Aventures spatiales

Bonjour,

un troisième article en moins d’un mois, qu’est-ce qui m’arrive?! Je n’avais pas habitué mes fidèles lecteurs et lectrices à ce rythme infernal. Il est probable qu’après un tel effort, j’entre sous peu dans une période de léthargie favorisée par la touffeur estivale…

Mais je ne voulais pas attendre plus longtemps avant d’annoncer la bonne nouvelle : le dernier numéro (n°57) de la revue Sociétés et Représentations vient de sortir! Son dossier, que j’ai co-dirigé avec mes collègues Elsa de Smet et surtout Laurence Guignard – que je remercie et salue – est consacré aux représentations de l’aventure spatiale à l’époque contemporaine. J’avais relayé ici même, en février 2022, un appel à communication qui a porté ses fruits puisque nous avons, à l’arrivée, pas moins de onze très bons articles qui déclinent ce thème à différentes époques et sous différents angles, sans compter d’autres textes hors dossier mais qui traitent également de cette question.

Screenshot

Voici le sommaire du numéro :

Page 9 à 17
L’aventure spatiale. Présentation
Laurent Martin, Laurence Guignard

Imaginaires et sensorialités de l’espace
Page 21 à 33
L’imaginaire olfactif de l’exploration spatiale
Savoirs, reconstructions et immersion
Érika Wicky

Page 35 à 55
Faire disparaître le bleu du ciel
Les images des missions analogues, entre science et fiction
Élise Parré

Page 57 à 76
De la TSF aux étoiles
La construction d’un imaginaire sonore de l’espace dans les années 1920-1940
Stéphane Le Gars

Page 77 à 96
L’« imaginaire spatial »
Constitution, essence et fonctions dans l’œuvre de Jean Perdrizet (1904-1975)
Jean-Gaël Barbara

Conquête spatiale et culture de masse
Page 99 à 118
L’omniprésence de l’espace dans les illustrés francophones au temps des premiers vols spatiaux
Catherine Radtka

Page 119 à 135
Imag(in)er la colonisation spatiale
Conceptions et évolutions de la couverture du roman de science-fiction depuis 1968
Guylaine Guéraud-Pinet, Benoît Lafon

Page 137 à 154
Mourir pour l’espace ?
Les astronautes crépusculaires du cinéma de science-fiction contemporain
Simon Bréan

Page 155 à 172
Une fusée en plastique
La pratique participative dans la culture populaire spatiale
Guillaume de Syon

Une question spatiale ? Enjeux et débats politiques
Page 175 à 201
Victor Coissac et Ary Sternfeld
Une science spatiale populaire dans la France de l’entre-deux-guerres
Matthias Cléry, Florian Mathieu

Page 203 à 215
Les juristes à la rencontre d’une vie intelligente extraterrestre
Composition d’une astroculture disciplinaire (années 1950 et 1960)
François Rulier

Page 217 à 234
Sous l’utopie, la critique
L’Association des astronautes autonomes ou la critique artiste contre l’exploitation de l’espace
Jérôme Lamy

Lieux et ressources
Page 237 à 245
Une visite à l’observatoire de Juvisy-sur-Orge
Évelyne Cohen

Page 247 à 249
Partager la passion de l’astronomie avec le plus grand nombre
Quelques questions à Sylvain Bouley, professeur de planétologie et sciences de la terre à l’université Paris Saclay, président de la Société astronomique de France (SAF)
Sylvain Bouley, Laurence Guignard, Julie Verlaine

Regards croisés
Page 253 à 263
Quand le cinéma recrée les manifestations de Mai 1968
Sébastien Le Pajolec

Trames
Page 267 à 287
« Cosmo-Rallye » et Jeu de l’oie spatial dans Les aventuriers du ciel, voyages extraordinaires d’un petit Parisien dans la stratosphère, la Lune et les planètes (1935-1937) de René-Marcel de Nizerolles
Fleur Hopkins-Loféron

Retours sur…
Page 291 à 307
À la croisée des épistémé : les peintures photographiques d’Hippolyte Guénaire
Charly Pellarin-Régis

Actualités
Page 311 à 332
Un siècle vexillaire : les trois âges du drapeau algérien
Salim Chena

Grand entretien
Page 335 à 346
Une entreprise de déconstruction des stéréotypes liés à la conquête spatiale
Entretien avec Gérard Azoulay, directeur de l’Observatoire de l’espace du CNES
Entretien avec Gérard Azoulay, Laurent Martin, Laurence Guignard

Et l’introduction, que Laurence Guignard et moi-même avons rédigée, afin de vous donner envie de découvrir ce numéro :

Je vous rappelle par ailleurs que vous pouvez lire (ou relire) ici l’article que j’avais consacré à Mars et qui devait initialement figurer dans ce numéro (c’est un post du 27 juillet 2023). Entretemps, la planète rouge a connu une belle actualité, tant scientifique qu’artistique, avec, entre autres, la découverte d’une couche de magma d’environ 150 kms d’épaisseur dans la partie inférieure du manteau qui entoure le noyau de la planète, la publication du dernier tome du cycle « On Mars » due à Sylvain Runberg et Grun chez Daniel Maghen et la sortie du film d’animation « Mars Express » (deux histoires de la colonisation humaine de Mars qui tourne au vinaigre, mais tant la bd que le film sont magnifiques), sans oublier la nouvelle saison de l’excellentissime série uchronique « For All Mankind », qui se passe en grande partie sur Mars… Ah, et j’oubliais l’expo de Cité des Sciences (que je suis bien sûr allé voir mais qui s’est révélée un tantinet décevante) et un livre, plus ancien, mais que j’ai lu récemment, de Frederic Pohl, « L’homme plus », où l’on s’aperçoit que les projets de terraformation de Mars ne sont pas incompatibles avec ceux du transhumanisme, pour le meilleur et surtout pour le pire…

Bref, l’aventure spatiale en général et Mars en particulier n’ont pas fini de faire rêver… ou cauchemarder. Moi, en tout cas, je ne m’en lasse pas.

LM

Sur la liberté d’expression en général, et sur le conflit israélo-palestinien en particulier

Hier, dimanche 12 mai, les fidèles des antennes de Radio France ont écouté de la musique en lieu et place de certains de leurs programmes habituels. Parmi ceux-ci, l’émission Le Grand Dimanche Soir de Charline Vanhoenacker, dans laquelle intervient habituellement l’humoriste Guillaume Meurice. Celui-ci est suspendu d’antenne depuis le 2 mai dernier et convoqué jeudi prochain pour un entretien « en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire » pouvant aller jusqu’au « licenciement pour faute grave » à la suite de ses propos, réitérés, comparant le Premier ministre israélien Benyamin Netanayhou à « une sorte de nazi, mais sans prépuce ». Les syndicats de Radio France ont appelé à la grève pour protester contre « la répression de l’insolence et de l’humour » après la suspension de Guillaume Meurice (mais aussi contre la disparition programmée de certaines émissions à la rentrée) et réclament la « réaffirmation sans limites de la liberté d’expression » sur les antennes du service public.

Cette revendication est ambigüe. Les syndicats réclament-ils que soit défendu sans réserve par la direction de Radio France le principe fondamental de la liberté d’expression ou réclament-ils plutôt une liberté d’expression « sans limites »? Dans ce dernier cas, on ne pourra que leur faire remarquer que personne, dans aucun pays, ne jouit d’une totale liberté d’expression, a fortiori dans le cadre du service public de la radio française, qui a obligation de se conformer strictement aux lois et règlements en vigueur, lesquels encadrent la liberté d’expression. Radio France avait fait l’objet d’une première mise en garde par l’autorité de régulation, l’Arcom, après que Guillaume Meurice avait le 29 octobre 2023 fait cette comparaison à l’antenne, estimant que cette saillie avait « porté atteinte au bon exercice par Radio France de ses missions et à la relation de confiance qu’elle se doit d’entretenir avec l’ensemble de ses auditeurs ». La direction de Radio France avait, de son côté, donné un « avertissement » à l’humoriste, tout en considérant que « la valeur de la liberté d’expression (…) est bien plus importante qu’une phrase problématique d’un humoriste qui, fort heureusement, est une exception ». En réitérant ses propos au cours de l’émission « Le Grand Dimanche soir » du 28 avril, celui-ci exposait son employeur et lui-même à une sanction plus grave.

Mais quelle limite l’humoriste a-t-il ici transgressée? Celle de la loi? Non, puisque la plainte qui le visait pour « provocation à la violence et à la haine antisémite » et « injures publiques à caractère antisémite » a été classée sans suite le 18 avril dernier, le parquet de Nanterre estimant ces infractions « non caractérisées ». Ce qu’on lui reproche est donc plutôt d’avoir fait preuve de mauvais goût, d’insolence et d’imprudence, dans un contexte tendu où le conflit israélo-palestinien s’invite dans le débat public français. La direction a peut-être le droit de le sanctionner pour cela (les prudhommes en décideront si la sanction va jusqu’au licenciement, qui plus est d’un délégué syndical puisque Guillaume Meurice bénéficie du statut de salarié protégé après s’être présenté sur la liste SUD aux dernières élections professionnelles des représentants du personnel), ses collègues ont certainement celui de protester contre cette sanction.

Ce cas individuel est symptomatique d’un climat détestable qui s’est installé en France depuis le massacre perpétré par le Hamas contre des centaines de civils juifs le 7 octobre dernier et la réaction de l’Etat israélien qui a déjà causé des dizaines de milliers de morts parmi les civils palestiniens. Des élus de la France insoumise ont été convoqués devant la police judiciaire pour s’expliquer sur leur refus de qualifier de « terroriste » l’attaque du Hamas ou pour avoir qualifié celui-ci de « mouvement de résistance », le leader de ce parti s’est vu interdire de s’exprimer dans des enceintes universitaires (à Bordeaux en octobre, à Rennes et Lille en avril) et devra répondre devant la justice d’une autre comparaison douteuse, cette fois entre le président de l’université de Lille et le criminel de guerre Eichmann. Dans le même temps, l’antisémitisme se donne libre cours sur les réseaux sociaux, sous couvert d’antisionisme. Le slogan « « From the river to the sea, Palestine will be free », qui semble nier l’existence même d’Israël, fleurit dans les manifestations – quand elles ne sont pas tout bonnement interdites, pour risque de « trouble à l’ordre public ». Des personnalités du monde culturel ou sportif, ou de simple quidams, sont poursuivis pour « apologie du terrorisme ».

Peut-on qualifier publiquement les événements du 7 octobre en Israël d’actes de résistance et non de terrorisme sans encourir une condamnation devant un tribunal français ? Selon le ministère de la justice, cité par le journal Le Monde, 626 procédures ont été lancées à la date du 30 janvier 2024, dont 278 à la suite de saisines du pôle national de lutte contre la haine en ligne. Des poursuites ont été engagées à l’encontre de 80 personnes. Ces chiffres ne recouvrent pas le seul chef d’« apologie du terrorisme », mais aussi ceux de « provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence en raison de l’origine ou de l’appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ». Dans la plupart des cas, les mis en cause sont convoqués pour une audition par la police mais celle-ci ne débouche sur rien, ils ne savent pas s’ils sont poursuivis ou si l’affaire est classée sans suite, une indécision et une attente qui peuvent s’interpréter à loisir ou bien comme l’expression d’un embarras de la part de l’autorité judiciaire, débordée par le nombre de cas à traiter et le flou qui entoure la qualification juridique de la faute commise, ou bien comme une forme d’intimidation incitant à l’autocensure.

Guillaume Meurice s’est réclamé de l’esprit de Charlie pour justifier son goût pour la provocation et l’humour noir ; le dessinateur Riss, survivant de l’attentat qui décima la rédaction de Charlie Hebdo en 2015, lui a répondu que « l’esprit Charlie, ce n’est pas une poubelle qu’on sort du placard quand ça vous arrange, pour y jeter ses propres cochonneries ». Mais on peut aussi citer l’avocat de Charlie, Richard Malka, pour qui « les prises de position, aussi choquantes soient-elles, n’ont rien à faire devant des tribunaux, sauf lorsqu’il s’agit d’appels à la haine des juifs ou à des violences ». Pour lui, « le débat d’idées doit être politique, philosophique, éthique mais pas judiciaire ». Pas sûr qu’en faisant taire Meurice, on fasse avancer le débat d’idées.

Diplomaties culturelles

Bonjour,

J’ai le plaisir de signaler la parution d’un ouvrage que j’ai co-dirigé aux éditions de l’Attribut, à Toulouse. Intitulé histoire(s) de la diplomatie culturelle française, du rayonnement à l’influence, il regroupe une trentaine d’articles sur ce sujet à la fois passionnant et peu traité.

La couverture, d’une grande sobriété confinant à l’austérité, dit bien la nature universitaire de l’ouvrage, issu d’un colloque que j’avais co-organisé à la MSH Paris Nord avec ma collègue Charlotte Faucher voici deux ans presque jour pour jour. Quelle meilleure façon de fêter cet anniversaire que d’en publier les actes, précédés d’une préface signée par Pierre Buhler, ex-ambassadeur de France et ex-directeur de l’Institut français, et d’une introduction à laquelle ont collaboré les quatre directeurs de l’ouvrage, François Chaubet, Charlotte Faucher, Nicolas Peyre et votre serviteur? Distribués en quatre parties (« Structures et acteurs de la diplomatie culturelle française », « Secteurs de l’action culturelle internationale », « Francophonie, diplomatie scolaire et universitaire », « La diplomatie culturelle française dans le monde »), les articles traitent aussi bien d’organismes tels que l’Association française d’expansion et d’échanges artistiques (AFAA), l’ancêtre direct de l’actuel Institut français ou que l’Alliance française, que des musées, du cinéma ou du livre français à l’étranger, des écoles et des centres de recherche français à l’étranger que de la diplomatie culturelle française aux Emirats ou de la coopération franco-allemande en Russie, entre autres nombreux thèmes abordés sans ambition d’exhaustivité.

Ces articles sont suivis de la transcription de deux tables rondes que nous avions organisées durant le colloque, l’une sur les autres modèles nationaux de diplomatie culturelle, l’autre sur l’avenir de la diplomatie culturelle française, des tables ronde animées par des professionnels de la diplomatie. La co-présence, lors du colloque comme dans les pages du livre, de spécialistes universitaires et de professionnels de la diplomatie, mais aussi le financement du colloque par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (qui a aussi soutenu la publication du livre, et je l’en remercie vivement), que d’aucuns pourraient juger suspecte, témoigne plutôt à mes yeux de la qualité de la relation que nous avons su tisser entre ces deux univers. Les décisions du comité scientifique, qui avait présidé à l’élaboration du colloque, comme celles du comité éditorial, pour le livre, n’ont jamais fait l’objet de la moindre pression de la part de nos interlocuteurs du Quai, lesquels ont toujours respecté l’autonomie du volet scientifique de ce qui était alors conçu comme la célébration du centenaire de la création de l’AFAA. Pour ceux qui en douteraient, je les invite à comparer le ton et le contenu de l’ouvrage qui résulte du colloque avec ceux d’un autre ouvrage, paru tout récemment, sur le même sujet, aux éditions Perrin, avec l’imprimatur du ministère. Intitulé L’image de la puissance, la diplomatie culturelle de la France au XXe siècle et rédigé par Guillaume Frantzwa, il présente une vision assez différente de cette action.

Celles et ceux qui s’intéressent à l’action culturelle de la France à l’étranger auront profit à lire ces deux ouvrages qui, dans des genres différents, apportent leur lot d’informations, souvent inédites, sur ce sujet. A l’heure où les tensions s’aggravent dans le monde, où la logique des blocs semble s’imposer y compris aux acteurs qui voudraient s’y dérober, la connaissance de cette action multiforme pourrait se révéler une source d’inspiration et, qui sait, de réconfort.

LM