Paris est toujours Paris… « et l’Italie notre chère sœur latine »(1)
La maison italienne Fortezza Film et la firme française Omnium international produisent en 1951 l’une des rares coproductions franco-italiennes parfaitement paritaires, un film à 50 % français et à50 % italien.
A l’époque, le réalisateur Luciano Emmer a déjà sorti des documentaires d’art très appréciés et a connu le succès avec Dimanche d’août (Domenica d’agosto, 1950) : la protagoniste en était la ville de Rome durant une journée d’été, un seul dimanche durant lequel plusieurs intrigues se développaient simultanément. Il en va de même dans « Paris est toujours Paris », où le scénario (avec la contribution du futur réalisateur Francesco Rosi) et la mise en scène construisent avec une grande habileté «ces entrelacs de tendresse, de poésie et de boufonnerie »(2). Emmer est considéré comme un « auteur », dont les Cahiers du cinéma regrettent qu’il soit ici prêté à la comédie. Mais ils doivent admettre que « Paris est toujours Paris » contient de « très belles images de Paris d’une luminosité précise, poétique et assez curieusement irrévélée jusqu’alors »(3). En effet, Emmer racontera : « Pour préparer « Paris est toujours Paris », nous avons vécu une vie de bohème […]. J’ai découvert un Paris qui avait encore un petit héritage de la période fin de siècle »(4). Et son directeur de la photographie, Henri Alekan, a su saisir la lumière adaptée à ce mélange de passé et de présent, tout en la manipulant pour faire ressortir le charme de la capitale dans des différentes situations météorologiques.
Mené« sur un rythme allègre et avec humour »(5), par un réalisateur qui « ne manque jamais de malice, de tact ni d’intelligence »(6), le film est enrichi par les malentendus culturels et surtout bilingues, « un numéro qui dure presque autant que le film : explications laborieuses, avec force gestes et syllabes chantantes, roulement d’yeux, regards étonnés, regards allumés tant que la fraicheur et le charme aussi que suivront presque toujours des mines déçues »(7). Ce film observe avec sympathie la maladresse d’Aldo Fabrizi, touchant et « comique à souhait » (8), les disputes de fiancés des très jeunes et pas encore si célèbres Lucia Bosèet Marcello Mastroianni, mais aussi « l’idylle charmante, pleine de fraîcheur, entre le jeune Romain [Franco Interlenghi] et la petite Française [Hélène Rémy] »(9).
Les dialogues sont brillants, et les scénaristes s’amusent et nous amusent avec des gags qui nous rappellent aussi que si le tourisme était – à l’époque – un phénomène nouveau, le touriste voyageait déjà avec ses attentes fantaisistes et un goût quelque fois dangereux pour l’inattendu (sportif, culturel, romantique et parfois piquant…). Il s’agit d’une des premières comédies cinématographiques organisées autour du motif des vacances courtes et pressées, mais qui permettent aux personnages de se (re)trouver au contact d’une culture et d’une population étrangères. Il n’est pas étonnant que cet échange se fasse ici entre la France et l’Italie, à l’enseigne du brio et du sourire !… Mais, « tout ironique qu’il soit, le regard que ce film porte sur Paris brille d’amitié, d’affection, de compréhension, c’est vraiment le regard de notre sœur latine »(10).
Paola Palma
1 Titre de la critique de Jean Thévenot dans Les Lettres françaises, du 5 au 12 décembre 1952.
2 Ibid.
3 Jean-José Richer, « Paris est toujours Paris », Cahiers du cinéma, n° 19, janvier 1953.
4 Introduction au texte du scénario original du film, édité par la commune de Gorizia, 1987.
5 Jacqueline Fabre, « Pour Luciano Emmer Paris n’est pas la ville de toutes les perditions », Libération, 2 décembre 1952.
6 Jean Fayard, « Paris est toujours Paris », Paris Comoedia, 2 décembre 1952.
7 Louis Chauvet, « Paris est toujours Paris », Le Figaro, 2 décembre 1952.
8 Claude Garson, « Paris sera toujours Paris », L’Aurore, 3 décembre 1952.
9 L. Chauvet, « Paris est toujours Paris », déjà cité.
10 J. Thévenot, « Paris est toujours Paris : et l’Italie notre chère sœur latine », déjàcité.

Ce film n’aura fait qu’une trop brève réapparition sur les écrans parisiens. J’espère que nous aurons l’occasion de le revoir, au moins grâce à une réédition en DVD! Je vais me renseigner auprès de Paola Palma et vous tiendrai au courant.
A bientôt,
LM