Nos morts illustres

Bonjour et bonne année 2018 à tou-te-s,

je vous la souhaite merveilleuse, splendide, etc.

J’ai laissé filer les semaines sans tenter de les saisir, sans prendre le temps d’écrire la moindre ligne sur ce blog. Il faut dire que les sujets qui me tentaient n’étaient pas d’une folle gaieté. Je songeais notamment à un papier sur trois morts illustres (Jean d’Ormesson, Johnny Hallyday, France Gall), sur la signification de l’émoi national qu’elles ont suscité, sur le morceau d’histoire culturelle française que chacun de ces trois disparus emportait avec lui.

Je méditais aussi sur l’injustice de la célébrité, qui laissait dans l’ombre projetée par ces étoiles d’autres morts non moins importants à mes yeux et qui auraient mérité autant d’hommages ; par exemple Jack Ralite, décédé sans bruit le 12 novembre 2017, qui a occupé une grande place dans le débat français sur la politique culturelle tout au long de cinq décennies de combat politique et culturel, une place côté coeur, côté gauche, dans un engagement humaniste et généreux jamais démenti, pour que cette politique serve avant tout ceux que leur condition socio-économique tient à l’écart de la culture non purement distractive. Emmanuel Wallon lui a rendu un juste hommage dans un article de la revue Esprit sous le titre heureux de « Jack l’antifataliste ». Vous pouvez le retrouver ici :

http://www.esprit.presse.fr/actualites/emmanuel-wallon/jack-l-antifataliste-578

Paris – le 27 octobre 2008 – JACK RALITE – sénateur PCF – Journée d’étude « l’audiovisuel public en danger » au théatre du Vieux Colombier, à l’appel des états généraux de la culture – Photo Patrick Nussbaum

Mais voici qu’une autre figure disparaît, qui s’impose – oh! sans jouer des coudes ou des épaules, ce n’était pas son genre – sur le devant de mes peines : Etienne Tassin. Philosophe, grand spécialiste d’Hannah Arendt, professeur à l’université de Paris 7, il était aussi et surtout pour moi un ami. Il est mort – comme Roland Barthes, me disait sa compagne Anne-Claude en souriant à travers ses larmes – renversé par un chauffard en traversant la rue, à Paris, il y a une semaine.

Il avait ce charme qui déclenche immédiatement la sympathie, une intelligence aigüe mais jamais blessante, un regard bienveillant posé sur les autres et le monde qui réchauffait à son contact. Je l’aimais sans le connaître vraiment, on se voyait de temps en temps, trop rarement, pendant les vacances ou à l’occasion de quelque soirée. Je sais qu’il était estimé et respecté pour son grand savoir, sa grande culture, rappelés par Sonia Dayan-Herzbrun dans un beau papier publié dans Libération voici deux jours que vous pouvez trouver ici :

http://www.liberation.fr/debats/2018/01/11/etienne-tassin-un-philosophe-qui-questionnait-le-monde_1621797

Je peux témoigner qu’il était aussi un bon vivant, un homme qui savait rire et boire et « de la vie faire ripaille », comme chantait Daho. Il me manquera, comme il manquera à beaucoup, à commencer par sa famille, que j’embrasse tendrement. Salut, Etienne.

A ceux qui penseront que commencer l’année sur un ton aussi funèbre dénote un esprit mélancolique voire dépressif, je répondrai 1) que, selon Lacordaire, « la mélancolie est la grande reine des âmes qui sentent vivement ; elle les touche sans qu’elles sachent comment ni pourquoi, à une heure secrète, inattendue » 2) que le chagrin survient sans crier gare, et qu’il importe peu à la Camarde que le moment soit mal choisi.

Je ne veux pas, cependant, terminer ce billet sans lui ajouter quelques informations pratiques. Deux séminaires de recherche qui me sont chers reprennent en ce début d’année. Le premier porte sur les rapports entre culture et communication. Il reprend sous la houlette de ma collègue et amie Evelyne Cohen en se focalisant cette année sur la culture à la télévision, avec une première séance le 18 janvier consacrée aux modèles de télévision et à leur mise en oeuvre, avec notamment la participation de Bernard Faivre d’Arcier. Les séances se tiendront de 16h à 19h à l’École nationale des chartes (65 rue de Richelieu – 75002), l’accès est gratuit mais sur inscription à cette adresse : comitehistoire@culture.gouv.fr. Vous trouverez le programme complet ici : http://chmcc.hypotheses.org/3945

L’autre séminaire est celui que j’anime avec Françoise Taliano-des-Garets sur les capitales européennes et la culture depuis 1945 avec le soutien du Comité d’histoire du ministère de la culture et du laboratoire ICEE, entre autres partenaires. Il portera cette année sur le thème des industries culturelles et créatives. A vrai dire, il a déjà repris puisque notre première séance de l’année s’est tenue jeudi dernier sur le thème du cinéma. La prochaine séance est programmée le jeudi 8 février au Centre Malher de Paris (9 rue Malher, dans le 4e arrondissement de Paris) et portera sur le secteur de l’édition avec une comparaison entre Paris, Berlin et Londres.

Voici le programme complet du séminaire :

Séance n°1, jeudi 11 janvier 2018 14H-16H, Centre Mahler (université Paris 1), salle 106 , 9 rue Mahler 75004 Paris  : L’industrie cinématographique dans les capitales européennes depuis 1945

L’objet de cette séance sera d’élaborer un historique de l’économie du cinéma dans les capitales (production, distribution, exploitation). L’évolution de la géographie du parc cinématographique (la polarisation par quartier), celle des cinémas d’art et d’essai, d’éventuelles expériences de cinémas de plein air, retiendront notre attention. On reliera l’ensemble à l’étude des mouvements artistiques.

Séance n°2, jeudi 8 février 2018  14h-16h, Centre Mahler (université Paris 1), salle 106 , 9 rue Mahler 75004 Paris : L’édition dans les capitales européennes depuis 1945

On recensera les maisons d’édition des capitales, leur évolution quantitative et géographique en focalisant sur les quartiers concernés, ainsi que sur leur rayonnement international. L’économie du livre retiendra donc notre attention mais aussi les champs éditoriaux couverts dans une perspective diachronique.

 

Séance n° 3, jeudi 15 février 2018 14H-16H, Centre Malher (université Paris 1), salle 106, 9 rue Mahler 75004 Paris  : Les industries de la musique et les évolutions musicales dans les capitales européennes depuis 1945

La séance sera consacrée aux supports de diffusion musicale et à leur évolution dans le temps et dans l’espace, du disque au numérique. Comment les capitales ont-elles été des pôles de l’industrie du disque, comment celle-ci a-t-elle porté les différents courants musicaux, rock, punk, musique électronique ? Comment et quand cette industrie s’est-elle engagée dans les difficultés ? Les autres vecteurs pourront aussi être abordés : radio, cassettes, numérique.

Séance n°4, jeudi 15 mars 2018 14H-16H, université Paris 3, 13 rue Santeuil, 75 005 Paris : Presse écrite et audiovisuelle dans leurs relations avec la vie culturelle des capitales européennes depuis 1945 

Les principales évolutions économiques et politiques de la presse écrite et audiovisuelle des 4 capitales seront examinées et on prêtera attention à leurs répercussions sur la sphère littéraire et artistique. On pourra se pencher également sur les représentations véhiculées par ces vecteurs d’information en ce qui concerne les capitales.

 

Séance 5, vendredi 13 avril 2018 14H-16H université Paris 3, 13 rue Santeuil, 75 005 Paris : Les arts appliqués dans les capitales européennes depuis 1945

Les capitales ont semble-t-il vocation à concentrer l’industrie de la mode, l’industrie du luxe et ce qu’on appelle plus largement les arts appliqués. Paris offre un exemple probant dès l’époque moderne pour ce qui est du vêtement. Les capitales ont en ce sens un fort pouvoir de définition des goûts. Cette séance se propose de vérifier dans quelle mesure le phénomène s’est développé depuis 1945, à partir de quelques exemples de capitales européennes. Celles-ci peuvent également exercer un pouvoir de rayonnement international non négligeable dans ce domaine. Une approche comparée devrait permettre de distinguer des phénomènes de concurrence internationale.

 

 

 

 

 

Laisser un commentaire