2019 : « Parler et Écrire » avec Jocelyne Dakhlia (EHESS, CRH)  : « La langue franque méditerranéenne » et Emmanuel Szurek (EHESS, CETOBaC) : « Romanisation de l’alphabet et survie des caractères arabes dans la Turquie du XXe siècle »

Les conférences se déroulent à l’amphithéâtre F. Furet – EHESS, 105 Bd Raspail 75006 Paris (Paris, 6e arrondissement).

 

Autre séminaire que je voudrais signaler, celui sur les production et circulations des biens culturels, le cas des pays du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord.

Financé par le labex ICCA (Industries culturelles & création artistiques) en partenariat avec le CESSP (Centre européen de sociologie et de science politique) et le LABSIC ( laboratoire des sciences de l’information et de la communication), ce groupe de recherche dirigé par Dominique Marchetti (CESSP – CNRS) et Abdelfettah Benchenna (LABSIC – Université Paris 13) est articulé autour d’un séminaire annuel et de manifestations scientifiques régulières.

Les séances du séminaire ont lieu le jeudi entre 14h00 à 16h00 à la Maison des sciences de l’homme, Paris Nord (20 Avenue George Sand, 93210 Saint-Denis) située à la sortie du métro Front Populaire (ligne 12), salle 406.

Prochaines séances  :

Jeudi 14 novembre : Parisa Pajoohandeh, « Les trois pôles du cinéma iranien : les enjeux d’une triangulation tissée (1979-2013) (en visioconférence) »

Jeudi 12 décembre : Jade Montané :  « L’implantation de l’AFP au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : une longue histoire rythmée par des accords entre les grandes agences de presse, la décolonisation et les enjeux stratégiques de l’Etat français ».

 

Enfin, dernier séminaire de cette déjà longue liste, celui de l’INALCO sur les aires culturelles, entre histoire et épistémologie. Le séminaire s’intéresse à la notion d’aire culturelle dans la dynamique de sa construction en tant qu’objet d’étude. Seront abordés tout aussi bien ses fondements épistémologiques, que les aspects historiques et institutionnels qui sont ses vecteurs.

« En promouvant une perspective nourrie de réflexivité, seront abordées des questions majeures pour les enseignements et la recherche déployées au sein de l’INALCO. Parmi celles-ci on peut mentionner : les frontières entre les aires culturelles, les critères qui fondent le découpage d’une aire culturelle (langue, existence étatique, religion, « culture », etc.), l’histoire des pratiques lettrées, la circulation des savoirs, l’apport des archives institutionnelles. »

Prochaines séances :

Lundi 25 novembre, 14h00-16h00  : « Epistémologie des aires culturelles : Face aux disciplines » avec  Jean-François Huchet (INALCO) Les aires culturelles et l’économie.

Mercredi 11 décembre 14h00-17h00 : Les aires culturelles : Regards d’ailleurs » avec Joseph Ciaudo (Université de Cergy-Pontoise), « Les histoires de la civilisation (ou culture) chinoise : Remarques méthodologiques pour l’étude d’un genre historiographique transnational et Xin Xu (ANHIMA), » La Chine grecque : Manuels chinois d’histoire mondiale rédigés par les missionnaires protestants et leur réception confucéenne ».

 

Je signale pour terminer tout à fait ce post le colloque organisé par le Comité d’histoire du ministère de la Culture, dans le cadre des célébrations du 60e anniversaire de la création du ministère des Affaires culturelles, les 19 et 20 décembre prochains sur l’histoire et l’actualité de la question des droits culturels. J’aurai l’occasion de reparler de cet important colloque.

Bon dimanche,

LM

 

Actualités de la recherche en histoire culturelle

Bonjour,

ce nouveau post a pour but d’annoncer un certain nombre d’événements – sorties de livres, soutenances de thèses, colloques à venir – qui peuvent intéresser celles et ceux qui veulent se tenir au courant de l’actualité de la recherche en histoire culturelle.

Commençons par le plus urgent : vendredi prochain, à partir de 14h, aura lieu à la Maison de la recherche de l’université de la Sorbonne-Nouvelle / Paris 3 (rue des Irlandais, dans le 5e arrondissement de Paris) la soutenance de la thèse de Mélanie Toulhoat. Intitulée « Rire de la dictature, rire sous la dictature, l’humour graphique dans la presse indépendante : une arme de résistance sous le régime militaire brésilien (1964-1992) », elle a été dirigée par mon collègue Olivier Compagnon et présente un certain nombre de périodiques et de dessinateurs qui se sont… illustrés pendant les années noires du Brésil en combattant la censure et la violence du pouvoir.

Voici le résumé de cette thèse (fourni par l’autrice) :

« Cette thèse porte sur le rôle politique de diverses formes d’humour graphique – la charge, la caricature, la bande dessinée, la gravure et le détournement d’images photographiques – publiées dans la presse indépendante, sous le régime militaire brésilien instauré à la suite du coup d’État du 31 mars 1964. Il s’agit d’analyser les styles, les mécanismes et les pratiques contestataires spécifiques au dessin d’humour et à l’image satirique à partir de l’institutionnalisation du pouvoir autoritaire et jusqu’à la réinvention des moyens d’expression indépendants au début des années 1980. Dans un contexte de fermeture progressive du régime, de répression policière, de rétrécissement drastique du champ légal de l’action politique et de sévères limitations imposées à la liberté d’expression, l’humour graphique fut employé par les rédactions afin de contourner les diverses formes de censure et de lutter contre l’imaginaire autoritaire. La réinterprétation de certaines pratiques inscrites dans la tradition de l’humour visuel brésilien, construite à partir de l’essor de la presse imprimée au XIXe siècle, fut accompagnée d’innovations esthétiques, thématiques et militantes majeures dans un rapport mouvant à l’interdit, au toléré et à l’autorisé. Les périodiques, les dessinateurs et événements furent représentatifs d’importantes étapes dans l’élaboration des luttes symboliques et légales menées par les rédactions indépendantes. La diversité des sources iconographiques, manuscrites, imprimées et orales révèle l’important pouvoir de synthèse et le rôle fondamental de l’humour graphique dans la construction d’univers visuels thématiques caractéristiques des combats – et des divergences – des mouvements brésiliens de l’opposition démocratique. »

Je participerai au jury de soutenance qui promet d’être fort intéressant.

Autre soutenance à venir, celle d’Aleksandra Humo, sur la place du cinéma dans le softpower étatsunien aux XX-XXIe siècle, que j’ai dirigée ces dernières années. La soutenance aura lieu le samedi 5 octobre, cette fois encore à la Maison de la recherche (il se passe décidément des choses intéressantes dans ce bel endroit encore trop peu connu des étudiants de Paris 3), et toujours à partir de 14h.

Voici le résumé fourni par l’autrice :

« Avec la mondialisation, la culture devient l’un des facteurs les plus importants des relations internationales, notamment en influençant de plus en plus le domaine économique. Le concept de Soft Power voit le jour en 1990 de la pensée de Joseph Nye. Concept nouveau et révolutionnaire, qui touche à la culture, mais surtout au pouvoir de la pensée des peuples, individus et nations. Lorsqu’il est question de Soft Power, tout dépend de ce que vous pensez. Pourtant aujourd’hui le Soft Power est encore parfois mécompris. Joseph Nye en 1990 écrit sur la nature changeante du pouvoir américain et les raisons de la domination étasunienne dans le monde et sur les perspectives de maintien de cette domination qu’il attribue en grande partie à son Soft Power. Cependant, en 1990 Nye n’écrit pas sur le pouvoir de l’un des maillons les plus forts de la culture étasunienne dans le monde, le cinéma produit à Hollywood. Cette étude historique et philosophique porte essentiellement sur le rapprochement du « pouvoir doux » américain et du pouvoir du cinéma hollywoodien dans le contexte d’une ère de plus en plus immatérielle. »
Là encore, la soutenance promet d’être passionnante. Les soutenances de thèse sont publiques, qu’on se le dise!
Mes plus vifs encouragements vont à l’une et à l’autre des doctorantes à l’approche de ces moments si particuliers qu’est la soutenance de leur thèse. Après des années d’un travail parfois exaltant, souvent ingrat, voici que le produit de leur labeur est rendu public et évalué par une compagnie choisie, bienveillante mais exigeante, de « maîtres », groupés en rang d’oignons. Assez intimidant et le renfort des amis et de la famille ne rassure qu’à moitié… Mais c’est aussi un moment de convivialité et de sociabilité académiques, un rite initiatique par lequel la communauté, la profession, la corporation ou la tribu – choisissez le terme que vous préférez – accueille en son sein un nouveau membre. Généralement, on s’en souvient longtemps…

 

Allez, je passe à un deuxième sujet : les sorties de livres. On pourrait en citer beaucoup en cette rentrée qui n’est pas que romanesque, je me contenterai d’en mentionner deux, par pur copinage (mais l’amitié n’empêche pas la lucidité et ce sont deux ouvrages authentiquement remarquables!).

 

Le premier est le livre écrit par ma collègue Françoise Taliano-des-Garets sur l’histoire culturelle de la France contemporaine, chez Armand Colin. Ce n’est pas le premier livre sur le sujet mais c’est assurément l’un des meilleurs!

Autre sortie que j’ai plaisir à signaler : celle du numéro 7 de la revue HEY! qui est désormais en ligne à cette adresse  :

https://www.heyheyhey.fr/fr/magazine/hey-n7-season-2/

Et comme un bonheur vient parfois accompagné, HEY! annonce aussi la sortie prochaine du numéro 4 du Deluxe papier, mitonné par Anne et Zoé à partir des meilleurs morceaux de la revue en ligne. On va encore en prendre plein les mirettes!

Je termine ce post par une dernière annonce, celle du prochain congrès de l’Association pour le développement de l’histoire culturelle (ADHC) qui aura lieu au Centre Malher de l’université de Paris 1 le samedi 28 septembre.

En voici le programme :

Lieu Centre d’histoire sociale des mondes contemporains Université Paris1- Adresse : 9 rue Malher 75004 Paris

9 h : Accueil des participant-e-s

9 h 15 : Assemblée générale présidée par Pascal Ory – Rapport moral et financier

9 h 45 : Actualités de l’histoire culturelle

10 h 30 – 12 h Conférence d’ Emmanuel Fureix (PR Université Paris Est- Créteil) L’iconoclasme : une histoire politique du regard L’iconoclasme ne se réduit pas à une querelle religieuse des images. A partir de la Révolution française, il devient un mode de régulation de tous les signes visuels perçus comme intolérables ou blessants. Centrée sur le XIXe siècle mais en écho avec le présent, cette conférence propose une réflexion sur les interactions, en situation, entre des « regardeurs » et des signes conflictuels

12h-13h45 Déjeuner. S’inscrire svp auprès de evelyne.cohen@wanadoo.fr

14h-16h : Table ronde animée par Jean-Sébastien Noël (MCF Université de la Rochelle) avec Christophe Granger, Béatrice Joyeux-Prunel et François Robinet. Cette table-ronde entend opérer un pas de côté vis-à-vis des problématiques strictement scientifiques pour interroger les conditions institutionnelles, politiques et financières de la recherche en histoire culturelle, comme les évolutions récentes de la fonction d’enseignant-chercheur. Un certain nombre d’études ont d’ores et déjà cherché à analyser et à resituer dans son contexte la « crise de l’université française » (François Vatin, Antoine Vernet, 2009) à défaut de dénoncer une entreprise de « destruction » institutionnelle (Granger, 2015), conduisant à tourner le dos aux fondements d’une culture universitaire héritée des dernières décennies du XIXe siècle, voire des périodes antérieures, qu’il s’agit toutefois de ne pas essentialiser (Charle, 2012). Aussi s’agit-il de considérer, d’une part, les effets des mutations récentes de la profession d’enseignant-chercheur, considérant à la fois la pénurie des recrutements et le recours accru aux contrats précaires (« La CPU pour une approche proactive de l’autonomie », communiqué de la CPU, mai 2019), les évolutions substantielles des missions des enseignants-chercheurs en poste conduisant à un amenuisement du temps de recherche, le développement du financement par projets et l’accélération du rythme calendaire que cela implique. Ces évolutions des conditions pratiques de recherche relèvent à la fois de particularités nationales comme de logiques échappant au seuls cadres nationaux (préconisations de l’OCDE, politique communautaire). La place de la recherche récente en histoire culturelle dans les programmes du secondaire et au sein de la formation continue des enseignants constitue un second enjeu. Si la question d’histoire contemporaine au programme des concours de l’enseignement en 2018-2020 place l’historiographie récente au cœur de la formation des futurs enseignants, la place des savoirs disciplinaires et de l’épistémologie au sein des plans académiques de formation tend à décroître, voire à en occuper la portion congrue au bénéfice d’autres compétences. De plus, les réformes annoncées du CAPES laissent entrevoir une possible disparition des questions au concours au profit d’une formation scientifique fondée sur les programmes du collège et du lycée. Il s’agit ainsi de réfléchir aux enjeux d’une formation des enseignants aux territoires et aux problématiques de l’histoire culturelle, ainsi qu’à la place qu’elle occupe dans les nouveaux programmes du collège et du lycée.

  • CHARLE, Christophe, VERGER, Jacques, Histoire des universités. XIIe-XXIe siècles, Paris, PUF, 2012.
  • GRANGER, Christophe, La destruction de l’université française, Paris, La Fabrique éditions, 2015.
  • VATIN François, VERNET Antoine, « La crise de l’Université française : une perspective historique et socio-démographique », Revue du MAUSS, 2009/1 (n° 33), p. 47-68.

Décidément, ce mois de septembre est riche en nouveautés à se mettre sous les yeux et dans la tête, n’hésitez pas à m’en signaler d’autres que je relaierai à la prochaine occasion!

Bien à vous,

LM

Rentrée

Bonjour,

me voici de retour sur ce blog après un bon mois de vacances et à trois semaines de  la rentrée officielle à l’université. Un pied encore en vacances, l’autre déjà prêt à entamer une nouvelle année de travail!

J’espère que votre été fut bon (s’il ne l’a pas été jusque-là, il vous reste quelques semaines pour changer les choses), reposant mais aussi stimulant. J’ai une pensée particulière pour les thésard.e.s qui ont dû consacrer tout ou partie de leurs « vacances » à avancer leur dur labeur… Je parlerai dans un prochain post du travail de l’une d’elles, Aleksandra Humo, qui soutiendra en octobre sa thèse consacrée à la place du cinéma dans le softpower étatsunien.

L’une de mes destinations estivales a été l’Irlande, où ne je n’étais pas retourné depuis un quart de siècle (oui, j’atteins l’âge vénérable où je peux écrire ce genre de choses…). J’ai retrouvé avec émotion ces paysages de landes, de tourbières et de côtes rocheuses, l’ambiance chaleureuse des pubs et les ciels chargés de pluie… J’ai surtout découvert des coins où je n’étais pas allé dans ma folle jeunesse, en particulier l’Irlande du Nord. Il y a 25 ans, cette partie de l’île était encore en proie à des violences communautaires, bouclée par l’armée britannique et déconseillée aux touristes. En 2019, ma compagne et moi avons pu circuler tranquillement de part et d’autre d’une frontière invisible. Les accords de paix qui datent de 1998 ont apaisé les tensions et redonné l’espoir aux habitants de l’Ulster. Mais ceux-ci sont aujourd’hui inquiets, comme tous les Irlandais. La mésentente persistante entre les représentants des communautés catholique et protestante, qui empêche la formation d’un gouvernement régional depuis plusieurs mois, et surtout les conséquences d’une sortie sans accord du Royaume-Uni de l’Union européenne au 31 octobre, une perspective de plus en plus plausible depuis l’arrivée de Boris Johnson au pouvoir, assombrissent l’avenir. Si une frontière physique était rétablie entre les deux Irlande, il y a fort à parier que les violences recommenceraient.  Voilà (avec le regain du mouvement indépendantiste en Ecosse) un effet prévisible du Brexit dont BoJo et ses comparses se sont bien gardé de parler lors de leur campagne pour le « Leave »…

Nous avons parcouru les rues de Belfast et photographié quelques-unes des fresques qui ornent les « murs de la paix » (encore appelés « barrières d’interface ») érigés dans les années 1970. On en compte environ 80 en Ulster, dont la grande majorité se situent à Belfast. Hauts de plusieurs mètres, surmontés de fils barbelés, ils séparent les quartiers protestants des quartiers catholiques et ont occasionné des déplacements forcés de populations afin de constituer des quartiers homogènes sur le plan confessionnel. On pourrait croire que la paix étant revenue depuis plus de 20 ans, les habitants de Belfast souhaiteraient voir abattus ces murs qui les divisent. En réalité, les enquêtes d’opinion menées par les autorités locales ont montré que la plupart des habitants, quelle que soit leur confession (ou leur absence de confession, mais en Irlande du Nord, même les athées doivent se déclarer « protestants » ou « catholiques ») souhaitent leur maintien. Et pas seulement par attachement sentimental ou intérêt touristique : parce que ces murs les rassurent. La guerre civile peut être rallumée à tout moment par les extrémistes des deux bords et, dans ce cas, les murs reprendront leur fonction de protection. Nul doute alors que les groupes de touristes véhiculés par les fameux taxis noirs et guidés par d’anciens prisonniers politiques catho-républicains se feront plus rares dans les rues de Belfast…

(cartes tirées du blog de Bénédicte Tratjnek, Géographie de la ville en guerre : http://geographie-ville-en-guerre.blogspot.com/2008/10/gographie-politique-de-lirlande-du-nord.html. Voir aussi l’article d’Estelle Epinoux Les murs de la paix en Irlande du nord dans Guerres mondiales et conflits contemporains 2001/1 (n° 201), pages 23 à 33).

(Falls Road, au point de ralliement des guides touristiques, d’anciens prisonniers politiques, membres de l’IRA ou du Sinn Fein)

(cimetière catholique sur Falls Road)

(le grand mural pour Bobby Sand, de son vrai nom Robert Gerard Sands, militant de l’IRA et député irlandais à la Chambre des Communes britannique, mort en 1981 après une grève de la faim de 66 jours dans la prison de Maze).

(Deux fresques récentes, qui montrent que les murs de Belfast sont encore le support de la protestation politique aujourd’hui)

J’espère que les craintes des Irlandais et de tous ceux qui aiment la paix s’avèreront infondées. Le pire n’est jamais sûr, même s’il faut s’y préparer…

A bientôt,

LM

Un modèle d’exposition

Bonjour,

dernier post de l’année universitaire 2018/2019, avant les grands départs, des vacances longtemps attendues et la préparation d’une nouvelle rentrée. Je le consacrerai à une belle exposition qui vient de fermer ses portes au Musée d’Orsay : « le modèle noir, de Géricault à Matisse », centrée sur les représentations des Noirs dans l’art français, de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle.

(Denise Murell devant le tableau de Manet, Olympia, 1863)

Exposition exemplaire à plus d’un titre, « modèle d’exposition », elle rassemblait des pièces souvent remarquables, certaines exceptionnelles, qui permettaient de mettre en lumière ces protagonistes méconnus ou oubliés de l’histoire de l’art que furent ces hommes et ces femmes à la peau noire peints ou photographiés par les plus grands noms de l’art français, Théodore Géricault, Édouard Manet, Henri Matisse ou encore Nadar. C’est la première fois qu’un grand musée français montait une telle exposition, qui vient à son heure dans un pays qui s’interroge de plus en plus sur la place faite, dans les arts, les médias, la société dans son ensemble, aux minorités visibles – ou invisibles. Aux États-Unis, pour des raisons évidentes, cette réflexion a été plus précocement engagée et il n’est donc pas surprenant que le point de départ de cette exposition se situe outre-Atlantique, avec les travaux de Denise Murrell qui a interrogé l’identité et la place de la servante noire représentée par Édouard Manet dans son tableau Olympia réalisé en 1863. L’universitaire américaine s’est demandée pourquoi la plupart des commentaires, y compris ceux que suscita à l’époque cette oeuvre souvent jugée scandaleuse, s’étaient focalisés sur la figure de la courtisane blanche et avaient délaissé celle de la servante noire. Elle replaçait cette indifférence relative dans un contexte plus large, celui de l’invisibilisation des modèles féminins noirs, objet d’une première exposition à la Wallach Art Gallery de New York.

Par rapport à cette première étape new-yorkaise, l’exposition du Musée d’Orsay élargissait le propos à l’ensemble des modèles noirs, masculins comme féminins, sur une période allant de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle (là où l’exposition américaine démarrait avec Manet et allait jusqu’à nos jours), soit une plage de temps excédant celle couverte par les collections du musée qui dut recourir à de nombreux prêts par d’autres institutions françaises et étrangères. Mais surtout, on sortait du cadre strict des Black Studies à l’américaine pour un dialogue parfaitement maîtrisé entre histoire et histoire de l’art. Ce qu’eut en effet à la fois d’exemplaire et de rare cette exposition, à nos yeux d’historien, c’est le souci constant qu’elle montra de replacer les manifestations artistiques dans leur contexte historique et de considérer les oeuvres rassemblées non seulement selon leurs qualités proprement esthétiques mais aussi selon leur capacité à témoigner de l’époque qui les vit apparaître. Chacune de ces peintures, de ces sculptures, de ces photographies, chacun de ces dessins représentait à la fois un moment de l’histoire de l’art et un élément constitutif des sensibilités et mentalités de son époque. Il faut ici saluer le travail remarquable accompli par les quatre co-commissaires : Cécile Debray, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée de l’Orangerie, Stéphane Guégan, conseiller scientifique auprès de la présidente des musées d’Orsay et de l’Orangerie, Isolde Pludermacher, conservatrice en chef au musée d’Orsay et enfin Denise Murrell, à qui l’on doit l’exposition de New York, chercheuse à la Ford Foundation et Postdoctoral Research Scholar à la Wallach Art Gallery.

L’exposition suivait un fil chronologique, s’arrêtant sur quelques moments clefs particulièrement documentés : la Révolution française et les débuts du Premier Empire, de l’abolition de l’esclavage par la Convention à son rétablissement par Napoléon ; la seconde abolition, en 1848, qui précède de peu le grand élan colonisateur du second XIXe siècle ; la fascination des avant-gardes artistiques du début du XXe pour l’ « art nègre » ; l’émergence du mouvement de la « négritude » dans l’entre-deux-guerres. Une périodisation en émerge, que l’on pourrait résumer comme suit : de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XIXe siècle, d’une abolition à l’autre, le Noir est, pour l’essentiel, un objet – de discours, de représentations et de transaction. L’esclavage est aboli une première fois en 1794 sous la pression du soulèvement des esclaves de Saint-Domingue – le seul grand soulèvement d’esclaves de l’histoire qui ait réussi, Saint-Domingue devenu la République d’Haïti constituant dès lors un espoir pour tous les esclaves et une menace pour l’ordre esclavagiste qui continue de prévaloir dans les anciennes colonies américaines – mais pour peu de temps et ne le sera définitivement qu’en 1848. Le mouvement abolitionniste est une affaire de Blancs et cherche plus à adoucir qu’à supprimer totalement la domination exercée sur les Noirs. Le célèbre tableau de François-Auguste Biard, L’ Abolition de l’esclavage dans les colonies françaises le 27 avril 1848 qui date de 1849, montre bien la persistance d’une relation dissymétrique entre des Blancs qui octroient l’émancipation soi-disant par générosité philanthropique et des Noirs priés de leur en être éternellement reconnaissants. La présence du drapeau tricolore indique qu’émancipation ne signifie pas indépendance et que la République renaissante entend affirmer sa fraternelle autorité sur tous les peuples et territoires qui sont encore privés des lumières de la civilisation…

(François Auguste Biard, L’ Abolition de l’esclavage dans les colonies françaises le 27 avril 1848, 1849)

On bascule dès lors dans une deuxième époque, qui court du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe, pendant laquelle l’entreprise coloniale, poursuivie presque sans relâche par les différents régimes qui se succèdent en France, construit cette « plus grande France » dans laquelle les peuples de « couleur » sont invités, de gré ou de force, à s’inscrire. Certes, ces peuples sont « libres »… pour peu qu’ils reconnaissent l’autorité des administrateurs envoyés par la métropole. Coïncidant avec cette phase d’expansion coloniale, et la justifiant, une idéologie raciste se fait jour, alimentée par des pseudo-sciences en plein essor – la phrénologie, l’anthropologie physique – et des technologies nouvelles – la photographie anthropométrique -, versant « scientifique » d’un imaginaire populaire nourri par les vecteurs d’une première « culture de masse » qui diffusent les stéréotypes les plus dépréciatifs à l’égard des Noirs. Mais ceux-ci, déjà, ne sont plus uniquement les objets d’un discours ; à côté des artistes de scène qui peuvent encore être considérés comme les avatars du « singe savant », non loin des corps noirs que l’on exhibe dans les zoos humains rendus célèbres par l’historiographie récente, émerge un mouvement politique et intellectuel qui s’efforce de rendre aux populations noires – devenues plus nombreuses dans quelques quartiers de grandes métropoles françaises, Paris, Bordeaux, Marseille, surtout à partir de la Première Guerre mondiale – fierté et dignité, le fait nouveau étant que ce mouvement est désormais l’affaire des Noirs eux-mêmes. De W.E. Dubois à Aimé Césaire en passant par les intellectuels et artistes de la Harlem Renaissance, les Noirs deviennent enfin, ou plutôt redeviennent, les sujets de leur histoire.

La figure du modèle noir apparaît comme une sorte de révélateur de cette grande histoire tout ensemble politique, sociale, culturelle racontée par l’exposition. Au début de la période, ils sont le plus souvent anonymes ou ne sont connus que par un prénom voire un surnom, et c’est l’un des grands mérites des commissaires de l’exposition que d’avoir fait l’effort de chercher à retrouver l’identité d’individus tenus pour quantité négligeable par l’histoire de l’art traditionnelle. C’est ainsi qu’émerge de la nuit des archives la belle figure de « Joseph », Noir originaire de Saint-Domingue, arrivé en France au début de la Restauration et qui deviendra l’un des modèles les plus prisés des peintres français de la première moitié du XIXe siècle, posant notamment pour Géricault, Vernet ou Chassériau. C’est à Joseph que l’auteur du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle se référa pour définir le mot « modèle ». On pense également à « Madeleine », qui posa pour Marie-Guillemine Benoist peu avant 1800 : le tableau initialement intitulé Portrait d’une négresse a reçu un nouveau titre prenant en compte l’identité retrouvée du modèle : Portrait de Madeleine. À la fin de la période, Aïcha Goblet, Ady Fidelin, Carmen Lahens, muses et modèles de peintres français majeurs, sont des personnalités du tout-Paris, le summum étant atteint par Josephine Baker, la première star noire de la scène française et égérie des avant-gardes artistiques.

Deux tableaux nous semblent pouvoir résumer cette trajectoire : dans Olympia de Manet (1863), la servante noire apparaît comme le faire-valoir de la courtisane blanche au regard souverain ; dans l’admirable La Blanche et la Noire de Valloton (1913), qui est un hommage direct au tableau de Manet, le personnage noir est assis sur le bord du lit et regarde, impassible, une cigarette aux lèvres, le corps allongé, abandonné, de la femme blanche. La relation apparaît beaucoup plus égale voire inversée.

(La Blanche et la Noire, de Félix Valloton, 1913)

Bien d’autres thèmes étaient présents dans cette exposition, qui ne se bornait d’ailleurs pas aux arts visuels mais présentait aussi des oeuvres relevant du théâtre, de la littérature, de l’opéra, du music-hall, etc. et insistait sur les circulations au sein de cet espace géoculturel qu’on a appelé « l’Atlantique noir ». Ce compte-rendu n’en épuise évidemment pas la richesse et vise seulement à souligner l’importance majeure de cette exposition que l’on pourra retrouver bientôt – à partir de septembre et jusqu’en décembre 2019 -, sous une forme peut-être différente, au centre caribéen d’expressions et mémoire de la traite et de l’esclavage de Pointe-à-Pitre.

Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir visiter l’exposition parisienne ou qui ne pourront se rendre en Guadeloupe, il reste les catalogues, en divers formats, ainsi que les numéros des revues spécialisées, également bien faits, abondants en belles reproductions et textes intéressants. De quoi nourrir la réflexion sur des questions devenues centrales dans le débat public actuel.

Je vous souhaite un bel été et vous donne rendez-vous dans quelques semaines.

LM

Que reste-t-il du rêve européen?

Bonjour,

je me permets de vous remettre sous les yeux le (beau) programme de la journée d’étude organisée par l’ADHC vendredi prochain à la Maison Suger sur l’histoire du rêve européen. Entrée libre dans la limite des places disponibles!

Journée d’étude organisée par l’Association pour le développement de l’histoire culturelle :
Que reste-t-il du rêve européen?
Retour sur l’histoire d’une utopie contemporaine

Vendredi 17 mai 2019, Maison Suger, 16-18 rue Suger 75006 Paris
9h30-17h30

9h30 accueil

9h45 allocution de bienvenue par Evelyne Cohen, secrétaire générale de l’ADHC

10h Christophe Charle (univ. Paris 1 / IHMC) : Intellectuels et visions de l’Europe avant et après 1914 (de Charles Seignobos à Jules Romains)

10h30 Christine Manigand (univ. Paris 3 / ICEE) : Aristide Briand et les milieux européistes de l’entre-deux-guerres (texte lu par Evelyne Cohen)

11h Laurent Martin (univ. Paris 3 / ICEE) : Les intellectuels et l’Europe depuis 1945, entre pessimisme de la raison et optimisme de la volonté

11h30-12h15 discussion

12h30-14h pause déjeuner

14h reprise des travaux. Intervention de Pascal Ory, président de l’ADHC

14h15 Françoise Taliano-des-Garets (IEP Bordeaux / CHS) : La culture dans les capitales européennes : une utopie concrète

14h45 Anne-Marie Autissier (univ. Paris 8 / CRESPPA) : Ambitions et limites des réseaux culturels européens

15h15-15h45 discussion

15h45-16h pause

16h Didier Francfort (univ. de Lorraine / IHCE) : Les festivals musicaux en Europe

16h30 Jolanta Kurska (présidente de la Fondation Bronislaw Geremek) : L’Europe de Geremek est-elle encore possible ?

17h-17h30 discussion

17h30 fin des travaux