De l’importance du collectif dans la recherche en histoire et SHS

Bonjour,

j’ai eu le plaisir ces derniers jours de recevoir coup sur coup deux livres à la direction desquels j’ai eu l’honneur de contribuer dans un passé récent.

Le premier reçu est la traduction en anglais de l’anthologie des textes de l’Association pour le développement de l’histoire culturelle, qui vient de paraître chez l’éditeur Routledge. Le volume français était paru en 2011 aux éditions de l’ENSSIB sous le titre Dix ans d’histoire culturelle ; le voici donc dans une version augmentée de quelques textes sous un nouveau titre : Cultural History in France. Local Debates, Global Perspectives. C’est une chance pour nos amis anglophones où qu’ils se trouvent dans le monde de prendre connaissance de la façon dont les historiens français (mais pas que, puisque les auteurs rassemblés dans cet ouvrage ne sont pas tous historiens et pas tous français) qui s’intéressent à la culture travaillent, leurs objets, leurs méthodes, leurs débats, aussi. Le nouveau livre reprend la structure de l’ancien, présentant d’abord les rapports de l’histoire culturelle avec d’autres disciplines et spécialités proches (Définitions et frontières), puis certains des thèmes et domaines particulièrement centraux pour cette spécialité (Objets),  les questions de mémoire (Mémoire et histoire), les questions des espaces, des échelles et des circulations (Perspectives et Transferts). A l’heure où la science française est sommée de parler anglais… ou d’être ignorée en dehors de l’hexagone, la traduction est le moyen le plus sûr de pouvoir la faire circuler à l’extérieur de nos frontières en minimisant la déperdition de qualité. Un moyen plus sûr, en tout cas, que l’obligation où se trouvent souvent placés les chercheurs français d’écrire ou de parler eux-mêmes dans un mauvais anglais pour se faire comprendre de la communauté scientifique internationale…

Autre livre collectif, les Mélanges qui ont été rassemblés en l’honneur du professeur Jean-François Sirinelli. Sous le titre Générations du XXe siècle. La France et les Français au miroir du monde, cet ouvrage vient d’être publié aux éditions du CNRS. On trouvera dans cet épais volume (pas du tout indigeste!) vingt-six contributions offertes par d’anciens étudiants ou des collègues à celui qu’ils appellent « Jean-François » ou « Monsieur Sirinelli » mais toujours avec admiration et affection. Jean-François Sirinelli, parti à la retraite voici déjà presque trois ans mais toujours très actif sur le front de la recherche, méritait bien cet hommage, lui qui s’est montré si généreux de son temps, de ses conseils, de son soutien à plusieurs générations de chercheurs et d’enseignants. Mais ce livre est davantage qu’un rassemblement de textes de circonstances, fussent-ils inspirés par la reconnaissance pour l’aide prodiguée. Il s’agit d’un véritable livre ordonné autour de quelques thématiques qui reflètent le travail de Jean-François Sirinelli et, au-delà, une certaine conception, là encore, française de l’histoire culturelle (et politique). « Méthodes et terrains », « Histoire politique et culturelle », « Des relations internationales à l’histoire culturelle des relations internationales » : telles sont les grandes thématiques entre lesquelles se répartissent les différents articles. Nous aurons le plaisir de remettre l’ouvrage à l’honoré lors d’une petite cérémonie à Sciences Po, le jeudi 5 mars.

J’ai dirigé ce livre avec mes amis et collègues Sabine Jansen et François Chaubet ; et l’anthologie de l’ADHC avec mes amis et collègues Evelyne Cohen, Anaïs Fléchet, Pascale Goetschel et Pascal Ory – auquel j’avais déjà, en 2017, offert des Mélanges sous le titre Histoires d’O (éditions de la Sorbonne), avec la complicité de mes amis et collègues Christophe Gauthier, Julie Verlaine et Dimitri Vezyroglou. Pour réaliser ces ouvrages, nul besoin n’a été de déposer un dossier auprès de l’ANR ou d’autres instances de la recherche ; nous avons trouvé des financements mais surtout nous avons trouvé du temps, nous avons bâti un collectif sur l’amitié et la passion qui nous anime pour l’histoire culturelle et pour ceux qui nous ont formés à elle. A l’heure où il n’est bruit que d’évaluation, de compétition et d’excellence, alors que certains voudraient nous imposer leur vision « darwinienne » d’une recherche conçue comme la guerre de tous contre tous, nous avons démontré tranquillement et joyeusement que l’on pouvait réaliser de grandes choses avec peu de moyens, dans un esprit de coopération, d’entraide, de dévouement.

J’aimerais croire que cette autre logique finira par l’emporter mais…

LM

Une photo de la soirée en l’honneur de Jean-François Sirinelli. De gauche à droite, François Chaubet, Sabine Jansen, moi-même et Jean-François Sirinelli.

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