La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l’allons montrer tout à l’heure. Un pays se démocratisait Dans le courant d’une ère nouvelle. Un Vlad survint à jeun, qui cherchait une querelle, Et que la faim en ces lieux attirait. Qui te rend si hardi de tenter mon voisinage ? Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité. Sire, répond l’Ukraine, que Votre Majesté Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu’elle considère Que je me vas démocratisant Dans le courant, Plus de vingt kilomètres à l’écart d’Elle ; Et que par conséquent, sauf à mentir, Je ne puis troubler son empire. Tu le troubles, reprit cette bête cruelle, Et je sais que de moi tu médis le siècle passé. Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ? Reprit l’Ukraine ; je n’ai qu’à peine trente ans. Si ce n’est toi, c’est donc l’Otan. Je n’en suis point. C’est donc quelqu’un apparenté: Car vous ne m’épargnez guère, Vous, vos nazis et vos drogués. On me l’a dit : « il faut que je me venge » Là-dessus, ayant parlé assez Le Vlad l’envahit et la mange, Sans autre forme de procès.
Aujourd’hui, jeudi 24 février, les troupes russes ont envahi l’Ukraine et se dirigent vers Kiev, la capitale. La population civile fuit les bombardements qui ont déjà fait des dizaines de morts. Vladimir Putin justifie cette agression par des arguments qui défient la raison et le droit international. Après la Tchétchénie, la Syrie, la Géorgie, après la répression féroce contre ses opposants dans son propre pays, il n’est pas à quelques victimes près. Honte à lui et ceux qui le soutiennent.
Et solidarité avec le peuple ukrainien. Apportons-lui tout notre soutien moral mais aussi concret et immédiat. L’avenir de l’Europe se joue à Kiev.
Trois posts en l’espace d’une semaine, je vous gâte… C’est que l’actualité est dense sur le front culturel, et les informations se succèdent rapidement. Je tente tant bien que mal de suivre le rythme mais j’ai du mal…
Ainsi, presque en retard – mais pas tout à fait – je veux signaler la journée portes ouvertes de l’université de la Sorbonne-Nouvelle qui se tiendra… demain, samedi 12 février. Evénement annuel, cette JPO aura cette année une saveur particulière puisqu’elle aura lieu dans les nouveaux locaux de l’université, rue de Picpus, dans le 12e arrondissement de Paris. Car, oui, enfin, après bien des années, des promesses et des déceptions, des retards et des reports, le déménagement de l’université est bel et bien enclenché. Plusieurs services ont déjà quitté la rue de Santeuil pour celle de Picpus, les diverses composantes les rejoindront avant l’été et prochaine rentrée universitaire se fera dans les nouveaux locaux. La journée portes ouvertes va être l’occasion de les découvrir pour la plupart d’entre nous et c’est avec une certaine excitation, pour ma part, que je franchirai les portes de notre nouvelle maison demain matin.
Plutôt beau, non? J’espère que les fonctionnalités seront à la hauteur et que les problèmes, inévitables, de l’installation ne nous feront pas regretter d’avoir quitté le site de Censier! Que deviendra celui-ci? Je l’ignore. Probablement sera-t-il rasé pour faire place à des logements, des bureaux, etc. Personnellement, je serai un peu triste de quitter la proximité du Jardin des Plantes, et certains restaurants des alentours où j’avais mes habitudes. Quant aux salles vétustes et dysfonctionnelles, je ne les regretterai pas!
Voici le programme de la journée :
La JPO du 12 février 2022 vous permettra de découvrir l’offre de formation de la Sorbonne Nouvelle. Des stands par discipline sont proposés toute la journée de 9h30 à 17h30 pour répondre à vos questions sur les Licences et les Masters de l’université. Ils se situent au 1er étage des bâtiments B et C & au 4e étage du bâtiment B (pour les formations de l’ESIT). Des conférences de présentation des Licences, des Licences professionnelles et des Masters auront lieu aux RdC bas, RdC et 1er étage du bâtiment B.
Vous pouvez également visiter la Bibliothèque Sorbonne Nouvelle (BSN). Des visites vous sont proposées toute la journée de 10h à 16h45.
(j’ajoute ces quelques lignes et photos de l’intérieur du bâtiment après la JPO, qui fut une belle réussite. Conçu par Christian de Portzamparc, il a généralement séduit celles et ceux qui le découvraient pour la première fois, même s’il me semble qu’il offre peu d’espaces supplémentaires par rapport à celui que nous connaissons et dans lequel nous sommes déjà si à l’étroit. J’espère me tromper…)
Deuxième événement que je voulais signaler, dans un futur proche lui aussi puisqu’il aura lieu lundi prochain. Le Théâtre 14, avenue Marc Sangnier dans le 14e arrondissement de Paris, accueille une journée d’étude autour de la question, fondamentale : qu’est-ce qu’une politique culturelle?
L’évènement est totalement gratuit et s’il vous intéresse pour toute la journée ou juste une table ronde, vous pouvez réserver vos places dans le lien suivant :
J’ai malheureusement contracté d’autres engagements pour cette journée de lundi, sans quoi j’y serai volontiers allé car le programme me semble très intéressant. Les organisateurs de cette journée soulignent à juste titre que la culture ne fait pas vraiment partie des thèmes de l’actuelle campagne présidentielle – pas plus que des précédentes dans un passé proche. Raison de plus pour saisir cette opportunité d’y réfléchir et d’en débattre!
Que la culture et la politique qui la favorise continuent d’intéresser la jeunesse, j’en veux pour preuve cette initiative prise par des étudiants du master que j’ai le plaisir, l’honneur et la charge de co-diriger au sein de la Sorbonne-Nouvelle : le master de géopolitique de l’art et de la culture. Sous le nom, formidable, de l’Amour général, cette association se donne pour objectif d’aider à la mise en oeuvre de projets artistiques et culturels. Voici comment la présentent ses créateur/trices :
« Née de la volonté de s’emparer des questions politiques et sociales soulevées dans notre master, Amour général propose des moments artistiques innovants et percutants. Nous souhaitons mettre en valeur, encourager et diffuser des jeunes créateur·ices et artistes émergent·es. En parallèle de ces événements, l’association participe à construire un dialogue, un partage et des rencontres entre les membres de l’association, les artistes de la scène contemporaine et les professionnel·les du monde de l’art. »
Une première exposition marquera la naissance de l’association : « DéfaireCorps ».
« Défairecorps est une exposition qui se veut un espace de réflexion et d’expression sur la représentation des corps dans notre société. Cette exposition prendra la forme d’un événement pendant lequel se dérouleront des performances, des DJ Sets, un atelier de création artistique et une conférence. Elle se déroulera du 17 au 24 mars au Sample (Bagnolet, Seine-Saint-Denis).
Alors qu’une crise pousse les corps à se tenir éloignés, indépendants les uns des autres, Défairecorps donne la parole à des corps divers. Ces corps racontent leurs histoires, des histoires profondément ancrées dans une réalité politique et sociale. Le corps, pourtant étroitement lié à l’intimité et la vie privée de chaque individu, est en effet un objet central de l’espace public, politique et donc géopolitique. C’est là que se jouent les rapports entre les individus et les normes.
Rattacher défaire et corps questionne ainsi la régénérescence, les nouvelles possibilités d’expressions pour dépasser les préjugés et faire honneur à la diversité des corps. À travers le rattachement de ces deux mots qui font le titre de l’exposition, l’idée est d’exprimer une sorte de régénérescence. Déconstruire n’est qu’une étape, il est essentiel de penser l’après. Défaire pour recréer. »
oui, les posts s’enchaînent à toute vitesse, ces temps-ci. Celui-ci a pour but de relayer un appel à propositions d’articles pour un dossier que l’excellente revue Sociétés et Représentations consacrera l’an prochain à l’aventure spatiale.
Voici le texte de l’appel ; tous les intrépides qui souhaitent voyager vers l’infini (et au-delà) sont les bienvenus!
L’Aventure spatiale
Sociétés & Représentations
Coordination : Elsa De Smet, Laurence Guignard, Laurent Martin
La revue Sociétés et Représentations consacrera l’un de ses prochains dossiers (2023/1) à l’aventure spatiale des temps modernes à nos jours. Celle-ci doit s’entendre de différentes façons. Il s’agit d’une part d’envisager comment les hommes et les femmes se sont lancés à la découverte puis à la conquête de cette « nouvelle frontière ». Une conquête visuelle d’abord, médiatisée par des instruments d’observation, par l’imagerie des mondes et aujourd’hui des exomondes en pleine expansion, une conquête réelle et matérielle ensuite permise par des engins spatiaux, jusqu’au tourisme spatial qui débute sous nos yeux. Il s’agit parallèlement d’envisager la manière dont ils elles ont rêvé, imaginé, représenté l’espace qui environne la planète Terre et élaboré les territoires cosmiques par un ensemble foisonnant de productions culturelles constitutives d’une culture spatiale à certains égards antérieure à la conquête ou anticipatrice du futur.
Ce dossier se veut résolument international et interdisciplinaire. Notre souhait est de rassembler des contributions d’horizons disciplinaires et géographiques divers pour croiser les regards des spécialistes sur cette insatiable curiosité de l’esprit humain qui le pousse à vouloir sans cesse repousser les limites du monde connu et visible. Historiens de la culture, historiens des arts et des sciences, mais aussi géographes, anthropologues, experts en relations internationales sont les bienvenus, ainsi que les spécialistes d’astronomie et d’astrophysique dans la mesure où ils et elles proposeront des articles réflexifs sur les pratiques et les représentations associées à cette aventure spatiale.
Les thématiques potentielles sont multiples : l’espace dans les œuvres de science-fiction qu’il s’agisse de littérature, de cinéma, de bande-dessinée, l’astronomie populaire, genre et conquête spatiale, espace et guerre froide, la diplomatie spatiale (liste non exhaustive). On valorisera le croisement des perspectives permettant d’associer l’histoire des imaginaires, l’histoire culturelle et l’histoire des techniques et des savoirs spatiaux permettant par exemple d’examiner dans leur épaisseur des moments de l’aventure spatiale comme les premiers voyages spatiaux, des objets comme les fusées, spoutniks, stations ou soucoupes volantes ou encore des acteurs de cette aventure, qu’ils soient réels ou imaginaires. Les contributions qui prendront en compte l’histoire visuelle de l’aventure spatiale seront particulièrement appréciées (possibilité d’illustrations).
Envoi des propositions
Les propositions d’article, en français ou en anglais, ne devront pas dépasser une page. Outre un titre et un sujet provisoires, elles comporteront une courte bibliographie et une présentation des sources envisagées. Elles devront parvenir aux directrices et directeur du dossier avant le 4 avril 2022 .
Les articles de 30 000 signes maximum en français ou en anglais seront soumis à l’expertise du comité de rédaction et de deux experts indépendants.
Calendrier :
4 avril 2022 : date limite d’envoi des propositions
il me vient souvent, ces temps-ci, le regret de ne pas habiter loin de Paris, de ses pollutions, de ses appartements exigus et hors de prix, de son climat maussade plus souvent qu’à son tour, de ses habitants stressés… dont je suis. Mais quelques moments de pur bonheur viennent me rappeler pourquoi j’avais fait le choix d’habiter cette ville, voici plus de trente ans, et pourquoi mes pas n’ont cessé de m’y ramener, presque malgré moi.
En l’occurrence, deux expositions parisiennes que j’ai eu la chance de voir à deux semaines d’intervalle justifieraient – presque – les embarras de Paris, si c’est là le prix à payer pour en jouir. (Bien évidemment, vous me ferez observer avec raison qu’il n’est pas nécessaire d’habiter la capitale pour visiter les expositions qui s’y trouvent et, même, que le plaisir que l’on prend à les visiter est d’autant plus grand qu’il ne se paie pas des inconvénients susnommés. Certes. Mais combien d’habitants des Provinces feront le déplacement pour venir admirer ces merveilles? Et combien, les ayant vues, les reverront au cours d’une nouvelle excursion? Alors que, de mon côté, j’ai bien l’intention de revoir au moins l’une d’entre elles et peut-être les deux, avant qu’elles ne s’achèvent.)
Je commence par celle que j’ai vue en premier, voici quinze jours, à la faveur d’une invitation à venir à son vernissage (on a les privilèges que l’on peut), je veux parler de l’exposition « Hey! le dessin », visible depuis le 22 janvier dernier à la Halle Saint-Pierre, à un jet de bible du Sacré-Coeur de Montmartre. Ceux qui ont lu et se souviennent des posts antérieurement publiés sur ce blogue se diront : « Tiens, il va nous reparler de Hey!« . Ils auront raison. On retrouve en effet à la manoeuvre les piliers de cette petite entreprise d’éveil de l’oeil à coups de pétards qu’est Hey!, à commencer par Anne, qui assure le commissariat d’exposition, et Zoé, sa fidèle assistante (on peut parier que Julien, alias Mr Djub, n’était pas loin). Revoilà à leur suite les artistes inclassables du lowbrow art, de l’art brut, du surréalisme pop, les taulards, les tatoués, les fous, soixante en tout, venus d’une trentaine de pays. Ce nombre était déjà celui des quatre expositions précédentes qu’avait montées la fine équipe à la Halle Saint-Pierre (2011, 2013, 2017 et 2019) toujours dirigée par l’impeccable Martine Lusardy. La particularité de celle-ci : elle ne présente que des dessins, sur toutes sortes de supports, avec toutes sortes de mines et de crayons, en noir et blanc ou en couleurs, en petit ou en grand format mais seulement, uniquement, exclusivement du dessin, 450 oeuvres en tout, qui occupent les deux étages de la Halle.
Dans une telle profusion, il y a forcément à boire et à manger, à prendre et à laisser. Je n’ai pas forcément été très touché par les productions des condamnés à mort japonais, les caddies de pépé Vignes ou les embrassades de Sergei Isupov. Mais je l’ai été, et même secoué, par les corps avachis dessinés par Kraken, le bestiaire fantastique de Murielle Belin, les enfants baillonnés de Victor Soren, ou encore les entrelacs de l’infiniment petit dessiné avec un luxe de détails confondant par Samuel Gomez, entre autres belles découvertes.
Samuel Gomez « Deadpan Comedy »
Mention spéciale à deux ensemble très différents. Le premier est celui que propose l’Américaine Laurie Lipton, dont la revue Hey! avait la première fait connaître les oeuvres en France et qui est ici exposée pour la première fois sur les cimaises de notre beau pays. Là même où, lors de la dernière expo Hey! de la Halle Saint Pierre, la virtuose, méticuleuse et ultra-féministe Mad Meg avait exposé ses dessins d’hommes-insectes, Laurie Lipton expose à son tour de grands formats à la profusion vertigineuse. Squelettes scotchés à leur optiphone hypnotique – comme dirait Baudoin de Bodinat – dans un décor industriel, hommes-machines réduits à leur bouche dans un fouillis de câbles, voilà dépeint, ou plutôt crayonné, notre devenir voire notre présent de consommateurs-automates par une artiste surdouée.
Laurie Lipton
L’autre série qui m’a beaucoup impressionné : celle intitulée « Mémoire végétale de la Grande Guerre ». Une dizaine de dessins sur feuilles – non de papier, mais d’arbres, ramassées par des hommes ayant eu la malchance d’être nés une vingtaine d’années avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale et qui cherchaient par l’art une échappatoire aux horreurs de la guerre. Par quel miracle ces dessins sur le support le plus fragile qui soit ont non seulement été préservés mais sont parvenus intacts jusqu’à nous, voilà qui est assez sidérant et, jusqu’à ce jour, à peu près inconnu même des spécialistes de ce que l’on appelle « l’art des tranchées ».
anonyme
Ce sont là quelques pépites d’une exposition qui en compte beaucoup. Heureusement, vous avez le temps de les découvrir : « Hey! Le dessin » s’est installé à la Halle Saint-Pierre jusqu’à la fin de l’année!
Autre exposition à ne pas manquer, dans un tout autre genre, celle que propose depuis le 15 janvier Orange (oui, l’opérateur de téléphone) et la société Amaclio Productions à la Grande Arche de la Défense : « Eternelle Notre-Dame ». Il ne s’agit pas seulement d’une nième visite virtuelle du vénérable bâtiment mais d’une « expérience immersive », selon le jargon en vigueur, grâce à un casque de réalité virtuelle (oxymore délicieux). Muni d’un ordinateur accroché dans votre dos et dudit casque dûment sanglé, vous déambulez dans un espace clos à la suite d’un guide-conférencier tout aussi virtuel que l’est votre avatar. Vous découvrez le chantier de Notre-Dame au treizième siècle, vous rencontrez les ouvriers, les compagnons, et d’autres personnages, humbles ou illustres, vous montez sur les échafaudages, assistez à la mise en place des vitraux… C’est très impressionnant, pédagogique et ludique à la fois, peut-être plus ludique que pédagogique à la vérité. Tout excité par l’illusion de monter sur les tours de Notre-Dame ou de tourner autour de Viollet-le-Duc qui nous présente sa flèche, on perd en qualité d’écoute ce qu’on gagne en divertissement. Mais c’est là sans doute un effet de la nouveauté. Quand nous serons habitués à ces technologies, elles nous deviendront transparentes et nous pourrons nous concentrer sur le contenu – s’il en reste. Pour l’instant, nous sommes tout au plaisir de découvrir cette attraction – comme devaient l’être les premiers spectateurs du cinématographe des frères Lumière.
Là aussi, vous avez encore du temps pour aller découvrir « Eternelle Notre-Dame » : l’exposition est installé à la Défense jusqu’au printemps, elle sera ensuite transportée à la Conciergerie puis sous le parvis de Notre-Dame à l’automne. Il est prévu qu’elle circule ensuite en Europe et dans le monde entier – encore un privilège qui échappera aux Parisiens! A noter qu’un tiers de la somme acquittée pour le ticket est reversée pour aider à la restauration de l’édifice. Où comment joindre l’utile à l’agréable…
LM
Bienvenue sur le blog de Laurent Martin, professeur d'histoire à l'université de Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, membre du laboratoire ICEE, libre penseur..