Notre Drame

Bonjour,

Paris, la France, le monde se réveillent ce matin appauvris. La Cathédrale Notre-Dame de Paris a en partie brûlé et, avec elle, des siècles de dévotion et d’attachement.

Il n’est pas besoin de se dire ou de se sentir chrétien pour ressentir l’émotion la plus vive. Notre Dame contemple Paris depuis un millénaire.  Des millions de gens ont prié dans cette cathédrale, y ont chanté, pleuré, espéré. Des millions d’autres l’ont visitée. Ce n’est pas affaire que de bois brûlé ou de tableaux perdus, c’est un peu de notre imaginaire qui est parti en fumée.

Souhaitons maintenant que les travaux de restauration débutent au plus vite et soient dotés des moyens à la hauteur du défi à relever.

« Sans doute c’est encore aujourd’hui un majestueux et sublime édifice que l’église Notre-Dame de Paris. Mais, si belle qu’elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s’indigner devant les dégradations, devant les mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument, sans respect pour Charlemagne qui en avait posé la première pierre, pour Philippe Auguste qui en avait posé la dernière. (…)

Il est, à coup sûr, peu de plus belles pages architecturales que cette façade, (…) vaste symphonie en pierre, pour ainsi dire ; oeuvre colossale d’un homme et d’un peuple, tout ensemble une et complexe comme les Iliades et les Romanceros dont elle est soeur ; produit prodigieux de la cotisation de toutes les forces d’une époque, où sur chaque pierre on voit saillir en cent façons la fantaisie de l’ouvrier disciplinée par le génie de l’artiste ; sorte de création humaine, en un mot, puissante et féconde comme la création divine, dont elle semble avoir dérobé le double caractère : variété, éternité ».

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre troisième, chapitre 1.

Paris, Europe

Bonjour,

la fin des cours approche mais l’année universitaire est loin d’être finie. Le printemps est la saison où éclosent les journées d’études et les colloques… Voici quelques rendez-vous à ne pas manquer, par ordre chronologique.

Le jeudi 18 avril a lieu la prochaine séance du séminaire « Histoire culturelle des capitales européennes » au Musée national de l’histoire de l’immigration, au Palais de la Porte Dorée dans le 12e arrondissement de Paris. Il y sera question de littérature, en lien avec la remise du « prix littéraire de l’exil » du MNHI qui aura lieu ce même jour à 19h.

Voici le programme de cette séance qui nous fera voyager de Paris à Londres et à Berlin :

Langue (s) et littérature (s) de l’exil dans les capitales européennes depuis 1945, MNHI 
Jeudi 18 avril 2019 – 14h-16h

Intervenantes:

Kaoutar Harchi, écrivaine, sociologue, chercheure associée au Cerlis
L’intégration de Kateb Yacine au répertoire de la Comédie-Française. Des rapports de pouvoir à l’œuvre

Isabelle Le Pape, chargée de collection en littérature anglophone à la Bibliothèque nationale de France :
Hybridation culturelle et migrations littéraires autour de Londres

Myriam Geiser, maîtresse de conférences à l’université de Grenoble-Alpes à l’ILCEA4 :
Berlin comme carrefour d »histoire(s) et d’identités dans les récits d’écrivains germano-turcs après la chute du Mur

Trois autres événements sont à signaler, l’un malheureusement passé (je m’y suis pris trop tard, pardon!), les autre à venir, qui ne sont pas sans lien avec l’Europe et les capitales européennes…

Les événements à venir d’abord :

Une collègue géographe, Camille Rouchi, chargée de cours au département de Médiation culturelle, m’informe du lancement d’une opération pilotée par la Mairie de Paris : « Paris s’écrit ».

La Ville de Paris souhaite que le temps d’une journée, une centaine de lieux de la Capitale, insolites ou quotidiens, accueillent des écritoires et des propositions d’évènements ou d’accompagnement à l’écriture.
Bureaux de Poste, Mairies d’arrondissements, lieux artistiques et culturels, bibliothèques, lieux publics, cafés, librairies, établissements scolaires et centres d’animation… partout ou presque, les Parisiens trouveront un endroit dédié où ils pourront prendre quelques minutes pour renouer avec l’écriture manuscrite…

Cette opération est lancée le mercredi 15 mai. Je poste ici le document envoyé par Camille Rouchi qui précise le contenu de cette opération.

Présentation de Paris’écrit et proposition de partenariats

L’autre événement que je voulais signaler aura lieu deux jours plus tard : la journée d’étude organisée par l’Association pour le développement de l’histoire culturelle à la Maison Suger, à Paris, le vendredi 17 mai, sur le thème du rêve européen – ce qu’il fut et ce qu’il en reste. La tonalité risque d’être quelque peu nostalgique voire mélancolique… ou franchement inquiète, nous verrons. Voici en tout cas le programme :

Journée d’étude organisée par l’Association pour le développement de l’histoire culturelle :
Que reste-t-il du rêve européen?
Retour sur l’histoire d’une utopie contemporaine

Vendredi 17 mai 2019, Maison Suger, 16-18 rue Suger 75006 Paris
9h30-17h30

9h30 accueil

9h45 allocution de bienvenue par Evelyne Cohen, secrétaire générale de l’ADHC

10h Christophe Charle (univ. Paris 1 / IHMC) : Intellectuels et visions de l’Europe avant et après 1914 (de Charles Seignobos à Jules Romains)

10h30 Christine Manigand (univ. Paris 3 / ICEE) : Aristide Briand et les milieux européistes de l’entre-deux-guerres

11h Laurent Martin (univ. Paris 3 / ICEE) : Les intellectuels et l’Europe depuis 1945, entre pessimisme de la raison et optimisme de la volonté

11h30-12h15 discussion

12h30-14h pause déjeuner

14h reprise des travaux. Intervention de Pascal Ory, président de l’ADHC

14h15 Françoise Taliano-des-Garets (IEP Bordeaux / CHS) : La culture dans les capitales européennes : une utopie concrète

14h45 Anne-Marie Autissier (univ. Paris 8 / CRESPPA) : Ambitions et limites des réseaux culturels européens

15h15-15h45 discussion

15h45-16h pause

16h Didier Francfort (univ. de Lorraine / IHCE) : Les festivals musicaux en Europe

16h30 Jolanta Kurska (présidente de la Fondation Bronislaw Geremek) : L’Europe de Geremek est-elle encore possible ?

17h-17h30 discussion

17h30 fin des travaux

 

Retour à Paris… Samedi dernier a eu lieu au cinéma Club de l’Etoile, dans le 17e arrondissement de Paris, la projection hélas unique d’un film atypique « Paris est toujours Paris », qui date de 1951 et fut réalisé par Luciano Emmer. Paola Palma, qui a travaillé sur ce film, nous en livre ici une analyse érudite autant que bienveillante :

Paris est toujours Paris… « et l’Italie notre chère sœur latine »(1)

La maison italienne Fortezza Film et la firme française Omnium international produisent en 1951 l’une des rares coproductions franco-italiennes parfaitement paritaires, un film à 50 % français et à50 % italien.
A l’époque, le réalisateur Luciano Emmer a déjà sorti des documentaires d’art très appréciés et a connu le succès avec Dimanche d’août (Domenica d’agosto, 1950) : la protagoniste en était la ville de Rome durant une journée d’été, un seul dimanche durant lequel plusieurs intrigues se développaient simultanément. Il en va de même dans « Paris est toujours Paris », où le scénario (avec la contribution du futur réalisateur Francesco Rosi) et la mise en scène construisent avec une grande habileté «ces entrelacs de tendresse, de poésie et de boufonnerie »(2). Emmer est considéré comme un « auteur », dont les Cahiers du cinéma regrettent qu’il soit ici prêté à la comédie. Mais ils doivent admettre que « Paris est toujours Paris » contient de « très belles images de Paris d’une luminosité précise, poétique et assez curieusement irrévélée jusqu’alors »(3). En effet, Emmer racontera : « Pour préparer « Paris est toujours Paris », nous avons vécu une vie de bohème […]. J’ai découvert un Paris qui avait encore un petit héritage de la période fin de siècle »(4). Et son directeur de la photographie, Henri Alekan, a su saisir la lumière adaptée à ce mélange de passé et de présent, tout en la manipulant pour faire ressortir le charme de la capitale dans des différentes situations météorologiques.

Mené« sur un rythme allègre et avec humour »(5), par un réalisateur qui « ne manque jamais de malice, de tact ni d’intelligence »(6), le film est enrichi par les malentendus culturels et surtout bilingues, « un numéro qui dure presque autant que le film : explications laborieuses, avec force gestes et syllabes chantantes, roulement d’yeux, regards étonnés, regards allumés tant que la fraicheur et le charme aussi que suivront presque toujours des mines déçues »(7). Ce film observe avec sympathie la maladresse d’Aldo Fabrizi, touchant et « comique à souhait » (8), les disputes de fiancés des très jeunes et pas encore si célèbres Lucia Bosèet Marcello Mastroianni, mais aussi « l’idylle charmante, pleine de fraîcheur, entre le jeune Romain [Franco Interlenghi] et la petite Française [Hélène Rémy] »(9).

Les dialogues sont brillants, et les scénaristes s’amusent et nous amusent avec des gags qui nous rappellent aussi que si le tourisme était – à l’époque – un phénomène nouveau, le touriste voyageait déjà avec ses attentes fantaisistes et un goût quelque fois dangereux pour l’inattendu (sportif, culturel, romantique et parfois piquant…). Il s’agit d’une des premières comédies cinématographiques organisées autour du motif des vacances courtes et pressées, mais qui permettent aux personnages de se (re)trouver au contact d’une culture et d’une population étrangères. Il n’est pas étonnant que cet échange se fasse ici entre la France et l’Italie, à l’enseigne du brio et du sourire !… Mais, « tout ironique qu’il soit, le regard que ce film porte sur Paris brille d’amitié, d’affection, de compréhension, c’est vraiment le regard de notre sœur latine »(10).

Paola Palma

1 Titre de la critique de Jean Thévenot dans Les Lettres françaises, du 5 au 12 décembre 1952.

2 Ibid.
3 Jean-José Richer, « Paris est toujours Paris », Cahiers du cinéma, n° 19, janvier 1953.
4 Introduction au texte du scénario original du film, édité par la commune de Gorizia, 1987.

5 Jacqueline Fabre, « Pour Luciano Emmer Paris n’est pas la ville de toutes les perditions », Libération, 2 décembre 1952.
6 Jean Fayard, « Paris est toujours Paris », Paris Comoedia, 2 décembre 1952.
7 Louis Chauvet, « Paris est toujours Paris », Le Figaro, 2 décembre 1952.

8 Claude Garson, « Paris sera toujours Paris », L’Aurore, 3 décembre 1952.
9 L. Chauvet, « Paris est toujours Paris », déjà cité.
10 J. Thévenot, « Paris est toujours Paris : et l’Italie notre chère sœur latine », déjàcité.

Ce film n’aura fait qu’une trop brève réapparition sur les écrans parisiens. J’espère que nous aurons l’occasion de le revoir, au moins grâce à une réédition en DVD! Je vais me renseigner auprès de Paola Palma et vous tiendrai au courant.

A bientôt,

LM