Archives pour la catégorie 2019/2020

Cours en ligne (1)

Bonjour,

voici une semaine que la France est entrée en confinement. Dans le supérieur comme dans le secondaire, les enseignants s’organisent tant bien que mal pour assurer la désormais fameuse « continuité pédagogique ».

De mon côté, j’ai commencé à enregistrer des cours que j’ai déposés sur l’environnement numérique de travail, accompagnés de présentations powerpoint et de divers documents. L’accès à cet ENT n’étant pas complètement assuré, je préfère doubler en postant sur ce blog ces éléments. Bien entendu, cela ne résout pas tout, en particulier pour ceux qui ne disposent pas chez eux d’une connexion internet de qualité. A ces étudiants aussi il faudra pouvoir offrir des solutions adaptées le moment venu et au cas par cas.

En attendant, voici quand même, pour celles et ceux qui pourront en prendre connaissance, un matériau qui devrait leur permettre de continuer à travailler malgré les conditions si particulières d’existence que nous connaissons depuis une semaine… et qui risquent de durer encore plusieurs semaines.

Je commence par deux premiers enregistrements correspondant à la fin de la séance 7 du cours sur les institutions et politiques culturelles en France ; le premier enregistrement porte sur les centres culturels de rencontre, le second sur les tiers lieux. Je poste également la présentation powerpoint de cette séance ainsi que des documents complémentaires.

J’espère pouvoir poster demain des enregistrements correspondant à l’autre cours, sur l’histoire culturelle de l’Occident contemporain.

Bonne écoute, bon travail, bon courage.

LM

E1 et E2 :

Autres documents :

article du Monde sur les tiers lieux (2018)

tiers lieux (ministère de la Culture 2019)

Présentation M4MA004 séance 7 (instit° culturelles)

Jacques Rigaud les centres culturels de rencontre (2004)

Printemps pourri

Bonsoir à tou.te.s,

j’espère que vous lisez ce billet confortablement installé.e dans un bon fauteuil, avec une tasse de thé fumante et, qui sait, un chat roulé en boule pas loin. Peut-être êtes-vous parti.e à la campagne, loin de Paris et des grandes villes, dans une maison secondaire ou familiale, quelque part en France. J’espère surtout que vous allez bien, vous et vos proches.

On a peine à s’en souvenir parce que cela paraît loin mais il y a quelques jours encore on préparait ses vacances de Pâques, on préparait ses cours, on préparait tout un tas de choses ; et/ou on défilait contre la réforme des retraites ou contre les projets du gouvernement pour l’enseignement et la recherche, ou contre, ou pour autre chose… Tous ces combats et ces projets ne deviennent pas dérisoires ou futiles parce ce que le virus a pourri notre printemps mais la rapidité et la brutalité des événements les mettent soudain à une distance considérable, comme s’ils appartenaient déjà à un lointain passé. En quelques jours, en quelques heures, notre réalité a basculé. Je ne sais pas si « nous sommes en guerre », comme vient de le dire et de le répéter le président de la République (les civils syriens qui continuent de subir les bombardements russes et turcs trouveraient certainement à y redire). Mais je sais que ce lundi ne ressemble à aucun autre que j’aie déjà connu.

Je fais partie des inconscients que le président a tancés ce soir dans son discours très « chef de guerre », de ces mauvais citoyens qui ont dîné au restaurant samedi soir, qui sont allés se promener dimanche.  A vrai dire, la mauvaise conscience qui devrait m’accabler ne m’effleure qu’à peine. Faut-il le rappeler à ceux qui aujourd’hui nous tirent les oreilles, aucune interdiction n’enjoignait de rester chez soi ce week-end. Juste de prendre des précautions, ce que bon nombre de ces mauvais citoyens ont fait. Après des jours de pluie – et pas seulement une pluie de mauvaises nouvelles – nous goûtions les premiers moments – et les derniers, mais nous ne le savions pas encore – de soulagement, les premiers rayons du soleil printanier. Maintenant que nous allons tous être confinés chez nous pendant les semaines qui viennent, ce bol d’air ressemble à la grande inspiration que prennent les apnéistes avant de descendre dans les profondeurs. Bien sûr, si cela a aggravé la situation, on ne peut que le regretter. Mais je pense très sincèrement que la décision de tout fermer était prise dès avant cette orgie de sociabilité. Les autorités savent que cette décision est nécessaire, au vu de ce qui s’est passé en Chine et en Italie. D’autres pays y viendront aussi, y viennent déjà. On se souviendra de ces derniers bons moments avant la plongée dans l’inconnu.

Sans doute, malgré toutes ces précautions et restrictions et celles, encore plus sévères, à venir, y aura-t-il beaucoup de morts. Le gouvernement ne peut pas le dire, sous peine d’aggraver des phénomènes de panique ou de dépression collectives. Mais si ce que les scientifiques, eux, disent et prédisent assez clairement (la moitié de la population infectée d’ici un mois ou deux), et même si la létalité de ce virus est relativement faible, ces morts se compteront peut-être par dizaines de milliers à l’échelle d’un pays comme la France. Ces chiffres font froid dans le dos, surtout qu’il ne s’agit pas que de chiffres mais de vie trop tôt interrompues, de familles en deuil. On ne peut cependant pas exclure que les mesures qui sont prises réduiront significativement les pertes humaines ; en Chine, nous serions entre 3000 et 4000 morts et l’épidémie semble déjà reculer. Espérons qu’il en sera de même en Europe.

En attendant le choc, ce qui disparaît déjà sous nos yeux, c’est, en partie, la qualité de ce qui fait la vie humaine. Les relations entre les gens. Chacun est sommé de rester chez soi, de limiter au maximum les contacts physiques et les déplacements. On ne se sert plus la main, on n’embrasse plus ses amis. On doit même se tenir à distance de ses parents, de ses proches les plus âgés, les plus fragiles, pour leur propre sécurité. C’est un crève-coeur. Plus de rassemblements, plus de fêtes. Restaurants et bars fermés, lieux de distraction et de culture fermés, écoles, crèches et universités fermées, parcs et jardins fermés à Paris. Je pense à tous ces comédiens, à tous ces artistes privés de public, à toutes ces oeuvres qui resteront lettre morte, au moins pour un temps. Je pense aussi à mes étudiants qui avaient trouvé un stage dans une structure culturelle, ou qui s’apprêtaient à partir en mobilité à l’étranger et qui vont devoir renoncer à leurs projets. Oui, le printemps 2020 s’annonce vraiment pourri.

Mais se lamenter n’y changera rien – ou alors pour le pire. Même si c’est plus facile à écrire qu’à faire, essayons de tirer le meilleur parti de la situation. Téléphonons-nous plus souvent. Prenons des nouvelles les uns des autres. Profitons de ce temps soudain libéré – du moins pour ceux d’entre nous qui le peuvent – pour lire, écrire, écouter de la musique, classer tous ces papiers qui s’entassent sur nos étagères, regarder la série qu’on se promettait de voir pendant les vacances, jouer aux jeux vidéo en solitaire ou en ligne, retrouver le plaisir de jouer avec ses enfants (même si j’ai conscience que la vie de famille dans de petits logements n’est pas toujours réjouissante…). Les plus bricoleurs bricoleront, les cuisiniers cuisineront, les amants s’aimeront… du moins s’ils vivent sous le même toit! Pour les autres, les lettres – électroniques, car la poste rechigne à prendre en charge lettres et paquets – restent possibles.

Je termine sur une note humoristique. Un journal occitan rappelait qu’en 2017, dans Astérix et la Transitalique, le héros gaulois affrontait déjà un certain Coronavirus. Et, bien sûr, c’est le Gaulois qui a fini par l’emporter, par Toutatis!

Qu’il en soit ainsi. Prenez soin de vous et des vôtres.

LM

 

 

Pour le Magazine littéraire

Après avoir acquis Le Magazine littéraire il y a quelque cinq années, Claude Perdriel souhaite désormais s’en séparer et projette de le céder à Jean-Jacques Augier et à Stéphane Chabenat, propriétaires de Lire.

Ce 19 février, ceux-ci sont venus présenter leur projet de reprise au CSE dont dépend le journal puis ont rencontré la rédaction du Magazine. Ils ont alors exposé qu’ils souhaitaient fusionner les deux « marques », sous la forme d’un seul mensuel publié sous le titre Lire/Le Magazine littéraire, à raison de dix numéros par an. Dans le même temps, cette nouvelle entité éditerait une dizaine de hors-séries par an, sous les labels associés ou dissociés, au coup par coup, de Lire et du Magazine littéraire, selon leur registre et leur objet. Jean-Jacques Augier et Stéphane Chabenat assurent qu’ils reprendront l’équipe du Magazine telle quelle – journalistes « permanents » et pigistes salariés.

Ces perspectives peuvent au minimum laisser dubitatif. Du point de vue de l’équipe, les expériences passées de Jean-Jacques Augier dans la presse (notamment au magazine Têtu, qui a connu beaucoup de licenciements, puis une liquidation) et la gestion actuelle de Lire (dont la rédaction se réduit à trois journalistes, dont un seul en CDI) ne sont pas propres à inspirer confiance.

Au-delà du destin de l’actuelle rédaction, c’est l’existence même du titre qui, entré dans sa cinquante-quatrième année, est menacée, puisqu’il serait appelé à se dissoudre dans une entité fourre-tout. Certes, ce nouveau journal serait en position dominante, mais la presse ne repose pas sur le principe de simples vases communicants. Ce genre d’opération, plutôt que d’additionner les lectorats de Lire et du Magazine littéraire, peut aussi tout bonnement les perdre tous les deux, d’autant que les registres, notamment critiques, des deux titres sont fort différents. Les rares précédents de fusions de titres ont par ailleurs été des échecs cuisants (cf., dans la presse cinéma, l’éphémère Studio-CinéLive).

Ce serait aussi laisser filer, sans réelle garantie, tout un pan de la littérature et des sciences humaines en France, tant les archives du Magazine constituent un patrimoine incomparable, auquel ont contribué tous les monstres sacrés de l’écriture et de l’édition, ainsi que les meilleurs spécialistes et connaisseurs. Ce serait également, enfin, un coup de plus porté à la diversité de la presse française, dès lors qu’on passe de deux journaux à un seul, sous prétexte de simplification et de position dominante.

Cette cession pourrait s’effectuer dans les trois mois. Une Société des journalistes du Magazine littéraire s’est constituée, afin notamment de proposer, d’encourager ou de catalyser des projets alternatifs, que ce soit sur le plan de la formule rédactionnelle, du modèle économique et des investisseurs.

Écrivains, universitaires, journalistes, professionnels du livre… Nous encourageons et appelons Claude Perdriel à écouter la rédaction du Magazine littéraire et à étudier d’autres projets de reprise du titre. Nous ne pouvons croire que le cofondateur du Nouvel Observateur, acteur central de la presse française depuis tant d’années, engagé dans de multiples aventures éditoriales, ne se résolve à aujourd’hui laisser disparaître, par la force des choses, un titre aussi ancien, précieux et emblématique que Le Magazine littéraire.

Si vous pensez vous aussi que ce projet est funeste, signez à votre tour la pétition sur le site change.org :

LM

Passé et avenir de l’Université publique

Bonjour,

mardi prochain, 10 mars, dans le cadre de la  Semaine des Arts et Médias de l’université de Paris 3 est organisée une table ronde sur l’histoire et la mémoire de l’université. En voici le programme :

Table ronde Collecter et faire vivre la mémoire d’une université

Mardi 10 mars de 15h00 à 17h00 en salle D03 (Campus Censier)

À l’aube du déménagement de la Sorbonne Nouvelle sur un nouveau site, le campus Nation, cette table ronde, organisée dans le cadre de la Semaine des Arts & Médias (9-13 mars 2020) de la Sorbonne Nouvelle, souhaite engager une réflexion participative et commune sur les modalités de collecte et d’écriture de l’histoire et de la mémoire de la Sorbonne Nouvelle, notamment sur son site de Censier. Quelles archives récolter, quels témoignages recueillir, comment documenter les mémoires de son personnel, de ses étudiant.e.s, passé.e.s et présent.e.s, des acteurs de son territoire dans leur diversité ? A quelles fins et pour quels usages ? Autour de cette table seront réunies des personnalités ayant travaillé à la mémoire d’universités issues  comme la nôtre de la recomposition du paysage universitaire en 1968 (Paris 8 Vincennes, Paris Nanterre) et des professionnel.le.s de l’archive (INA, universités) qui ont accepté de venir témoigner de leur expérience pour nous aider à élaborer la nôtre.

La table ronde débutera par la projection d’archives audiovisuelles de l’université Sorbonne Nouvelle à Censier au fil de l’histoire, grâce à l’aimable autorisation de l’INA.

INTERVENANT.E.S

Anne Bourquard, Archiviste, déléguée à la protection des données personnelles, université Sorbonne Nouvelle

Ghislaine Glasson Deschaumes, Chef de Projet, Labex Les Passés dans le présent, université Paris Nanterre

Catherine Gonnard, Chargée de mission en documentation, INA

Emilie Née, MCF en sciences du langage, Université Paris Est Créteil

Frédérique  Sitri, MCF HDR en Sciences du langage,  co-responsable du parcours Ecrifore du master FLDL (Fonctionnements linguistiques et dysfonctionnements langagiers), université Paris Nanterre

Charles Soulié, MCF en sociologie, université Paris 8

Valérie Spaëth, Professeure au département DFLE, directrice du laboratoire DILTEC EA 2288, université Sorbonne Nouvelle

ANIMATION

Laurent Martin, professeur d’histoire, médiation culturelle, université Sorbonne Nouvelle

Catherine Treilhou-Balaudé, vice-présidente culture et communication, professeure d’histoire et esthétique du théâtre, université Sorbonne Nouvelle

J’ajoute aussi le programme complet de la Semaine des Arts et Médias, organisée comme chaque année par l’UFR des Arts et Médias de la Sorbonne-Nouvelle et qui est placée cette année sous le parrainage de Michèle Cotta.

Vous pouvez retrouver ce programme à cette adresse :

http://www.univ-paris3.fr/du-9-au-13-mars-2020-la-semaine-des-arts-et-des-medias-619736.kjsp

Et ici :

programmesam5-v8web programmesam5-overview-web

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Cette réflexion sur le passé de l’université, son histoire et sa mémoire, trouve un écho particulier en cette heure où l’inquiétude quant à son avenir grandit parmi les personnels et les étudiants de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Même si aucun projet de loi n’a été à ce jour proposé par le gouvernement, les différents rapports qui ont été produits par des personnes proches des cercles du pouvoir – pour la plupart sans expérience actuelle de ce qu’est l’ESR – et qui préparent les futures annonces officielles font, comme l’écrivent les chercheurs du collectif « Sauvons l’Université », « froid dans le dos »!

(voir l’analyse du collectif à cette adresse :

http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8594

On peut consulter aussi le blog Université Ouverte :

Accueil – Facs et Labos en Lutte

Ou encore le blog Academia (non, rien à voir avec la boîte de soutien scolaire!) sur le site Hypothèses.org

Pour sa part, le département de Médiation culturelle de l’université de Paris 3 a proposé à vote la motion suivante, à laquelle je souscris pleinement :

« À l’issue d’une première réunion organisée par la direction du Département de Médiation culturelle de l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 à l’intention des enseignant-e-s et
enseignant-e-s-chercheur-e-s du Département, le lundi 2 mars 2020, à 10h30, au Centre universitaire Censier, les personnes présentes soumettent à l’avis de l’ensemble des personnes
engagées dans la vie du Département, enseignant-e-s et enseignant-e-s-chercheur-e-s, personnels administratifs et étudiant-e-s la motion suivante.
En fonction de l’avis recueilli par vote électronique jusqu’au 4 mars à minuit auprès de l’ensemble de ces personnes, la motion pourra être proposée en tant que position officielle du Département de Médiation culturelle.
MOTION :
Le Département de Médiation culturelle de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 engage une réflexion sur le projet de la loi dite LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche) et déclare son opposition à ce projet de loi. Il rejette les options affichées par les textes qui préfigurent le projet de loi : pouvoir renforcé de la Présidence des universités, qui deviendrait décisionnaire pour les carrières des personnels ; mise sous tutelle politique des orientations et activités de la recherche ; concentration des moyens sur des universités censées
mener une recherche intensive. Il dénonce la place insuffisante et problématique que l’application d’une telle loi laisserait aux sciences humaines et sociales (SHS), reléguées au
rôle superficiel de remédiation des problèmes de société. Il s’inquiète de la tendance que manifestent ces textes à une instrumentalisation de la recherche par la généralisation des
appels à projets. Il souligne que la précarité déjà présente des enseignant-e-s de l’université, chercheur-e-s et enseignant-e-s-chercheur-e-s serait encore aggravée par la multiplication des
contrats courts et des CDI de projet qui seraient favorisés par cette loi, en convergence avec la précarité des personnels administratifs et des étudiant-e-s. Il s’oppose à la remise en cause par
la loi de l’accès à la titularisation pour les personnels enseignants, enseignants-chercheurs et administratifs.
En conséquence de cette opposition, le Département de Médiation culturelle se mobilise par la poursuite de réunions de réflexion. Il propose à ses enseignant-e-s de débattre de ces différents points au sein de leurs cours et envisage diverses modalités de l’action, dont
l’appel à une Assemblée Générale du Département pour les enseignant-e-s et enseignant-e-s- chercheur-e-s, les personnels administratifs et les étudiant-e-s. »

Vous pouvez voter pour (ou contre!) cette motion jusqu’à ce soir minuit à cette adresse :

http://enquetes.univ-paris3.fr/index.php/781181?lang=fr

Cette assemblée générale a eu lieu ce matin et s’est notamment prononcée à l’unanimité contre les orientations de la LPPR telles que nous les connaissons actuellement.

Reste à déterminer quelles seront les modalités d’action dans les jours et semaines à venir.

Une journée « fac morte » est organisée demain dans toute la France. Le 5 mars, l’université et la recherche s’arrêtent. Et leurs personnels sont invités à descendre dans la rue pour manifester leur inquiétude et faire entendre leurs revendications. Je participerai à cette manifestation et j’espère que nous serons nombreux dans la rue, étudiants, enseignants, personnel administratif, et tous ceux qui voudront se joindre à nous pour défendre l’Université publique, un enseignement et une recherche de qualité.

Du succès de cette manifestation dépendra en partie la suite des opérations. Si la mobilisation est massive, une dynamique se créera qui pourra peut-être nous permettre de contrer ou de limiter les effets des projets gouvernementaux. Faut-il dès à présent appeler à une grève reconductible, à la rétention des notes et des diplômes, voire au blocage des établissements? Pour ma part, je m’y refuse, considérant que ma responsabilité en tant qu’enseignant chercheur est de rendre le meilleur service possible à mes étudiants, quelles que soient par ailleurs les difficultés croissantes à le faire. Mais on ne peut rien exclure à ce stade, pas même un sursaut de lucidité du gouvernement.

LM

Addendum :

Résultat de la consultation sur la motion proposée par le département de médiation culturelle (reçu ce matin, 5 mars)

Quelle est votre position par rapport à cette motion ?
Pour 206 88,03%
Contre 20 8,55%
Ne se prononce pas 8 3,42%
Total 234
Heureux de voir que les collègues et étudiants qui se sont exprimés ont, dans leur écrasante majorité, approuvé la motion élaborée en début de semaine. J’espère que je les retrouverai dans la rue cet après-midi malgré le climat maussade!
Une photo de la manif : il y avait de la bonne humeur dans la rue et de la beauté dans le ciel!

 

De l’importance du collectif dans la recherche en histoire et SHS

Bonjour,

j’ai eu le plaisir ces derniers jours de recevoir coup sur coup deux livres à la direction desquels j’ai eu l’honneur de contribuer dans un passé récent.

Le premier reçu est la traduction en anglais de l’anthologie des textes de l’Association pour le développement de l’histoire culturelle, qui vient de paraître chez l’éditeur Routledge. Le volume français était paru en 2011 aux éditions de l’ENSSIB sous le titre Dix ans d’histoire culturelle ; le voici donc dans une version augmentée de quelques textes sous un nouveau titre : Cultural History in France. Local Debates, Global Perspectives. C’est une chance pour nos amis anglophones où qu’ils se trouvent dans le monde de prendre connaissance de la façon dont les historiens français (mais pas que, puisque les auteurs rassemblés dans cet ouvrage ne sont pas tous historiens et pas tous français) qui s’intéressent à la culture travaillent, leurs objets, leurs méthodes, leurs débats, aussi. Le nouveau livre reprend la structure de l’ancien, présentant d’abord les rapports de l’histoire culturelle avec d’autres disciplines et spécialités proches (Définitions et frontières), puis certains des thèmes et domaines particulièrement centraux pour cette spécialité (Objets),  les questions de mémoire (Mémoire et histoire), les questions des espaces, des échelles et des circulations (Perspectives et Transferts). A l’heure où la science française est sommée de parler anglais… ou d’être ignorée en dehors de l’hexagone, la traduction est le moyen le plus sûr de pouvoir la faire circuler à l’extérieur de nos frontières en minimisant la déperdition de qualité. Un moyen plus sûr, en tout cas, que l’obligation où se trouvent souvent placés les chercheurs français d’écrire ou de parler eux-mêmes dans un mauvais anglais pour se faire comprendre de la communauté scientifique internationale…

Autre livre collectif, les Mélanges qui ont été rassemblés en l’honneur du professeur Jean-François Sirinelli. Sous le titre Générations du XXe siècle. La France et les Français au miroir du monde, cet ouvrage vient d’être publié aux éditions du CNRS. On trouvera dans cet épais volume (pas du tout indigeste!) vingt-six contributions offertes par d’anciens étudiants ou des collègues à celui qu’ils appellent « Jean-François » ou « Monsieur Sirinelli » mais toujours avec admiration et affection. Jean-François Sirinelli, parti à la retraite voici déjà presque trois ans mais toujours très actif sur le front de la recherche, méritait bien cet hommage, lui qui s’est montré si généreux de son temps, de ses conseils, de son soutien à plusieurs générations de chercheurs et d’enseignants. Mais ce livre est davantage qu’un rassemblement de textes de circonstances, fussent-ils inspirés par la reconnaissance pour l’aide prodiguée. Il s’agit d’un véritable livre ordonné autour de quelques thématiques qui reflètent le travail de Jean-François Sirinelli et, au-delà, une certaine conception, là encore, française de l’histoire culturelle (et politique). « Méthodes et terrains », « Histoire politique et culturelle », « Des relations internationales à l’histoire culturelle des relations internationales » : telles sont les grandes thématiques entre lesquelles se répartissent les différents articles. Nous aurons le plaisir de remettre l’ouvrage à l’honoré lors d’une petite cérémonie à Sciences Po, le jeudi 5 mars.

J’ai dirigé ce livre avec mes amis et collègues Sabine Jansen et François Chaubet ; et l’anthologie de l’ADHC avec mes amis et collègues Evelyne Cohen, Anaïs Fléchet, Pascale Goetschel et Pascal Ory – auquel j’avais déjà, en 2017, offert des Mélanges sous le titre Histoires d’O (éditions de la Sorbonne), avec la complicité de mes amis et collègues Christophe Gauthier, Julie Verlaine et Dimitri Vezyroglou. Pour réaliser ces ouvrages, nul besoin n’a été de déposer un dossier auprès de l’ANR ou d’autres instances de la recherche ; nous avons trouvé des financements mais surtout nous avons trouvé du temps, nous avons bâti un collectif sur l’amitié et la passion qui nous anime pour l’histoire culturelle et pour ceux qui nous ont formés à elle. A l’heure où il n’est bruit que d’évaluation, de compétition et d’excellence, alors que certains voudraient nous imposer leur vision « darwinienne » d’une recherche conçue comme la guerre de tous contre tous, nous avons démontré tranquillement et joyeusement que l’on pouvait réaliser de grandes choses avec peu de moyens, dans un esprit de coopération, d’entraide, de dévouement.

J’aimerais croire que cette autre logique finira par l’emporter mais…

LM

Une photo de la soirée en l’honneur de Jean-François Sirinelli. De gauche à droite, François Chaubet, Sabine Jansen, moi-même et Jean-François Sirinelli.

Libertés académiques (suite)

Bonjour,

aujourd’hui est organisé sur le parvis du Trocadéro un rassemblement de soutien aux deux chercheurs français actuellement retenus en Iran. Les deux chercheurs sont depuis 250 jours prisonniers en Iran des Gardiens de la Révolution, Fariba Adelkhah menant une grève de la faim depuis le 24 décembre.

Je n’ai reçu l’information qu’hier, j’espère qu’elle sera encore utile à ceux qui veulent y participer.

Liberté pour Fariba Adelkhah et Roland Marchal !

Rassemblement silencieux sur le Parvis des droits de l’Homme

Esplanade du Trocadéro

Mardi 11 février, de 12h30 à 13h30

 

Communiqué du Comité de soutien à Fariba Adelkhah et Roland Marchal, prisonniers scientifiques en Iran

Fariba Adelkhah et Roland Marchal, tous deux chercheurs au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po et du CNRS, sont prisonniers scientifiques en Iran depuis le 5 juin 2019. Comme une quinzaine d’autres universitaires étrangers, ils sont sous le coup de chefs d’accusations politiques – atteintes à la sûreté de l’Etat, propagande contre le régime, espionnage – qui ne trompent personne, et pas même la justice iranienne puisqu’un tribunal a demandé la libération sous caution de Fariba Adelkhah et de Roland Marchal, en décembre, et qu’un autre tribunal a levé l’accusation d’espionnage à l’encontre de Fariba Adelkhah, en janvier. Mais les Gardiens de la Révolution, qui sont les auteurs de ces arrestations arbitraires, ont toujours le dernier mot tant sur le fond que sur les modalités de la détention, dont les conditions sont très dures. Fariba Adelkhah, croyons-nous savoir, parle à ce propos d’un pouvoir qui ne dit pas son nom et que nul n’ose nommer, d’un « pouvoir à l’envers ».

Partie prenante des institutions collégiales de décision – le Conseil de discernement de la raison d’Etat, le Haut Conseil de sécurité nationale – ce « pouvoir à l’envers » ne dépend constitutionnellement que du Guide de la Révolution. C’est donc à celui-ci que nous nous adresserons solennellement, ce mardi 11 février, date de la commémoration de la révolution de 1979, à l’occasion d’un rassemblement, pour lui demander la libération inconditionnelle et immédiate de Fariba Adelkhah et Roland Marchal dont le seul tort est d’exercer leur métier en toute intégrité, en toute indépendance.

De sa prison Fariba Adelkhah a lancé un appel aux autorités iraniennes et, par delà, moyen-orientales : « Sauvez les chercheurs, sauvez la recherche pour sauver l’histoire ! ». Ce message s’adresse à chacun(e) de nous, dans le monde entier.

Pour porter cette demande, nous vous invitons à venir nombreux sur le parvis des droits de l’Homme, au Trocadéro, à Paris, mardi 11 février, de 12h30 à 13h30, et à rejoindre le rassemblement silencieux organisé par le Fonds d’analyse des sociétés politiques et le Comité de soutien à Fariba Adelkhah et Roland Marchal.

L’artiste sénégalais Alioune Diagne dansera pour eux sur le parvis.

Contact : F&R Support Committee fariba.roland@gmail.com

Rejoindre le comité de soutien à Fariba Adelkhah et à Roland Marchal

Bonne journée,

LM

Meilleurs voeux 2020! Pour la défense des libertés académiques

Bonjour à toutes et à tous,

je vous adresse mes meilleurs voeux pour une belle et heureuse année 2020. Qu’elle soit propice à vos projets, douce à notre planète et plus sereine pour notre pays!

J’ai choisi cette année de reprendre, en guise de visuel, la carte de voeux de mon université (ici la version animée : https://www.youtube.com/watch?v=8N1trsXeEJo), la Sorbonne-Nouvelle, pour deux raisons.

D’abord, parce que 2020 sera l’année d’un grand changement pour cette institution, qui s’installera dans ses nouveaux locaux, près de Nation, à la rentrée prochaine. Les bâtiments sont en voie d’achèvement, ils sont beaux, j’espère surtout – nous espérons tous – qu’ils seront fonctionnels. Aux dernières nouvelles, les inquiétudes que nous avons de longue date concernant une possible diminution du nombre de salles de cours disponibles par rapport à ce dont nous disposons sur le site Censier (alors que ce nombre est déjà insuffisant et occasionne à chaque rentrée des maux de tête aux personnes chargées de répartir les cours dans les salles) seraient en partie infondées. Des simulations feraient apparaître un taux de correspondance entre l’existant et ce vers quoi nous allons de 95%. Si c’est effectivement le cas, tant mieux! Mais on ne m’enlèvera pas de l’idée que ce déménagement aurait dû être l’occasion de retrouver un peu plus d’aise dans l’occupation des locaux, au lieu que nous allons, au mieux, retrouver les difficultés que nous connaissons depuis tant d’années – et, au pire, les trouver aggravées. Ces nouveaux locaux auraient pu, auraient dû être le moyen de bâtir une université du XXIe siècle, ouverte sur la cité, non réservée à une mono-activité de cours et de délivrance de diplômes, accueillante pour des publics non étudiants ou pour des activités culturelles, artistiques variées… Mais je suppose que c’était trop espérer d’une tutelle attentive au moindre sou dépensé et qui nous fait déjà la « faveur » de nous laisser occuper de précieux mètres carrés intra-muros…

L’autre raison pour laquelle j’ai choisi le logo de l’université est que je souhaite parler dans ce billet des libertés académiques, lesquelles sont en danger dans ce pays comme en bien d’autres.

J’évoquerai d’abord le projet de loi de programmation pour la recherche.

Le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche
(LPPR), en cours d’élaboration, devrait être rendu public à la
mi-février, pour une adoption avant l’été, possiblement par cavaliers
législatifs. Les rapports préliminaires [1] et les prises de position
[2] publiques confirment qu’il s’agira d’une loi qualifiée par le
président du CNRS d’« inégalitaire » et de « darwinienne », mettant en œuvre une dérégulation des statuts des universitaires et des
chercheurs.

La « concertation » préparatoire au projet de loi n’a apporté aucune
réponse aux questions pressantes qui se posent à tous les
universitaires et chercheurs actifs. Nous éprouvons aujourd’hui
l’urgence d’ouvrir un débat public sur l’organisation de la recherche
à partir de nos pratiques, de sorte à renouer avec des institutions
qui soient au service d’une recherche libre et exigeante.

Pour initier ce processus de réappropriation et de réflexion sur nos
métiers, nous présentons une candidature collective au poste de
président de l’HCERES. Le conseiller Éducation, enseignement
supérieur, recherche et innovation du président de la République, M.
Coulhon [4], s’est lui aussi porté candidat.

Nous espérons que cette candidature collective réunira femmes et
hommes, issus de toutes les disciplines, de tous les corps, précaires
ou non, et appartenant à tous les établissements français. Pour vous y associer, inscrivez-vous ici :

http://rogueesr.fr/hceres/

Un texte doit être très prochainement publié dans Le Monde à ce propos.

RogueESR est un collectif de membres de la communauté académique. Il rassemble celles et ceux qui font vivre ses institutions au quotidien, et qui souhaitent défendre un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, ouvert à toutes et tous.

Contact : contact@rogueesr.fr

Twitter : @rogueesr

RogueESR

http://rogueesr.fr

[1] Rapports des groupes de travail en vue de la rédaction du projet de loi :

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid145221/restitution-des-travaux-des-groupes-de-travail-pour-un-projet-de-loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-recherche.html

[2] Texte d’Antoine Petit paru dans Les Échos :

https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/la-recherche-une-arme-pour-les-combats-du-futur-1150759
/

Réaction de la communauté :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/06/le-darwinisme-social-applique-a-la-recherche-est-une-absurdite_6021868_3232.html

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000039668523

[4] Thierry Coulhon a été l’un des instigateurs de la loi LRU en 2008,
avant d’être en charge du programme de l’enseignement supérieur de la
campagne électorale d’Emmanuel Macron.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Thierry_Coulhon

Autre pays, autre inquiétude quant aux libertés académiques (que d’aucuns jugeront sans doute plus grave), j’ai reçu dernièrement un texte de l’association des chercheurs français sur le Brésil présidée par Juliette Dumont, l’association ARBRE.

« Le 8 janvier, nos collègues de la Fundação Casa de Rui Barbosa (FCRB, Rio de Janeiro) ont découvert que cinq d’entre eux avaient été relevés des fonctions qu’ils occupaient au sein du centre de recherche qu’abrite cette institution. Antônio Herculano Lopes, directeur, Flora Süssekind, Charles Gomes, Joëlle Rouchou et José Almino de Alencar, responsables des différentes équipes de recherche du centre, chercheuses et chercheurs reconnus en histoire, lettres, sciences politiques, communication, sociologie, ont été écartés au motif d’une “réorganisation administrative”.

La décision a été prise par la nouvelle directrice de la FCRB, Letícia Dornelles, ancienne présentatrice et scénariste pour les chaînes de télévision Globo et Record, proche des milieux évangéliques et sans la qualification exigée pour occuper ce poste. Elle-même avait été nommée par surprise en octobre dernier lors de la prise en main des grands établissements culturels du pays par le gouvernement de Jair Bolsonaro. Les employés de la FCRB – et l’ancienne présidente elle-même – avaient découvert sa nomination dans le Journal Officiel au retour d’un jour férié.

Outre la violence du procédé à l’égard des cinq chercheurs concernés et pour les équipes qu’ils animaient, cette décision menace directement ce centre de recherche, reconnu tant au niveau national qu’international pour son travail en termes de valorisation des archives, d’édition, de liens tissés avec le monde académique et de promotion d’activités destinées à un large public.

L’Association pour la Recherche sur le Brésil en Europe dénonce avec d’autant plus de véhémence le sabordage du centre de recherche qu’elle a réalisé de nombreuses activités (séminaires et journées d’études, publications, échanges) en partenariat avec la FCRB depuis l’organisation d’un premier colloque conjoint lors de l’année de la France au Brésil en 2009. La publication, en 2017, aux éditions FCRB et 7 Letras, du livre Como era fabuloso meu francês! Imagens e imaginários da França no Brasil (séculos XIX-XXI), coordonné par Silvia Capanema P. de Almeida, Olivier Compagnon et Anaïs Fléchet, de même que, plus récemment, la parution de l’ouvrage coordonné par Juliette Dumont, Anaïs Fléchet et Mônica Pimenta Velloso, Histoire culturelle du Brésil (XIXe-XXIe siècles), aux éditions de l‘IHEAL, ne sont que les fruits les plus récents de cette longue collaboration.

Cet épisode n’est malheureusement pas isolé et vient rejoindre la liste déjà longue des attaques contre le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur au Brésil. Ce processus, qui a démarré sous la présidence de Michel Temer, s’est accentué de manière dramatique depuis l’accession au pouvoir de Jair Bolsonaro. Censure directe ou indirecte, intimidations contre des individus ou des institutions, asphyxie budgétaire, calomnies et injures constituent depuis un an le répertoire d’action d’un gouvernement qui fait ouvertement l’apologie de l’ignorance et dénie aux sciences et aux scientifiques toute légitimité. Cette entreprise de démolition et de démoralisation continue et protéiforme ne vise pas seulement à livrer la recherche et l’enseignement supérieur aux intérêts privés ; elle est le reflet d’une idéologie pour laquelle la liberté (notamment celle de penser) et la culture constituent une menace. S’attaquer aujourd’hui à l’institution qui porte le nom de Rui Barbosa (1849-1923), cheville ouvrière de l’abolition de l’esclavage au Brésil, juriste internationalement reconnu, orateur hors pair, est un symbole supplémentaire de la logique mise en oeuvre par un pouvoir obscurantiste et autoritaire.

L’Association pour la Recherche sur le Brésil en Europe manifeste sa solidarité aux collègues de la Fundação Casa de Rui Barbosa comme à l’ensemble des chercheurs, universitaires et étudiants qui, par leur travail, leur dévouement et leur engagement, continuent malgré tout de défendre une recherche et une université de qualité, libres de tout dogme idéologique, au service d’une société plus démocratique et plus juste. »

Nous partageons ce communiqué des étudiants de la FCRB, transformé en pétition.

 

Je continuerai régulièrement de donner des nouvelles du monde académique, du Brésil et d’ailleurs, des contraintes et des censures qui pèsent sur lui, considérant qu’il s’agit là d’un enjeu crucial non seulement pour les professionnels qui y travaillent ainsi que pour les étudiants, mais aussi pour la société tout entière.

LM

D’un colloque, l’autre (bis) : les droits culturels

Bonjour,

il est un peu difficile de se déplacer en ce moment mais j’espère que les choses s’amélioreront d’ici le 19 décembre prochain, première journée du colloque organisé par le Comité d’histoire du ministère de la Culture comme point d’orgue des célébrations du soixantième anniversaire de la création du ministère des Affaires culturelles par André Malraux.

Ce colloque, intitulé « Du partage des chefs-d’oeuvre à la garantie des droits culturels – ruptures et continuité dans la politique culturelle française » aura lieu les 19 et 20 décembre prochains à l’auditorium du Louvre. Votre serviteur y donnera la réplique le matin du 19 à son maître, l’illustre Pascal Ory, qu’on se le dise…

Voici la présentation du colloque par la présidente du Comité d’histoire, Maryvonne de Saint-Pulgent :

L’année 2019 qui s’achève a été l’occasion de célébrer le soixantième anniversaire de la création du « ministère des Affaires culturelles » con é par le général de Gaulle à son « ami génial », André Malraux. A n de clore cette célébration, l’actuel ministre de la Culture, Franck Riester, a chargé le Comité d’histoire d’organiser, avec le précieux concours du musée du Louvre, ce colloque à dimension tout à la fois rétrospective et prospective revisitant six décennies de politiques culturelles à travers le prisme des droits culturels.

Dans le discours inaugural qu’il prononça en 2009 à l’occasion du… cinquantième anniversaire de la création du ministère, Antoine Compagnon relevait déjà, à propos du mot culture, que « le sens anglais du mot s’est peu à peu imposé à nous, culture, venu de l’ethnologie et de la sociologie, pour désigner l’ensemble des valeurs symboliques qui dé nit un groupe humain », de sorte que « toutes les cultures ont une égale légitimité, une égale dignité, voire une égale valeur ». Depuis lors, notre pays a introduit dans sa législation, à trois reprises (2015, 2016 et 2019), la référence « aux droits culturels énoncés dans la Convention [UNESCO] du 20 octobre 2005 ».

Grâce à une approche transdisciplinaire incarnée par la trentaine d’intervenants qui ont bien voulu répondre positivement à notre sollicitation, ce colloque a pour ambitions :

– d’élucider cette notion de droits culturels et sa diffusion depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) ;

– de repérer les différentes traductions qu’elle a pu connaître, en termes d’action publique, au cours des six dernières décennies ;

– d’en approfondir la nature juridique ;
– d’analyser son impact sur les politiques culturelles ou les projets culturels ;

– d’interroger l’ampleur, voire la réalité, de l’éventuel « changement de paradigme » dont elle serait la source.

Et voici le programme complet :

Livret du participant_Colloque Du partage des chefs-d’oeuvres à la garantie des droits culturels_19 et 20 décembre 2019 (glissé(e)s) 1

L’annonce de ce colloque me rappelle les souvenirs plaisants d’un colloque auquel j’ai participé à Bucarest en octobre dernier sur les rapports entre intellectuels et médias aux XXe et XXIe siècles. Organisé conjointement par le CARISM de l’université de Paris 2 et l’université de Bucarest, ce colloque était le 25e colloque franco-roumain des sciences de l’information et de la communication ; un quart de siècle déjà pour cette réalisation exemplaire de la francophonie universitaire! Merci à Nicolas Pelissier, Rémy Rieffel et Camelia Cusnir (j’en oublie certainement) d’avoir oeuvré pour cette belle rencontre qui, je l’espère, donnera lieu à la publication d’actes.

La belle bibliothèque de la faculté de droit à Bucarest, qui vaut bien, par son décor, la Lavisse de la rue Richelieu!

LM

Un jeune adulte : le département de médiation culturelle a 25 ans!

Bonjour,

le département de médiation culturelle de l’université de la Sorbonne-Nouvelle / Paris 3 fête cette année son quart de siècle d’existence. Fondé en 1994 par Claude Aziza et Jacques Boissonnade, il a dû se faire une place parmi les formations en arts et médias de cette université née de la réforme Edgar Faure de 1968. Toisé de haut, au début, par les départements plus anciens et, disons-le, plus prestigieux – le Cinéma, le Théâtre, la Communication – il a conquis leur respect grâce au professionnalisme de ses directeurs successifs, de Claude Aziza à François Mairesse en passant par Bruno Péquignot. Pour avoir moi-même dirigé ce département ces quatre dernières années, je peux témoigner de l’engagement des collègues, personnels administratifs compris, au service des étudiants.

Créé sur le modèle de l’animation socio-culturelle, il proposa d’abord une licence de médiation culturelle puis un master, avec pour commencer deux filières (une filière pro et une filière recherche). Aujourd’hui, tout en continuant de proposer – cas unique en France – une formation en médiation culturelle dès la première année de licence, ce département ne propose pas moins de huit parcours différents en première et deuxième années de master, qui tous ont à la fois une dimension recherche et une dimension pro (ou, pour le dire autrement, une dimension théorique ou fondamentale et une dimension pratique ou appliquée).

Entretemps, nous avons dû changer l’intitulé du master, la médiation culturelle ayant disparu, pour des raisons qui m’échappent encore en partie, des nomenclatures ministérielles. Six de ces parcours sont donc rangés désormais sous l’appellation « Direction de projet ou d’établissement culturel » et deux sous celle d’ « Industries culturelles ». Mais les collègues ont décidé de maintenir le nom de « médiation culturelle » pour l’ensemble du département, ce que j’ai pleinement approuvé : ce syntagme a une histoire, faite de militantisme culturel et de volonté de démocratiser la culture, nous n’allions pas le jeter par dessus bord parce qu’un ministre de passage ou un chef de service ignorant en avaient décidé ainsi.

De cette histoire tumultueuse, de ce présent bouillonnant, et de l’avenir radieux, forcément radieux, de ces formations, il sera question samedi prochain, 16 novembre, à l’université de la Sorbonne-Nouvelle (site Censier) puisque le département y organise une célébration sous forme de trois tables rondes – dont l’une que j’animerai sur les formations de master. Voici le programme des réjouissances, vous êtes les bienvenus, l’entrée est libre dans la limite des places disponibles!

programme Et si on partageait la médiation culturelle

Au plaisir de vous y rencontrer.

LM

 

 

 

Appel à communication

Bonjour,

un jeune collègue me transmet cet intéressant appel à communication pour un prochain numéro de la revue Marges. Je le relaie ici, il s’inscrit dans la continuité du précédent post qui recensait un certain nombre de colloques et de journées d’étude touchant aux relations culturelles internationales et à la géopolitique des arts et des cultures.

Appel à communications pour le numéro 32 de la revue Marges
Circulation des idées dans les mondes de l’art

Les années 1960-1970 ont vu se multiplier les références théoriques en art, en lien avec d’importantes transformations sociales et institutionnelles : élévation du niveau de formation des artistes, apparition d’une critique d’art plus universitaire et théoricienne, émergence de la nouvelle figure du curateur comme concepteur d’expositions, politisation du champ artistique, etc. Si cette période très « théoriciste » semble s’être refermée, la place des idées dans l’art contemporain est pourtant loin d’avoir décru. Au contraire, les catalogues et les revues spécialisées, les déclarations d’intention des curateurs ou des artistes foisonnent de références à des intellectuels (Agamben, Butler, Deleuze, Foucault, Haraway, Latour, Rancière, etc.) et à des concepts en vogue – de l’anthropocène à l’object-oriented ontology, en passant par les propositions d’esthétiques accélérationniste, décoloniale ou post-internet, pour citer pêle-mêle quelques exemples récents. Réciproquement, philosophes, scientifiques et essayistes sont régulièrement invités à collaborer à des expositions, des formations, des « workshops », etc.
Le champ de l’art contemporain connaît donc une intense circulation d’idées, dont les provenances comme les finalités sont nombreuses et variées. Ce phénomène peut être regardé avec une certaine condescendance par les universitaires, du fait des confusions et des effets de mode qui tendent à accompagner l’introduction, parfois superficielle ou ostentatoire, de nouvelles idées dans le monde de l’art contemporain. Celles-ci méritent pourtant d’être prises au sérieux et examinées tant pour leur intérêt théorique que dans leurs usages pratiques. Quelles sont leurs origines et comment se diffusent-elles ? Quels rôles jouent-elles dans les activités, les représentations, les stratégies de légitimation des artistes, des professionnels et des institutions du monde de l’art ?
On peut distinguer deux niveaux où observer ces processus de transferts et d’appropriations d’idées dans l’art contemporain. Tout d’abord, entre le champ artistique et d’autres champs spécialisés, notamment scientifique et universitaire : si l’histoire et la philosophie de l’art exercent logiquement une attraction prédominante, d’autres pans de la philosophie, des sciences humaines et même les sciences formelles ou les sciences de la nature peuvent fournir concepts, « labels » et arguments aux acteurs du monde de l’art.
Ensuite, à l’intérieur même du champ artistique, entre ses différents pôles, qui introduisent, diffusent et discutent ces nouvelles idées. Les artistes, les critiques, les curateurs, les enseignants, échangent notions et références théoriques diverses, comme des instruments tout à la fois de travail (de la production d’oeuvres à la conception d’expositions) et de positionnement dans le champ (logiques de concurrence ou de connivence).
Il peut être intéressant d’examiner les circonstances précises dans lesquels ces échanges intellectuels se produisent ainsi que les agents et les institutions qui les favorisent, en particulier les figures d’intermédiaires qui tirent profit d’être positionnés entre plusieurs champs (entre l’université et le musée ou entre deux espaces nationaux). Identifier les acteurs et les modalités de ces circulations permet en retour d’analyser les stratégies auxquelles elles répondent et les bénéfices (notamment en termes de légitimation) qu’elles peuvent apporter à ceux qui en sont à l’origine.
Divers processus de traduction, de vulgarisation, d’adaptation affectent ces idées lorsqu’elles passent d’un monde social à un autre. C’est d’autant plus le cas dans un champ aussi transnational que celui de l’art contemporain, au sein duquel les idées parcourent, pour ainsi dire, de grandes distances. Il peut en résulter des décalages significatifs (linguistiques, culturels, temporels, etc.), sources d’invention ou de confusion. Ces remarques indiquent bien qu’il ne s’agit pas seulement de considérer les facteurs qui stimulent et facilitent ces circulations, mais aussi ceux qui les perturbent ou les freinent.
Ces questions permettent enfin d’engager une réflexion sur la place, à la fois marginale et hautement valorisée, qu’occupe le champ artistique dans l’économie générale du champ intellectuel. L’art contemporain apparaît en effet aujourd’hui comme un lieu propice à la construction de certaines carrières intellectuelles, selon d’autres modalités que celles du champ universitaire ou médiatique. Certaines notoriétés s’y affirment, certaines idées nouvelles y émergent, et peuvent être ensuite exportées vers d’autres champs. Les mondes de l’art sont-ils donc susceptibles, à partir de ces « braconnages » théoriques, de devenir à leur tour des foyers de production et de diffusion d’idées au-delà de leurs frontières ?

Axes :
– Interfaces entre art contemporain et monde scientifique / universitaire / intellectuel.
– Les pôles de circulation des idées à l’intérieur du champ artistique : acteurs et institutions.
– Les circulations d’idées entre disciplines artistiques (arts plastiques, littérature, cinéma, etc.)
– Autres provenances des idées en art : mondes politiques, médiatiques…
– Les transferts intellectuels entre différents espaces nationaux et les effets de traduction.
– L’appropriation des références théoriques : vulgarisation, reformulations, confusions…
– Freins et oppositions à la circulation des idées ; l’anti-intellectualisme en art.
– L’intérêt (professionnel, institutionnel, financier) d’une légitimité intellectuelle dans le champ de l’art contemporain ; le rôle des idées dans la promotion et l’auto-promotion des artistes.
– Réciproquement, l’intérêt des citations et des collaborations artistiques pour les intellectuels.
– Quand l’art contemporain produit et diffuse à son tour des idées vers d’autres champs.

Les propositions devront parvenir avant le 6 décembre 2019, sous la forme d’une problématique résumée (5000 signes maximum, espaces compris), adressée par courriel à Nicolas Heimendinger (nicolas.heimendinger [at] yahoo.fr).

Les textes sélectionnés (en double aveugle) feront l’objet d’une journée d’étude le samedi 22 février 2020 à l’Institut National d’Histoire de l’Art (Paris). Les communications ne devront pas excéder 30 minutes lors de la journée d’étude. Le texte des propositions retenues devra nous parvenir avant le 27 mars 2020 (30.000 à 40.000 signes, espaces et notes compris). Certaines de ces contributions seront retenues pour la publication du numéro 32 de Marges en février 2021.

La revue d’art contemporain Marges (Presses Universitaires de Vincennes) fait prioritairement appel aux chercheurs des disciplines suivantes : esthétique, arts plastiques, histoire de l’art, sociologie, études théâtrales ou cinématographiques, musicologie…

Sites web :
https://journals.openedition.org/marges/
https://www.puv-editions.fr/revues/marges-revue-d-art-contemporain-34-1.html

Je complèterai d’ici peu ce post en vous parlant d’une autre revue qui lancera elle aussi un appel à propositions pour son premier numéro, prévu l’an prochain. Affaire à suivre, donc…

LM