Culture ouverte

Bonsoir,

je voulais aller ce soir soutenir les amis du Tarmac, le théâtre francophone installé dans le 20e arrondissement de Paris, qui est menacé de fermeture. Et puis, non, j’étais enlisé dans la préparation d’un cours que je ne terminerai sans doute qu’assez tard cette nuit. Ainsi va la vie de l’universitaire moyen…

Le Tarmac a pourtant bien besoin de soutien. Héritier du Théâtre international de langue française fondé en 1985 par Gabriel Garran, il illustre parfaitement depuis plus de trente ans la création de qualité et l’ouverture sur le monde qui sont plus que jamais nécessaire à la respiration de cet art jadis populaire, aujourd’hui menacé de ghettoïsation socio-culturelle. Sous la direction avisée de Valérie Baran, le Tarmac porte haut les multiples couleurs d’un théâtre francophone, c’est-à-dire mondial. Et voilà que par une oukase ministérielle annoncée par voie de presse le 31 janvier dernier, il fermerait ses portes!? Et cela pour faire place à un autre projet, Théâtre Ouvert, ainsi mis dans le cas douloureux de ne vivre qu’au prix de la mort d’une magnifique institution? On ne peut que dénoncer cette décision brutale, dont on devine qu’elle procède davantage d’une logique comptable que d’un projet artistique longuement mûri. C’est le sens de la lettre ouverte écrite par l’équipe du Tarmac, que vous pouvez trouver ici :

Cliquer pour accéder à cp-letarmac-02-02-2018.pdf

Et de l’appel à signer la pétition mise en ligne ici :

https://www.change.org/p/défendons-le-tarmac

Autre appel venu du large : celui que lance Judith Depaule, directrice de l’Atelier des artiste en exil. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’un appel au secours, car l’atelier, qui a ouvert ses portes en septembre dernier, se porte plutôt bien (il bénéficie d’ailleurs du soutien du ministère de la Culture et de la Ville de Paris), mais plutôt d’un appel à soutenir son développement par le biais d’un financement participatif. Vous le trouverez à cette adresse-ci :

http://aa-e.org/fr/

Et vous découvrirez par la même occasion, si ce n’est pas déjà fait, l’existence de cette structure originale, installée elle aussi à Paris, dans le 18e arrondissement, qui accueille en résidence des artistes venus de pays en proie à toutes les violences, pour leur permettre de créer dans la paix et la sécurité. Dirigé par Judith Depaule et Ariel Cypel, qui pilotaient auparavant le théâtre et espace culturel Confluences, il accueille aujourd’hui une cinquantaine d’artistes, venus de Syrie et du Soudan pour beaucoup. D’autres sont aussi Irakiens, Yéménites, Libyens, Somaliens, Gambiens, Maliens, Sénégalais, Russes, Kazakhs, Ouïgours… Certains ont présenté leur travail l’automne dernier dans le cadre du festival Welcome au musée national de l’Immigration, d’autres le font jusqu’à la fin mars au Palais-Royal. Le ministère a fait l’effort nécessaire dans cette affaire ; dommage qu’il se soit planté pour le Tarmac mais le coup est peut-être rattrapable (surtout si nous sommes nombreux à se mobiliser)?

Ce qui n’est pas rattrapable, en revanche, c’est le ratage du gouvernement concernant le projet d’exposition universelle. Là encore, la communication gouvernementale s’est signalée par sa brutalité méprisante. D’une simple déclaration dans les médias, le 19 janvier dernier, sans prendre la peine de prévenir les animateurs du projet qui triment depuis plusieurs années sans relâche pour faire gagner la France dans la compétition qui l’oppose à la Russie, au Japon et l’Azerbaïdjan, le Premier ministre a prononcé l’arrêt de mort de la candidature française. « J’ai décidé de ne pas donner suite à la candidature française, qui sera retirée », a déclaré Edouard Philippe agissant ainsi en porte-flingue d’Emmanuel Macron, lequel avait pourtant publiquement apporté son soutien au projet, il y a quelques mois à peine.

Raison invoquée? « Les faiblesses structurelles du modèle économique » du projet, qui risque des mettre en péril des finances publiques déjà mal en point. On ne sache pas qu’un tel argument ait été avancé pour refuser d’accueillir la coupe du monde de rugby en 2023 ou les Jeux Olympiques l’année suivante. Mais sans doute le sport fait-il davantage recette auprès de nos élites soucieuses de divertir le bon peuple qu’une exposition des meilleures réalisations de la science et de la technique.

Ils étaient pourtant beaux, ce projet d’exposition décentralisée, et ce Globe qui aurait montré la Terre à l’échelle 1/75000e, réalisant enfin le rêve d’Elisée Reclus, lequel avait conçu ce projet pour l’Exposition de 1900 afin de proposer aux visiteurs de voyager d’un continent et d’un pôle à l’autre. « Et mon globe? écrivait-il après que sa proposition eut été rejetée. Eh! mon ami, s’il ne se fait pas sous mon nom, il se fera sous d’autres noms, plus grand, plus beau. Nos fils et nos petits-fils travailleront mieux que nous. » Hélas, les arrière-petits-fils ont failli autant que leurs parents et ma fille ne verra sans doute pas le Globe de Reclus réalisé. Elle verra à la place des sportifs sauter par dessus des perches ou se féliciter d’avoir amélioré d’un centième leur précédent record. Grisant.

Je sais, je fais mon intello grognon et caricatural. Par dépit, je force le trait, car en vérité je ne déteste ni le sport ni l’effort. Il m’arrive de regarder des matchs de rugby, même si le spectacle offert en ce moment par l’équipe de France a de quoi désespérer les plus optimistes… Mais ce qui me désole surtout, c’est de constater que la France passe une nouvelle fois à côté d’un événement qui aurait eu un retentissement de bien plus grande portée que n’importe quelle manifestation sportive, qui aurait laissé des traces bien plus durables, bien plus belles… J’y pensais aujourd’hui encore en écoutant la directrice du Grand Palais évoquer les travaux de restauration de ce lieu superbe, qui vont durer jusqu’en 2023 (ironie cruelle de l’histoire, cette date est fixée pour permettre au GP d’accueillir des épreuves des JO…). Le Grand Palais! Ce rêve de fonte et de verre beau comme un dessin de Schuiten, construit pour l’exposition de 1900 et qui fait tant aujourd’hui encore pour l’embellissement de Paris. Nous léguerons à nos successeurs des stades et des piscines. C’est autre chose…

En parlant de ville, je finis sur une annonce. Jeudi prochain, la séance du séminaire de recherche sur les capitales européenne et la culture, soutenu par le Comité d’histoire du ministère de la Culture, accueillera Gérôme Guibert et Jedediah Sklower pour parler de la musique. La séance se déroulera à l’université de Paris 1, au Centre Mahler, dans la rue du même nom (au 9 de la rue, CHS salle 106), et commencera à 14 heures. Inscription possible à cette adresse :

[séminaire] Capitales européennes et industries culturelles depuis 1945 (2017-2018)

Et à 17h, cette fois à l’université de Paris 3, site Censier (13 rue Santeuil, dans le 5e arrondissement de Paris), salle Las Vergnas (au 3e étage du bâtiment), vous pourrez assister à la conférence que donne Mariko Oka-Fukuroi, professeure à la School of Cultural and Creative Studies de l’université Aoyama Gakuin et administratrice déléguée de la Maison franco-japonaise à Tokyo, sur « la réception muséale de la culture japonaise en France » (1977-2017).

En voici la note de présentation :

Comment l’esthétique japonaise touche le goût d’un large public en France? Trouve-t-on des points communs entre  deux cultures en quête de formes esthétiques nouvelles ? D’un côté comment expliquer le succès des Japan Expo, versions populaires de la culture japonaise des mangas exportés en Europe et de l’autre, celles d’expositions institutionnelles (comme le moine Ganjin, Joconde japonais en 1977, Hokusai en 2014, Japan-ness. Architecture et urbanisme au Japon depuis 1945  et  Japanorama. Nouveau regard sur la création contemporaine  au Centre Pompidou-Metz  en 2017-2018). Sans oublier celle plus récente de la Maison de la culture du Japon à Paris À l’aube du japonisme, Premiers contacts entre la France et le Japon au XIXe siècle. On redécouvre dans les musées une réception à la fois passionnée et  constante d’une autre culture japonaise par le public français ? Quelles sont les conditions de cette médiation et la fonction de ces expositions ?

Mariko m’a également communiqué le programme d’autres rencontres prévues dans les jours prochains autour des arts traditionnels japonais :

  • Vendredi 16 février   workshops / salles des lotus et des bambous 

 

Ateliers destinés aux étudiants / restaurateurs / conservateurs / etc.

Inscription obligatoire

N.B. la communication et l’organisation des inscriptions seront assurées avec la participation des institutions associées Université Paris 1 / INP / Bibliothèque nationale / Association franco-japonaise du papier…

 

9h-12h30  Salle des Bambous 

Préservation et restauration du papier washi 

Avec Jumpei Kanazashi et Katsuhiko Masuda/ introduction Cécile Becker

16 participants par atelier + 8 personnes encadrantes

 

13h30-17h  Salle des lotus 

Exposer et entretenir les sabres et fourreaux japonais

Avec Tetsutaro Morii et Atsuhiro Morii / introduction Cécile Becker

16 participants par atelier + 6 personnes encadrantes

 

13h30-16h  Salle des Bambous

Séance spéciale sur la Restauration du papier washi 

Avec Jumpei Kanazashi et Katsuhiko Masuda

8-10 restaurateurs professionnels + 2 personnes encadrantes

 

  • Samedi 17 février  – Autour de l’exposition Daimyo / arts de la guerre

Conférence-démonstration – grand public

11h-13h   Salon Pelliot

Sabres et fourreaux japonais  (Titre à préciser) 

Avec Tetsutaro Morii et Atsuhiro Morii / introduction Michel Maucuer

Réservation obligatoire  70 participants par séance + 8 personnes encadrantes

 

Conférence démonstration –Grand public

15h-17h30   Salon Pelliot 

Laques du Japon création restauration (Titre à préciser)

Avec Tatsuya Matsumoto / introduction Michel Maucuer

Réservation obligatoire   70 participants par séance + 8 personnes encadrantes

De quoi donner des idées pour ce week-end…

… que je vous souhaite excellent!

LM

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