Actualités de la recherche en histoire culturelle

Bonjour,

ce nouveau post a pour but d’annoncer un certain nombre d’événements – sorties de livres, soutenances de thèses, colloques à venir – qui peuvent intéresser celles et ceux qui veulent se tenir au courant de l’actualité de la recherche en histoire culturelle.

Commençons par le plus urgent : vendredi prochain, à partir de 14h, aura lieu à la Maison de la recherche de l’université de la Sorbonne-Nouvelle / Paris 3 (rue des Irlandais, dans le 5e arrondissement de Paris) la soutenance de la thèse de Mélanie Toulhoat. Intitulée « Rire de la dictature, rire sous la dictature, l’humour graphique dans la presse indépendante : une arme de résistance sous le régime militaire brésilien (1964-1992) », elle a été dirigée par mon collègue Olivier Compagnon et présente un certain nombre de périodiques et de dessinateurs qui se sont… illustrés pendant les années noires du Brésil en combattant la censure et la violence du pouvoir.

Voici le résumé de cette thèse (fourni par l’autrice) :

« Cette thèse porte sur le rôle politique de diverses formes d’humour graphique – la charge, la caricature, la bande dessinée, la gravure et le détournement d’images photographiques – publiées dans la presse indépendante, sous le régime militaire brésilien instauré à la suite du coup d’État du 31 mars 1964. Il s’agit d’analyser les styles, les mécanismes et les pratiques contestataires spécifiques au dessin d’humour et à l’image satirique à partir de l’institutionnalisation du pouvoir autoritaire et jusqu’à la réinvention des moyens d’expression indépendants au début des années 1980. Dans un contexte de fermeture progressive du régime, de répression policière, de rétrécissement drastique du champ légal de l’action politique et de sévères limitations imposées à la liberté d’expression, l’humour graphique fut employé par les rédactions afin de contourner les diverses formes de censure et de lutter contre l’imaginaire autoritaire. La réinterprétation de certaines pratiques inscrites dans la tradition de l’humour visuel brésilien, construite à partir de l’essor de la presse imprimée au XIXe siècle, fut accompagnée d’innovations esthétiques, thématiques et militantes majeures dans un rapport mouvant à l’interdit, au toléré et à l’autorisé. Les périodiques, les dessinateurs et événements furent représentatifs d’importantes étapes dans l’élaboration des luttes symboliques et légales menées par les rédactions indépendantes. La diversité des sources iconographiques, manuscrites, imprimées et orales révèle l’important pouvoir de synthèse et le rôle fondamental de l’humour graphique dans la construction d’univers visuels thématiques caractéristiques des combats – et des divergences – des mouvements brésiliens de l’opposition démocratique. »

Je participerai au jury de soutenance qui promet d’être fort intéressant.

Autre soutenance à venir, celle d’Aleksandra Humo, sur la place du cinéma dans le softpower étatsunien aux XX-XXIe siècle, que j’ai dirigée ces dernières années. La soutenance aura lieu le samedi 5 octobre, cette fois encore à la Maison de la recherche (il se passe décidément des choses intéressantes dans ce bel endroit encore trop peu connu des étudiants de Paris 3), et toujours à partir de 14h.

Voici le résumé fourni par l’autrice :

« Avec la mondialisation, la culture devient l’un des facteurs les plus importants des relations internationales, notamment en influençant de plus en plus le domaine économique. Le concept de Soft Power voit le jour en 1990 de la pensée de Joseph Nye. Concept nouveau et révolutionnaire, qui touche à la culture, mais surtout au pouvoir de la pensée des peuples, individus et nations. Lorsqu’il est question de Soft Power, tout dépend de ce que vous pensez. Pourtant aujourd’hui le Soft Power est encore parfois mécompris. Joseph Nye en 1990 écrit sur la nature changeante du pouvoir américain et les raisons de la domination étasunienne dans le monde et sur les perspectives de maintien de cette domination qu’il attribue en grande partie à son Soft Power. Cependant, en 1990 Nye n’écrit pas sur le pouvoir de l’un des maillons les plus forts de la culture étasunienne dans le monde, le cinéma produit à Hollywood. Cette étude historique et philosophique porte essentiellement sur le rapprochement du « pouvoir doux » américain et du pouvoir du cinéma hollywoodien dans le contexte d’une ère de plus en plus immatérielle. »
Là encore, la soutenance promet d’être passionnante. Les soutenances de thèse sont publiques, qu’on se le dise!
Mes plus vifs encouragements vont à l’une et à l’autre des doctorantes à l’approche de ces moments si particuliers qu’est la soutenance de leur thèse. Après des années d’un travail parfois exaltant, souvent ingrat, voici que le produit de leur labeur est rendu public et évalué par une compagnie choisie, bienveillante mais exigeante, de « maîtres », groupés en rang d’oignons. Assez intimidant et le renfort des amis et de la famille ne rassure qu’à moitié… Mais c’est aussi un moment de convivialité et de sociabilité académiques, un rite initiatique par lequel la communauté, la profession, la corporation ou la tribu – choisissez le terme que vous préférez – accueille en son sein un nouveau membre. Généralement, on s’en souvient longtemps…

 

Allez, je passe à un deuxième sujet : les sorties de livres. On pourrait en citer beaucoup en cette rentrée qui n’est pas que romanesque, je me contenterai d’en mentionner deux, par pur copinage (mais l’amitié n’empêche pas la lucidité et ce sont deux ouvrages authentiquement remarquables!).

 

Le premier est le livre écrit par ma collègue Françoise Taliano-des-Garets sur l’histoire culturelle de la France contemporaine, chez Armand Colin. Ce n’est pas le premier livre sur le sujet mais c’est assurément l’un des meilleurs!

Autre sortie que j’ai plaisir à signaler : celle du numéro 7 de la revue HEY! qui est désormais en ligne à cette adresse  :

https://www.heyheyhey.fr/fr/magazine/hey-n7-season-2/

Et comme un bonheur vient parfois accompagné, HEY! annonce aussi la sortie prochaine du numéro 4 du Deluxe papier, mitonné par Anne et Zoé à partir des meilleurs morceaux de la revue en ligne. On va encore en prendre plein les mirettes!

Je termine ce post par une dernière annonce, celle du prochain congrès de l’Association pour le développement de l’histoire culturelle (ADHC) qui aura lieu au Centre Malher de l’université de Paris 1 le samedi 28 septembre.

En voici le programme :

Lieu Centre d’histoire sociale des mondes contemporains Université Paris1- Adresse : 9 rue Malher 75004 Paris

9 h : Accueil des participant-e-s

9 h 15 : Assemblée générale présidée par Pascal Ory – Rapport moral et financier

9 h 45 : Actualités de l’histoire culturelle

10 h 30 – 12 h Conférence d’ Emmanuel Fureix (PR Université Paris Est- Créteil) L’iconoclasme : une histoire politique du regard L’iconoclasme ne se réduit pas à une querelle religieuse des images. A partir de la Révolution française, il devient un mode de régulation de tous les signes visuels perçus comme intolérables ou blessants. Centrée sur le XIXe siècle mais en écho avec le présent, cette conférence propose une réflexion sur les interactions, en situation, entre des « regardeurs » et des signes conflictuels

12h-13h45 Déjeuner. S’inscrire svp auprès de evelyne.cohen@wanadoo.fr

14h-16h : Table ronde animée par Jean-Sébastien Noël (MCF Université de la Rochelle) avec Christophe Granger, Béatrice Joyeux-Prunel et François Robinet. Cette table-ronde entend opérer un pas de côté vis-à-vis des problématiques strictement scientifiques pour interroger les conditions institutionnelles, politiques et financières de la recherche en histoire culturelle, comme les évolutions récentes de la fonction d’enseignant-chercheur. Un certain nombre d’études ont d’ores et déjà cherché à analyser et à resituer dans son contexte la « crise de l’université française » (François Vatin, Antoine Vernet, 2009) à défaut de dénoncer une entreprise de « destruction » institutionnelle (Granger, 2015), conduisant à tourner le dos aux fondements d’une culture universitaire héritée des dernières décennies du XIXe siècle, voire des périodes antérieures, qu’il s’agit toutefois de ne pas essentialiser (Charle, 2012). Aussi s’agit-il de considérer, d’une part, les effets des mutations récentes de la profession d’enseignant-chercheur, considérant à la fois la pénurie des recrutements et le recours accru aux contrats précaires (« La CPU pour une approche proactive de l’autonomie », communiqué de la CPU, mai 2019), les évolutions substantielles des missions des enseignants-chercheurs en poste conduisant à un amenuisement du temps de recherche, le développement du financement par projets et l’accélération du rythme calendaire que cela implique. Ces évolutions des conditions pratiques de recherche relèvent à la fois de particularités nationales comme de logiques échappant au seuls cadres nationaux (préconisations de l’OCDE, politique communautaire). La place de la recherche récente en histoire culturelle dans les programmes du secondaire et au sein de la formation continue des enseignants constitue un second enjeu. Si la question d’histoire contemporaine au programme des concours de l’enseignement en 2018-2020 place l’historiographie récente au cœur de la formation des futurs enseignants, la place des savoirs disciplinaires et de l’épistémologie au sein des plans académiques de formation tend à décroître, voire à en occuper la portion congrue au bénéfice d’autres compétences. De plus, les réformes annoncées du CAPES laissent entrevoir une possible disparition des questions au concours au profit d’une formation scientifique fondée sur les programmes du collège et du lycée. Il s’agit ainsi de réfléchir aux enjeux d’une formation des enseignants aux territoires et aux problématiques de l’histoire culturelle, ainsi qu’à la place qu’elle occupe dans les nouveaux programmes du collège et du lycée.

  • CHARLE, Christophe, VERGER, Jacques, Histoire des universités. XIIe-XXIe siècles, Paris, PUF, 2012.
  • GRANGER, Christophe, La destruction de l’université française, Paris, La Fabrique éditions, 2015.
  • VATIN François, VERNET Antoine, « La crise de l’Université française : une perspective historique et socio-démographique », Revue du MAUSS, 2009/1 (n° 33), p. 47-68.

Décidément, ce mois de septembre est riche en nouveautés à se mettre sous les yeux et dans la tête, n’hésitez pas à m’en signaler d’autres que je relaierai à la prochaine occasion!

Bien à vous,

LM