Francophonie et mondialisation culturelle

Bonjour,

Mardi dernier, Emmanuel Macron nous a gratifié d’un vibrant discours sur la francophonie sous la coupole de l’Académie française.  Inspiré, lyrique, intime parfois, ce discours avait incontestablement « de la gueule » et nous changeait agréablement des banalités débitées par nombre de ses prédécesseurs. Comment ne pas se réjouir de voir défendue une vision de la francophonie ouverte, dans laquelle la France n’occuperait pas forcément la place centrale ou surplombante, une pensée du décentrement, qui estime – fût-ce au prix d’un brin de démagogie – que « le français s’est émancipé de la France, (qu’) il est devenu cette langue monde, cette langue archipel » et que la francophonie ne doit plus être « cet espace incertain à la périphérie de la France » : c’est la langue française, désormais, et non la France, qui doit occuper le centre de cette communauté linguistique.

Comment ne pas saluer, par ailleurs, certaines des mesures annoncées par le Président : l’augmentation des aides à l’apprentissage du français pour les réfugiés, le renforcement du réseau des professeurs de français à l’étranger, le développement de cours en ligne dans les universités du monde francophone, l’implantation d’une future cité de la francophonie à Villers-Cotterêt, ville natale d’Alexandre Dumas et où fut signée en 1539 l’ordonnance faisant officiellement du français la langue du royaume de France…

Mais comment aussi – « en même temps » – ne pas être frappé par la contradiction qui consiste à claironner l’objectif de faire du français la deuxième langue de communication du monde (voire la première, comme Macron l’avait dit à Ouagadougou, pris peut-être par l’ivresse des tribunes ou l’excès de bière de mil) tout en récusant toute volonté d’hégémonie et en affirmant son attachement au plurilinguisme. Si la francophonie veut être autre chose que le faux nez du néo-colonialisme ou les habits neufs de l’affrontement entre le français et l’anglais pour la domination linguistique, il faudra à un moment sortir de cette contradiction.

Comment, enfin, ne pas souligner cette autre contradiction entre l’attachement proclamé à la francophonie par Emmanuel Macron et la confirmation par Françoise Nyssen, sa ministre de la Culture, de la fin du Tarmac, la seule scène nationale permanente vouée aux écritures dramatiques de la francophonie? J’étais lundi dernier, la veille du grand discours de Macron, à la soirée de soutien au Tarmac organisée par sa directrice Valérie Baran. Autour de la journaliste Sévérine Kodjo-Grandvaux, plusieurs intellectuels et artistes ont exprimé leur opposition à ce projet de fermeture, rappelant le rôle essentiel joué par le Tarmac dans la découverte et la promotion d’auteurs venus de toute la francophonie et qui n’auraient pas, sans cette scène unique en son genre, accédé au marché théâtral français et à la reconnaissance dans leur propre pays.

Je rappelle qu’une pétition circule pour protester contre l’oukase gouvernementale et exiger le maintien du Tarmac tel qu’il existe.

Voici la version actualisée de cet appel à la résistance et au combat en faveur du Tarmac :

Le Tarmac en résistance #3 / Soutien du Conseil de Paris

Le Tarmac

23 mars 2018 — Cher(e)s allié(e)s,

La ministre de la Culture répétait encore le 19 mars que le Tarmac devrait disparaitre dès 2019 au profit de Théâtre Ouvert pour en faire « l’un des lieux emblématiques de la création francophone ». N’est-ce pas précisément ce qu’est le Tarmac ? Face à ce manque de considération voire de mépris, notre mobilisation continue. Un nouveau communiqué vient de paraître : https://bit.ly/2HYY8SK

19 mars : Soirée de Mobilisation au Tarmac

A la veille de la journée internationale de la Francophonie, s’est tenue au Tarmac une nouvelle soirée de mobilisation consacrée à l’analyse des incohérences entre les déclarations d’intention du gouvernement en matière de Francophonie et la décision du ministère de la Culture de fermer le Tarmac. « Au moment où le Président ouvre le débat de la Francophonie, il le ferme avec le Tarmac. C’est absurde ! » s’est exprimé Gustave Akakpo.

Débrief de la soirée par Louise Hermant pour Les Inrockuptibles (lien en dessous).

 

Parce que la Francophonie est l’affaire de tous, le Tarmac a fédéré dans sa lutte des soutiens politiques de tous bords. Les élus des groupes socialistes, communistes, écologistes, France Insoumise et les Républicains et Indépendants ont tous émis un vœu au Conseil de Paris du 21 mars afin d’interpeller la ministre de la Culture pour qu’elle abandonne sa décision de fermer le Tarmac. La Maire de Paris s’est également prononcée en faveur du Tarmac, en proposant un vœu de l’exécutif demandant la suspension de la décision de la ministre et la relance du comité de pilotage sur le relogement de Théâtre Ouvert, voté à la quasi-unanimité.

Comment nous soutenir ?

De nouvelles actions de mobilisation sont en cours d’organisation au Tarmac. Restez connectés, nous vous en ferons prochainement part. En attendant, venez nous inonder de messages de soutien en photo ou vidéo, grâce au video-photo-maton installé dans le hall du théâtre.

Usez et abusez du #defendonsletarmac sur tous vos réseaux sociaux afin de diffuser au maximum notre combat. On ne lâche rien !

La pétition Défendons le Tarmac atteint près de 14.000 signataires. 14.000 mercis !

A très bientôt,

Le Tarmac

 

Je finis ce post (je voulais parler de bien d’autres choses, mais le temps me manque, ce sera pour le prochain) par une annonce concernant une rencontre qui aura lieu le 29 mars prochain dans les locaux des éditions de L’Harmattan sur le thème de l’histoire de la mondialisation culturelle.

Voici l’annonce de cet événement qui promet d’être passionnant :

Madame, Monsieur,

Nous vous rappelons que la deuxième séance des Jeudis de l’Harmattan 2018 qui portera sur les dimensions historiques et culturelles de la mondialisation aura lieu le jeudi 29 mars 2018 à l’Espace culturel l’Harmattan au 24 rue des écoles – 75005 Paris (Métro Maubert mutualité) à partir de 14h.

 

Quelques places sont encore disponibles ! Nous vous invitons à vous inscrire

via le formulaire disponible en ligne ci-dessous :

Formulaire de confirmation de présence

Les discussions s’articuleront autour de deux tables rondes :

Table Ronde 1 : « La mondialisation comme processus historique » : Comment caractériser ce processus historique, quelle périodisation en donner, quels sont les modèles interprétatifs qui permettent d’en rendre compte?

Animée par François Chaubet (professeur d’histoire à l’université Paris Nanterre).

Vous retrouverez ses ouvrages, publiés aux Éditions l’Harmattan, en cliquant ici.

 

Intervenants :

  • Romain Bertrand (historien, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques)
  • Christian Grataloup (géographe, professeur émérite à l’université Paris VII Diderot)
  • Sylvain Venayre (historien, professeur à l’université de Grenoble)

Table ronde 2 : « La culture-monde : résultat du processus de mondialisation culturelle aux XXe-XXIe siècles »

Quels en sont les caractères et les acteurs principaux, quels sont les obstacles qu’elle rencontre, à quelles conditions (politiques, économiques, etc.) cette culture-monde pourrait-elle devenir un nouvel universalisme humaniste et non seulement la ruse de la raison capitaliste et impérialiste ?

Animée par Laurent Martin (historien, professeur à l’université de Paris 3 Sorbonne-Nouvelle)

Intervenants :

  • François Chaubet (professeur d’histoire à l’université Paris Nanterre). Vous retrouverez ses ouvrages, publiés aux Éditions l’Harmattan, en cliquant ici.
  • Robert Frank (historien, professeur émérite de l’université de Paris 1)
  • Ludovic Tournès (historien, professeur à l’université de Genève)

L’entrée est gratuite et le nombre de places est limité.

Nous vous invitons également à noter la date du prochain et dernier jeudi de l’Harmattan de l’année : le 24 mai 2018 – « Les industries culturelles et créatives dans la mondialisation ».

LM.